Je travaille bénévolement avec des personnes sourdes depuis plus de 10 ans. Même si ces personnes sont dans l’incapacité d’entendre ce que leurs interlocuteurs ont à dire, elles font tout pour améliorer la communication et la compréhension du message : lecture labiale, langage des signes, utilisation d'appareils d’audition et d'implants cochléaires.
Étonnamment, même si Jean Charest n’a rien d’une personne sourde ou aveugle, non seulement il a tout fait depuis 2003 pour ne rien entendre et ne pas écouter ce que ses concitoyens avaient à lui dire, mais en plus, il ne voit rien venir parce qu’il refuse tout simplement de regarder la réalité en face.
En 2007, tous les partis politiques et les économistes lui disaient de ne pas diminuer les impôts et d’investir les 900 millions $ du remboursement fédéral au titre du déficit fiscal dans le système de santé québécois. Jean Charest a préféré se passer de sa marge de manœuvre de près de 1 milliard $ afin de pouvoir retourner rapidement en élection et reprendre sa majorité parlementaire. Contre tout bon sens, il a baissé les impôts, les plus riches étant les principaux bénéficiaires de cette mesure fiscale.
Le manque à gagner de 4 milliards $ que nous annonçait hier Monique Jérôme-Forget, à l’occasion de la présentation du budget 2009, correspond exactement à la somme qu’aurait pu accumuler au fil des années le gouvernement Charest s’il n’avait pas baissé les impôts des plus riches en 2007. Mieux, s’il avait eu le courage de récupérer entièrement tous les points de TPS laissés par le gouvernement fédéral dans l’assiette fiscale, en augmentant immédiatement la TVQ, le Québec bénéficierait aujourd’hui de la marge de manœuvre nécessaire pour passer à travers les quatre années difficiles qu’annonce Monique Jérôme Forget, 4 milliards $ de plus.
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Qu’on veuille indexer les tarifs publics au coût de la vie à partir de janvier 2011, je n’ai rien contre cela dans la mesure où l’augmentation de ces tarifs ne servira pas de prétexte pour diminuer l’impôt versé par les contribuables les plus riches, justement ce qu’a fait Jean Charest en 2007 avec le remboursement du déficit fiscal de 900 millions $ provenant du gouvernement fédéral. Dans une telle perspective, aller plus loin et actualiser les tarifs, comme le souhaitent les Facal et Montmarquette, les rendraient plus régressifs et augmenterait forcément l'inégalité sociale au Québec.
La première chose qu’apprend un étudiant en fiscalité, c’est que les taxes et les tarifs sont des mesures régressives qui défavorisent la classe moyenne et les plus pauvres, alors que les impôts sur le revenu permettent de mieux imposer les hauts revenus des plus riches parce qu'ils sont progressifs.
Quand les Facal et Montmarquette disent qu’il faut augmenter les tarifs d’électricité pour diminuer sa consommation, la comparant à celle du pétrole, ils passent sous silence que la première mesure pour diminuer la consommation de pétrole est la diminution de la grosseur des véhicules automobiles. Pour diminuer structurellement la consommation de pétrole, il faut d’abord améliorer l’efficacité énergétique des véhicules en diminuant la grosseur des moteurs et des véhicules.
Il en va de même pour l’électricité. Les Québécois les plus riches ne consomment pas trop d’électricité parce qu’ils ne la paient pas assez cher, mais bien parce qu’ils se construisent des maisons de plus en plus grandes et des piscines qu’ils chauffent et climatisent à plein régime tout au long de l'année.
La première chose qu’un étudiant apprend en fiscalité municipale, c’est que l’utilisation des règlements de zonage est la meilleure façon de contrôler la dimension des maisons et leur valeur aux fins de l’assiette fiscale. Plus une maison est grosse, plus elle rapporte gros en taxes.
Or, les administrations municipales l’ont bien compris et, afin d’augmenter leurs revenus, au lieu d’utiliser les règlements de zonage pour limiter la grandeur des maisons, diminuant par le fait même la consommation d’électricité, elles préfèrent interdire la construction de petites maisons et encouragent celle de d'immenses châteaux victoriens à deux étages derrière lesquels on va creuser de grosses piscines et devant lesquels on va stationner deux ou trois véhicules, parfois même quatre, un pour chaque occupant.
Loin de décourager ces pratiques, les gouvernements les encouragent parce qu’elles font rouler l’économie. Tout le monde y trouve son compte, les prêteurs hypothécaires, les vendeurs de matériaux, les notaires, les agents d’immeubles, les villes et les gouvernements qui récoltent de plus gros revenus d'intérêts, de vente, de service et de taxes. Est-ce que c'est ça le plan vert et de développement durable du gouvernement du Québec?
