Di-vert-sion à Copenhague

Chronique de Patrice Boileau


Les consensus sont rares au Québec, c’est connu. Voilà pourquoi nombre de sujets sont tus afin d’éviter la fameuse chicane. Le débat constitutionnel ou encore la démarche référendaire font partie de ces thèmes tabous. Ainsi, les quelques domaines qui font l’unanimité deviennent de véritables oasis où il est bon d’exprimer sa joie sans retenue.
Le sort du club de hockey le Canadien ou encore la question environnementale constituent de beaux exemples de sujets rassembleurs qu’il fait bon aborder publiquement, puisqu’ils héritent d’une adhésion collective sans borne. Le vert décidément s’avère une couleur particulièrement à la mode depuis quelques années. Il est résolument bon chic bon genre d’afficher son souci écologique.
Notre premier ministre à Québec n’est pas dupe. Pour lui, cette conférence sur les changements climatiques qui s’est ouverte au Danemark la semaine dernière, représente une aubaine extraordinaire. Il a pu fuir effectivement l’Assemblée nationale où son gouvernement, profondément corrompu, écœure la population québécoise. C’est donc à l’étranger que Jean Charest tente de se refaire une virginité politique. Une tactique qu’il a déjà exploitée avec succès, depuis qu’il est aux commandes de l’État.
À Copenhague, le chef du gouvernement québécois peut se pavaner à loisir en répétant à qui veut l’entendre que la nation qu’il représente est le meilleur élève Nord-américain, en matière de réduction de gaz à effet de serre. Le Québec se compare en effet avantageusement à certains pays européens, en ce qui a trait à la baisse des émissions de co2 qu’il a réalisée, ces dernières années. L’audacieuse annonce d’une diminution supplémentaire de 25% ce type de pollution a rendu Jean Charest encore plus fréquentable là-bas, au contraire du pays qui parle officiellement en son nom.
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Taper sur Stephen Harper s’avère aussi une activité assez rassembleuse au Québec. Mis à part quelques clowns qui se retrouvent surtout à l’ADQ --des comiques qui n’appuieront pas le Parti libéral de toute façon-- Jean Charest sait qu’il est politiquement rentable d’écorcher sévèrement le gouvernement conservateur. Comble de bonheur pour lui, cette administration se retrouve à Ottawa, lieu que plusieurs nationalistes québécois aiment aussi conspuer! Voilà une cible résolument plus facile à atteindre que celle qu’il vise dorénavant dans le domaine environnemental…
Jean Charest s’improvise même chef de l’État canadian, à cette réunion! N’a-t-il pas dit aux médias présents là-bas qu’il y avait deux Canada? Existe donc celui qu’il dirige et l’autre; le vilain pollueur que le leader conservateur protège énergiquement. Le dirigeant libéral qui rêve toujours de triompher à Ottawa s’amuse donc à croire qu’il parle aux noms de l’Ontario, du Manitoba et de la Colombie-Britannique qui contestent également le laxisme environnemental du gouvernement fédéral. Le premier ministre du Québec peut donc cogner encore plus fort sur Stephen Harper puisque son action s’avère totalement fédéraliste. Il ne peut en effet être accusé de faire le jeu des souverainistes, puisque soutenu dans son opération par ses homologues provinciaux! Manifestement, les planètes sont bien alignées pour le chef libéral à Copenhague. L’homme sortira grand gagnant de son épreuve de force avec Ottawa et améliorera sans doute son image au Québec, puisque son combat sera assurément un des sujets de discussion autour de la dinde et des atocas, pendant la période des fêtes. Voilà qui détournera assurément l’attention des Québécois d’autres sujets aussi nauséabonds que les relents que produit l’exploitation des sables bitumineux en Alberta…
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Et pourtant les Québécois se bercent dans une verte illusion. Certes nous sommes dorénavant de bons recycleurs. La baisse de la consommation d’énergie fait maintenant partie de nos habitudes de vie. Vrai cependant que des augmentations de plus de 18% des tarifs d’électricité, dans les cinq dernières années, a de quoi fouetter cette motivation. Mais pour le reste, il n’y a vraiment pas lieu de plastronner, comme le fait Jean Charest devant tous les délégués à cette conférence internationale. Si le Québec fait si bonne figure sur la planète par ses faibles émissions de gaz à effet de serre, c’est parce que Dame nature nous a donné au départ un énorme coup de pouce. Les nombreux cours d’eau à fort débit abondent en effet sur notre territoire. Ils ont facilité l’érection de nombreux ouvrages hydroélectriques. Nous avons su les exploiter avantageusement il est vrai. Reste qu’il faut faire preuve d’honnêteté et pousser collectivement un grand soupir de soulagement, avec cet avantage colossal consenti par ces particularités physiographiques qui caractérisent notre pays.
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Honnêtement, le Québec raffinerait des gisements de sables bitumineux, si son sous-sol en possédait. Il ferait de même avec des nappes de pétrole moins sales. Inutile de se conter fleurette : nous ne bouderions pas la possibilité d’accroître nos revenus nationaux, si la chance de posséder des combustibles fossiles nous était offerte. Aussi, Jean Charest n’est qu’un bouffon qui parade à Copenhague : il ne fait qu’endormir les gens, ainsi que les Québécois. Il n’a en effet adopté aucune mesure courageuse qui bouleverserait nos habitudes de vie. Le prix politique à payer en serait trop élevé. Bannir les démarreurs à distance ainsi que les VUS et autres obésités routières, taxer la publicité automobile ainsi qu’augmenter le prix du litre d’essence, sont en effet des mesures suicidaires qu’aucun gouvernement n’aura le courage d’adopter, celui de Barack Obama y compris. Voilà ce qui doit être dit.
Jean Charest ne pouvait espérer un plus beau cadeau pour Noël cette année, pour le soulager d’une pression politique intenable au Québec. Loin des tourments qui l’affligent présentement, le premier ministre défile majestueusement devant le gratin environnemental en Europe et s’amuse même à donner publiquement la leçon à Ottawa, en sachant fort bien que cette tactique politique lui permettra probablement de marquer des points dans l’opinion publique québécoise.
Paradoxalement, alors que le Québec entreprend un effort environnemental louable, son représentant à Copenhague s’autorise des pollutions nocturnes…
Joyeuses fêtes à tous : je vous retrouve en 2010.
Patrice Boileau


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    20 décembre 2009

    Très bon texte qui dénote une fois de plus les prouesses de notre spécialiste de la diversion qu'est Jean Charest pour tenter de nous faire oublier les scandales de son gouvernement qui pullulent par les temps qui courent au Québec. Il a joué au "p'tit" bulldog en critiquant le gouvernement Harper sur l'environnement, à Copenhague, mais il nous revient au Québec en petite caniche inoffensive et prête à continuer de collaborer avec ses maîtres d'Ottawa. Joyeux Noël et Bonne Année!
    André Gignac le 20-12-09

  • Archives de Vigile Répondre

    16 décembre 2009

    Curieux que Jean Charest aille faire de la "chicane" au plan international alors qu'il a déjà reproché au PQ d'étaler au niveau international nos "chicanes" fédérales-provinciales. De plus, en agissant comme il le fait, il se trouve à reconnaître que le Fédéral ne nous représente pas au niveau international et, en conséquence, si on veut dire notre mot aux autres pays, il nous faut d'abord être indépendant, séparé d'Ottawa.