Le gouvernement Harper a demandé cette semaine à la Cour suprême de valider la constitutionnalité de son projet de commission nationale des valeurs mobilières. S'il obtenait gain de cause, ce serait une intrusion de plain-pied dans un champ de compétence provinciale, un autre pas vers la centralisation du pays.
Il n'y a pas de surprise dans ce geste d'Ottawa. Annoncé depuis longtemps, il est motivé par des intérêts politiques faciles à décoder et pour lesquels le premier ministre Stephen Harper, censé être le champion du respect des compétences des provinces, a accepté sans remords aucun de mettre de côté ses principes.
Ces intérêts sont d'une part partisans. Cette commission nationale des valeurs mobilières est le voeu de Bay Street et de Queen's Park, représentés à Ottawa par Jim Flaherty, ancien ministre des Finances de l'Ontario et actuel ministre des Finances fédéral. Leurs intérêts se rejoignent car ce projet est l'occasion pour les conservateurs de Stephen Harper de faire des gains électoraux en Ontario, essentiels à l'obtention d'un gouvernement majoritaire.
Puis il y a ce qu'Ottawa considère comme étant les intérêts nationaux. Comme tous les gouvernements qui l'ont précédé, rouges ou bleus, celui de Stephen Harper ne manque jamais une occasion de revendiquer pour le fédéral la direction de l'union économique. Sur tous les tons et toutes les tribunes, Jim Flaherty ne cesse ainsi de dire qu'il est anormal que le Canada soit le seul pays industrialisé à ne pas avoir de commission nationale des valeurs mobilières.
Ce n'est pas la première fois que, dans l'histoire de la Confédération canadienne, le gouvernement fédéral tente de s'approprier des pouvoirs des provinces. Chaque fois, il profite de situations de crise, comme pendant la Deuxième Guerre mondiale, où il soustraira aux provinces leur pouvoir de taxation. Ici, la récente crise financière mondiale lui sert aujourd'hui de caution.
La démarche adoptée par le ministre des Finances a été finement pensée. Ainsi, au plan juridique, Ottawa s'appuie sur l'article 91-2 de la Constitution, qui lui attribue la réglementation du trafic et du commerce qu'on a toujours cru être limitée par l'article 92 qui donne aux provinces un pouvoir exclusif en matière de propriété et de droits civils. Le commerce connaissant de moins en moins de frontières, il réclame ce qui apparaît être, non pas le pouvoir d'agir à la place des provinces, mais le droit d'intervenir pour organiser avec celles qui le souhaitent une autorité commune de réglementation des valeurs mobilières.
Le piège, car il y en a un, se trouve dans la libre adhésion des provinces à la démarche. La Cour suprême a rarement été une partisane farouche des droits des provinces, loin de là. Elle pourrait favoriser ce droit d'intervention qui, strictement parlant, ne nie pas le pouvoir des provinces. Or, une fois ce feu vert donné, on sait trop bien qu'avec déjà sept provinces qui adhèrent au projet fédéral, les trois récalcitrantes que sont le Québec, le Manitoba et l'Alberta ne pourront résister à la pression du marché. Rapidement, les institutions financières de ces trois provinces se tourneront vers le nouvel organisme de réglementation. L'Autorité des marchés financiers du Québec deviendra une coquille vide et Montréal verra son expertise financière filer vers Toronto.
Il ne faut pas être dupe. Nous assistons à une tentative mal déguisée de fraude constitutionnelle. Une fois qu'il aura le pied dans le domaine des valeurs mobilières, le gouvernement fédéral aura beau jeu d'élargir son champ d'intervention pendant que celui du Québec se rétrécira contre son gré. La démarche suivie par le gouvernement Harper, pour être moins brutale que d'autres que l'on a connues dans le passé, n'en est pas moins perverse!
Commission nationale des valeurs mobilières
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