Si les gouvernements étaient vraiment honnêtes lorsqu’ils parlent de consommation d’énergie, ils commenceraient par légiférer en matière de zonage urbain pour limiter la grandeur des maisons que l’on construit présentement au Québec. S'ils pensaient vraiment développement durable, ils interdiraient la construction de maisons sur les meilleures terres arables du Québec, particulièrement dans la région de Montréal.
Contrairement à la croyance populaire, les tarifs n'ont pas les effets structurants qu'on leur accorde, ce sont des mesures régressives qui ne visent qu'à augmenter la contribution fiscale de la classe moyenne et dont l’utilisation a pour objectif de baisser l’imposition des classes les plus riches. Fondamentalement, les tarifs sont régressifs et contribuent à accroître les inégalités entre les plus riches et les plus pauvres, appauvrissant davantage la classe moyenne, diminuant par le fait même le niveau de vie des familles.
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Hier était donc un bien mauvais jour pour la majorité des contribuables québécois qui font partie de la classe moyenne, non seulement parce le budget présenté manquait totalement de vision sur des questions fiscales, mais également parce qu’il évacuait celles sur le transport en commun, l’économie d’énergie, l’éducation et la santé publique. Il n'y avait rien pour le développement durable et l'environnement. En fait, il ne s'agissait que d'un petit budget provincial sans aucune envergure, à l'image du gouvernement que les Québécois ont élu en décembre 2008.
Les sociétés les plus avancées, comme celles de Scandinavie, ont réussi à résoudre des problèmes comme ceux que vivent aujourd’hui les Québécois, en adoptant une fiscalité qui impose davantage les revenus des plus riches; en se dotant de systèmes de santé et d’éducation publics, universels et gratuits ; en servant des repas gratuits pour tous les enfants fréquentant l’école afin d’éviter les problèmes de santé qui découlent de la malnutrition; en ayant un autre regard sur le décrochage scolaire, acceptant qu’un étudiant puisse quitter et revenir à l’école, considérant l’expérience des jeunes en entreprises comme enrichissante puisque les milieux de travail dans ces pays avancés ont l’obligation légale de former leurs travailleurs; en offrant des services de transport en commun à bas tarifs, règlementant l’utilisation des automobiles dans les villes. Ces sociétés limitent la grosseur des automobiles qui sont vendues, des habitations qui sont construites et le nombre de piscines qui sont creusées, importantes sources d’économie d'eau et d’énergie.
Si nos hôpitaux sont si sales, c’est parce qu’on en a confié l’entretien aux sous-contractants privés et qu’on a diminué les exigences des devis pour qu’ils puissent faire un peu plus de profits, encourageant la prolifération des maladies nosocomiales. Si l’école publique va si mal et qu’on ferme de plus en plus d’écoles publiques sans que personne s’en scandalise, c’est parce qu’on subventionne et qu’on permet l’ouverture de nouvelles écoles privées.
Tant que les systèmes de transport en commun ne seront pas universels et gratuits et qu’on ne voudra pas décourager l’utilisation d’énergie par d’autres stratégies que la seule augmentation des tarifs qui n’ont absolument aucune conséquence sur les plus riches qui vont continuer de gaspiller peu importe le coût, créant encore plus d’inégalité comme c’est le cas aux États-Unis, où les plus riches construisent des murs autour de leurs demeures pour protéger leurs richesses contre les plus pauvres qu’ils ont contribué à appauvrir par des politiques de tarification qui encouragent le chacun-pour-soi, notre société ne pourra pas évoluer dans le bon sens. Nous ne récolterons que plus de violence dans nos villes. Est-ce bien cela que nous voulons?
Le rapport Montmarquette n’est pas cette panacée qu’on annonce, il ne propose aucune mesure qui s’attaque véritablement aux racines du problème que sont l’inégalité et le gaspillage des ressources. Ce n’est pas uniquement une tarification qu’il faut pour limiter le gaspillage, mais bien une politique cohérente, des lois et des règlements. Une vraie politique contre la pauvreté, le gaspillage de ressources et pour le développement durable.
Si le dernier budget de Monique Jérôme-Forget manquait totalement de vision, tous les commentateurs politiques et économiques que j’ai entendus et qui faisaient l’apologie de l'actualisation des tarifs souffrent des mêmes maux que Jean Charest : un manque total de vision et de compréhension résultant de leur l’aveuglement et leur surdité volontaire. Non seulement ils se complaisent dans leur bêtise, mais en plus, contrairement à mes amis sourds et aveugles, ils refusent de faire quoi que ce soit pour améliorer notre sort collectif, n'écoutant qu'eux-mêmes et ne regardant que leurs nombrils.
Budget provincial 2009
De la surdité à l’aveuglement volontaire
Le temps de la bêtise...
Chronique de Louis Lapointe
Louis Lapointe534 articles
L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fon...
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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.
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