Quelle sorte de capitalisme voulons-nous?

Chronique de Patrice Boileau


Voilà la question qu’a posée Nicolas Sarkozy aux gens réunis à Davos en Suisse, la semaine dernière. Le président de la France a plaidé pour une certaine moralisation de ce modèle de développement, lors du 40e forum économique qui s’est terminé le 31 janvier dernier.
La requête du chef de l’Hexagone s’inscrit dans un climat économique mondial marqué par une frêle reprise. Cette relance s’avère encore très précaire et pourrait mourir dans l’œuf, face à l’endettement profond dans lequel se retrouvent maintenant les finances des principaux pays industrialisés de la planète.
Le Québec ne fait malheureusement pas exception à la règle. Les milliards que le gouvernement Charest a dépensés dans les travaux d’infrastructures, suite aux recommandations de la Commission Johnson, ont alourdi une dette publique déjà passablement élevée. Il sera difficile à l’administration libérale de continuer de stimuler l’économie à crédit, comme il l’a fait ces derniers mois. Tout comme Ottawa et Washington, Québec doit dorénavant penser à un moyen de rembourser les sommes qu’il a dépensées pour réparer les bourdes des banquiers américains.
C’est la classe moyenne et les démunis qui devront encore payer pour les dérives d’un capitalisme laissé de nouveau sans surveillance, depuis le milieu des années 1990. La supposé prospérité qui a duré un peu plus de dix ans fut finalement le fruit d’une consommation à crédit exacerbée par l’arrivée en scène des produits à bon marché fabriqués en Chine. Maintenant que le budget des ménages a éclaté suite à un endettement intenable, il faut réapprendre à épargner.
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Ce que plusieurs au Québec n’ont pas encore saisi. À commencer par les médecins spécialistes qui exigent des augmentations de salaires exagérées, compte tenu de l’état d’extrême détresse dans lequel se trouvent les finances publiques québécoises. Il est de plus en plus lassant d’entendre toujours la même rengaine fallacieuse pour justifier de pareilles majorations. Certes il est vrai que les hommes et les femmes qui exercent la même profession, touchent davantage à l’extérieur du Québec. Sauf qu’il faut regarder le portrait économique dans son ensemble. Combien de fois faudra-t-il en effet répéter que le coût de la vie est l’un des moins élevés ici, dans l’ensemble nord-américain? Acheter une propriété, pousser son panier d’épicerie, assurer son véhicule, envoyer ses enfants à la garderie et à l’université, commandent des déboursés moindres sur le territoire québécois.
Une société individualiste n’a évidemment que faire de ces précisions. Parlez-en à ces infirmières qui travaillent dans des agences privées. Celles-ci empochent le double, voire le triple de la rémunération que touchent leurs camarades du secteur public. De plus, elles peuvent refuser d’effectuer le quart de nuit et celui des fins de semaine. La belle vie quoi! Certes, aucun avantage social ne leur est consenti, au contraire des infirmières du secteur public. Reste que la facture salée que doit assumer le centre hospitalier qui sollicite leurs services, est refilée ensuite à l’État québécois. C’est donc l’ensemble des contribuables qui financent ultimement les coûts de cette privatisation insidieuse de notre système de santé.
Voilà un exemple parmi plusieurs qui accentuent la pression sur la capacité de payer de Québec. En cette période de consultation pré-budgétaire, il faut se poser collectivement la question qu’a évoquée le chef de l’État français : quelle sorte de capitalisme voulons-nous? En d’autres termes: dans quel type de société souhaitons-nous vivre? Face à un déficit budgétaire de plus de cinq milliards pour le présent exercice financier, nous ne pouvons agir en fonction de nos intérêts personnels; il nous faut faire preuve de solidarité afin d’éviter le pire. Le pire étant de perdre certains services que nous avons choisi de se donner depuis la Révolution tranquille.
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Convaincre la société civile d’adhérer à ce projet collectif d’aider notre État à recouvrer la santé financière, exige du leadership. Québec doit ainsi montrer l’exemple en déclarant la guerre à la corruption qui détourne des milliards de fonds publics de leur cible initiale. Nous ne devons plus accepter de payer 30% plus cher pour des travaux d’infrastructures, au contraire des nations voisines. Les partis d’opposition à l’Assemblée nationale doivent parvenir à faire plier le gouvernement de Jean Charest afin qu’il prouve à la société québécoise qu’il est déterminé à trouver d’abord dans ces structures les sommes colossales qui nous échappent. Jean Charest doit faire également le ménage dans ses propres troupes pour discarter tous les éléments qui éclaboussent l’intégrité de nos institutions politiques. Jamais aura-t-on vu un gouvernement aussi désinvolte face aux multiples cas de conflits d’intérêt qui l’a touché.
Québec doit aussi réviser ses plans de dépenses. L’érection de deux CHU s’avère dorénavant une folie pharaonique qu’il faut oublier. Les milliards ainsi épargnés pourront servir à boucher des trous beaucoup plus urgents.
Peut-être que ces gestes aideront les contribuables à accepter plus facilement les sacrifices qui l’attendent. Peut-être que les employés de la fonction publique, ceux qui subissent encore les effets de politiques de compressions sévères, accepteront de venir à la rescousse d’un capitalisme complice d’une mondialisation sauvage. Il est ensuite à espérer qu’une alternative se développe pour supplanter ce système qui a montré ses limites, une avenue rendue praticable par la promotion d’une consommation responsable et solidaire.
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Le Parti québécois pousse un soupir de soulagement de ne pas former le gouvernement. Il n’a pas à refuser les demandes salariales des employés de l’État et n’est pas celui qui annoncera des hausses tarifaires tous azimuts. Le PQ se contente d’appuyer du bout des lèvres le gouvernement Charest dans l’espoir de ne pas ruiner ses chances de lui ravir le pouvoir. Il est vrai qu’il est difficile de faire davantage lorsqu’on aspire à la gouverne provinciale, alors qu’il faudrait pourtant proposer une solution enthousiasmante. Dommage.
Patrice Boileau




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