Nous ne sommes qu'à mi-campagne des élections du 8 décembre et les jeux, si l'on se fie aux résultats des sondages, pourraient déjà être faits. Méfions-nous toutefois des jugements hâtifs, car il nous reste d'ici le jour du scrutin à aller au fond des choses, les chefs de parti s'étant surtout comportés jusqu'ici en illusionnistes qui multiplient les promesses aux allures miraculeuses.
Le thème imposé à cette campagne électorale par le premier ministre Jean Charest est l'économie. Dans un contexte de récession appréhendée, il va de soi qu'il faut se demander lequel des trois grands partis qui s'affrontent peut le mieux conduire le navire. Pour cela, il faut connaître les mesures de soutien à l'économie envisagées et le plan financier proposé.
Or, depuis le déclenchement de ces élections, on assiste à un déploiement quotidien de promesses dont l'addition donne le vertige. Un jour, c'est pour les garderies; un autre, pour les régions, puis pour les artistes et les parents qui veulent avoir recours à la procréation assistée, sans oublier la construction à Québec d'un nouveau Colisée. Toutes des promesses vertueuses qui sont applaudies par ceux à qui elles s'adressent. Toutes des promesses que l'on peut penser voir se réaliser puisqu'elles sont souvent identiques d'un parti à l'autre. Toutes des promesses qui, assure-t-on, vont créer de l'emploi et soutenir l'activité économique.
Combien cela coûtera-t-il? Hier, la chef péquiste, Pauline Marois, qui présentait le cadre financier de son programme, les chiffrait à 1,7 milliard. Aujourd'hui, le premier ministre Jean Charest dévoile le sien. L'exercice est intéressant, mais il a ses limites. Tous les cadres financiers reposent sur des hypothèses de croissance des revenus de l'État qui sont elles-mêmes basées sur des hypothèses de croissance de l'économie. La vérité est que personne ne peut prédire avec certitude jusqu'à quel point le ralentissement économique prévu se transformera en récession, ni quelle en sera la sévérité. On a vu la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, revoir juste avant le déclenchement des élections ses prévisions de croissance à la baisse, révision que plusieurs économistes ont jugées trop optimistes.
De quoi demain sera-t-il fait? La seule chose certaine dans le contexte actuel, c'est qu'il n'y a rien de certain, au point où les Charest, Marois et Dumont accompagnent leurs promesses d'une précaution oratoire: on le fera si tout va bien! Et on jure que tout sera fait pour éviter les hausses de tarifs, d'impôts et de taxes. Quant au déficit budgétaire, il est illusoire de penser l'éviter.
Pourquoi donc multiplier les promesses si on n'est pas certain de les tenir? Les chefs de parti le font pour capter l'attention des électeurs, mais aussi pour que ceux-ci ne scrutent pas trop attentivement la capacité de chacun des partis à tenir le gouvernail. En cette matière, le premier ministre Charest, fort habilement, a évité jusqu'ici l'exercice de reddition de comptes qui revient au gouvernement sortant, réussissant à détourner l'attention sur la gestion de son adversaire péquiste lorsque celle-ci était ministre de la Santé et de l'Éducation dans les gouvernements Bouchard et Landry.
Pauline Marois serait-elle la mauvaise gestionnaire que nous décrit Jean Charest? Elle ne mérite certainement pas une note parfaite, mais pas au point d'en faire une dernière de classe. On peut dire la même chose du premier ministre. Il est d'ailleurs le premier à reconnaître, quoique à demi-mot, avoir fait des erreurs au cours de son premier mandat. De fait, si Jean Charest n'avait pas été entouré de quelques bons ministres, Philippe Couillard à la Santé et Monique Jérôme-Forget aux Finances, son premier mandat aurait été globalement un échec.
De ses erreurs, Jean Charest a certainement appris, tout comme Pauline Marois. Cela l'a amené à gouverner avec une extrême prudence au cours de son deuxième mandat -- on pourrait même dire qu'il n'a pas gouverné tant il n'a pas pris de décisions, pensons aux rapports Castonguay sur le rôle du privé en santé et Montmarquette sur la tarification des services publics, qu'il a mis au rancart.
L'homme a apparemment changé, se faisant progressiste et défenseur des «valeurs» québécoises. Ce changement est toutefois trop récent pour qu'on ne se demande pas s'il ne s'est pas fait caméléon, se fondant à la couleur de son environnement. Au lendemain des élections, cette nouvelle couleur tiendra-t-elle? D'ici la fin de la campagne, M. Charest doit apporter une réponse convaincante, tout comme Pauline Marois doit montrer qu'elle a, elle aussi, appris de ses erreurs. Autant les partis doivent dire clairement la destination qu'ils proposent aux Québécois, autant leurs chefs doivent démontrer qu'ils sauront les conduire à bon port. Ce devrait être là l'enjeu principal du débat des chefs de mardi.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé