Ils ont assurément été nombreux, chez nos amis progressistes du Canada anglais, à avoir soupiré cette phrase la semaine dernière. Sans l’élection massive de députés indépendantistes du Bloc québécois à la Chambre des communes, le premier ministre du Canada, Stephen Harper, aurait eu les « mains libres » pour adopter une série de mesures antidémocratiques. Parions que le chef conservateur ne se serait pas arrêté là…
La crise politique qui frappe maintenant le Parlement canadian -- du jamais vu depuis 1867 -- a démontré de façon éclatante l’utilité du Bloc québécois à Ottawa, en attendant que les Québécois comprennent « qu’ils ont assez de leurs problèmes », comme le soulignait à la sauvette Mario Dumont, sur les ondes de RDI, vendredi soir dernier.
L'autonomiste (sic) n’en finit plus de trébucher dans ses déclarations contradictoires pour trouver une façon de justifier la tutelle fédérale sur les affaires du Québec. Il a tout fait, lors du dernier scrutin fédéral, pour convaincre les Québécois que les troupes de Gilles Duceppe étaient inutiles aux Communes, lui qui appuyait ouvertement celui qui vient de montrer à quel enseigne idéologique il loge. Lundi encore, le député de la circonscription de Rivière-du-Loup s’indignait maladroitement de l’accord donné par le Bloc québécois, pour que se crée une coalition formée du NPD et du PLC! Le p’tit gars de Cacouna ne sait-il pas que Gilles Duceppe s’est assuré, en échange, que les subventions allouées au milieu culturel soient rétablies, ainsi que des sommes pour venir en aide aux chômeurs du secteur manufacturier soient prestement attribuées ? N’est-ce pas un geste noble de penser d’abord aux besoins de la population, avant les intérêts partisans? Mario Dumont ne voit-il pas que les bloquistes ont droit de vie ou de mort sur cette coalition? Les tendances centralisatrices des partis ligués que le chef adéquiste décrie ne peuvent donc pas menacer le Québec. Le leader de l’ADQ sait fort bien, de toute manière, ce qu’il peut faire pour s’assurer que sa patrie ne le soit plus jamais, si ce péril l’inquiète vraiment… Pas facile de suivre la démarche politique de Mario Dumont. Ils sont d’ailleurs de moins en moins nombreux à la comprendre au Québec.
Idem pour Jean Charest. Le chef du Parti libéral est également un triomphe d’ambiguïté depuis que la crise politique a éclaté au gouvernement fédéral. Après avoir déclaré qu’il y avait trop de mains sur le gouvernail à Québec, sans pour autant avoir le courage d’ajouter que celles d’Ottawa nuisent tout autant, voilà que le député de Sherbrooke affirme que l’instabilité politique à Ottawa empêche l’État canadien de s’occuper d’économie. Il réclame donc haut et fort que l’électorat québécois lui accorde une majorité de sièges à l’Assemblée nationale pour le prémunir d’un péril semblable. Le leader libéral est assurément le seul au Québec qui ne réalise pas que l’appareil d’État qu’il espère diriger encore le 8 décembre prochain, a évité le pire parce que Stephen Harper est à la tête d’un gouvernement minoritaire.
Il est clair que le chef conservateur n’avait pas l’intention d’agir pour soutenir l’économie, comme le font les autres grands pays industrialisés. C’est plutôt par l’entremise de compressions budgétaires que le gouvernement fédéral comptait lutter contre le ralentissement économique, malgré les demandes du Québec. Il ne fait pas de doute que les paiements de transfert étaient condamnés à diminuer. Il serait intéressant que Jean Charest nous dise comment ses « mains libres » lui auraient permis d’empêcher le gouvernement fédéral de décréter une baisse des montants qu’il attribue aux provinces. Comment aurait-il neutralisé la volonté d’Ottawa de modifier le Sénat et d’affaiblir le poids politique du Québec aux Communes? Qu’il nous explique aussi en quoi les accointances du Parti québécois avec le Bloc québécois, nuisent à Pauline Marois quant à son objectif de défendre les intérêts du Québec!
Jean Charest refuse de commenter davantage ce qui se brasse présentement à Ottawa. L’homme se contente d’essayer de convaincre qu’il lui faut une majorité pour s’occuper d’économie. Malheureusement pour lui, la bourde qu’a commise Stephen Harper a ébranlé les Québécois. Ceux qui l’ont appuyé sont sous le choc : ils découvrent la vraie nature de cet homme. La scène secoue : elle rappelle que Jean Charest, alors qu’il était majoritaire à son premier mandat, avait multiplié les décisions douteuses. Minoritaire par la suite, le gouvernement qu’il a piloté était devenu nettement moins pugnace.
Le débat des chefs a prouvé que le leader libéral ne maîtrise pas ses dossiers. L’homme a bafouillé au moment de chiffrer le montant de la dette publique. Les investissements du secteur privé fondent comme peau de chagrin : la ministre des Finances ne sait plus à combien ils s’élèvent pour les cinq prochaines années. Le budget est déficitaire, aux dires du Vérificateur général du Québec : on tente de cacher la vérité. Le chef du PLQ jure qu’il n’est pas au courant des pertes qu’a subies la Caisse de dépôt et placement. Voilà qui est inquiétant de la part du chef de l’État québécois. Voilà qui est surtout invraisemblable parce que son bras droit reçoit un rapport mensuel de cette société publique. Comment peut-il ne pas être renseigné? Peut-être refuse-t-il de l’être parce qu’il craint le pire.
À une semaine du jour du vote, les Québécois doivent réaliser que leur État est administré par une bande d’amateurs sans envergure. Ils n’ont aucune vision de grandeur pour le Québec. De plus, ce qui est observé à Ottawa est très pédagogique. Il ne peut être question d’accorder une majorité de députés à Jean Charest : les fédéralistes, lorsque majoritaires au pouvoir, menacent directement les intérêts du Québec. Les Québécois aussi doivent pouvoir dire, le 9 décembre prochain, ce qui coiffe cette chronique.
Patrice Boileau
Dieu merci, il est minoritaire...
Mario Dumont ne voit-il pas que les bloquistes ont droit de vie ou de mort sur cette coalition?
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3 commentaires
Archives de Vigile Répondre
4 décembre 2008J'aime ton texte mais je crois que je dois te montrer une erreur: "L’homme a bafouillé au moment de chiffrer le montant de la dette publique.". Radio Canada a affirmé que les deux avaient raison, l'un parlait de la dette net (actif) et l'autre brut, enfin je ne suis pas spécialiste mais la différence était mineure, de mémoire 124 000 pour charest et 140 000 pour dumont donc c'est plausible.
Georges-Étienne Cartier Répondre
3 décembre 2008Tout à fait d`accord, moi aussi .
Quant à Jean Charest, s`il garde les main libres, tout ce qu`il trouve à faire avec c`est de les mettre dans ses poches: plus insignifiant et vide que ça tu devrais mourir.
Mais pas au Québec, semble-t-il !
Et même quand il se fait poser des questions précises et pertinentes ( voir, étonnament, sa dernière entrevue avec Bernard Derome !),il les ignore purement et simplement pour débiter sa sempiternelle cassette creuse d`un ton qui sonne tout ce qu`il y a de plus faux !
Et on ( nos journalistes paralysés par leur crainte révérencielle !) le laisse aller béatement, sans broncher, et rire du monde !
Ça se peut-y !
Jacques Bergeron Répondre
3 décembre 2008Bien dit mon cher Patrice. Et bien dit aussi ce que tu as dit à Jacques Beauchamp ce midi. Cela fait oublier le jeune doctorant, (comme il se définit)ou étudiant au «doctorat», Mathieu Bock-Côté, qui manque certainement, ce qui se voit bien, du jugement et de la sagesse nécessaires aux grands hommes.Merci d'avoir écrit ce texte, dont je partage chaque mot, pour nous.