Un des grands axes de l’indépendance nationale du Québec sera évidemment le contrôle total et entier de son territoire. En ce sens, le caractère indivisible du territoire québécois n’est plus un sujet de discussion pour les indépendantistes.
Que M. Pierre Karl Péladeau ait erré sur cette question lors du Conseil national de son parti en fin de semaine est à mon sens un déplorable accident de parcours que je veux bien attribuer à son inexpérience. De là à dire que M. Péladeau est un chef «inepte» comme l’a écrit le chroniqueur Michel David dans Le Devoir, c’est pousser le bouchon un peu fort; c’est comme on dit prendre le mors aux dents. Passons.
Il y a belle lurette que Gilles Duceppe, alors qu’il dirigeait le Bloc Québécois, avait fait son nid sur cette question et que la grande majorité des indépendantistes, incluant ceux du Parti Québécois, avaient établi que toute personne qui vit au Québec est un citoyen québécois, point à la ligne.
«Cela ne veut pas dire nécessairement que cette personne est de nationalité québécoise» , précisait cependant Gilles Duceppe dans un livre d’entretiens que j’ai eu l’honneur de réaliser avec lui (1).
«Je pense ici aux Premières Nations, poursuivait-il. Il faut être parfaitement clair là-dessus. Je sais bien que cela fait sourciller certains souverainistes qui disent que les Premières Nations sont aussi de nationalité québécoise. Bien non! Lorsque le premier ministre Bernard Landry a signé La Paix des Braves, il a demandé au chef Ted Moses s’il était Québécois. Ce dernier a répondu qu’il était Cri. C’est ainsi que la chose s’est réglée et M. Landry l’a approuvé publiquement (2).»
Est-ce à dire pour autant qu’il y aurait dans un Québec indépendant un territoire cri et que les Cris auraient un passeport cri? Bien sûr que non. Le lien civique des Cris avec l’État du Québec sera maintenu. L’État du Québec sera composé de ses Nations constituantes, liées par un certain ensemble de valeurs communes et de lois communes.
«Ils (les Cris) auraient un passeport québécois tout comme ils ont un passeport canadien actuellement, de préciser Gilles Duceppe. Mais en fin de compte, un citoyen québécois est toute personne qui vit au Québec. Être citoyen d’un pays, c’est une situation objective pour toute personne qui vit sur le territoire de ce pays; cela n’a rien à voir avec le bon vouloir (3).»
Donc, s’il vous plaît, cessons de parler de «vaste chantier» à propos d’une question qui fait certes le jeu des Canadians mais qui est pour nous résolue.
D’ailleurs, il est juste de rappeler que l’article 9 de la Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec (Loi 99), que le gouvernement Bouchard avait fait adopter, stipule que «le gouvernement doit veiller au maintien et au respect de l’intégrité territoriale du Québec». La loi c’est la loi! Et celle loi, comme me le rappelait ce matin Richard Le Hir, définit statutairement les rapports entre l'État du Québec et les nations autochtones.
Souvenons-nous enfin que le Bloc Québécois et le Parti Québécois reconnaissent «les peuples autochtones comme des peuples distincts ayant droit à leurs cultures, à leurs langues, à leurs coutumes et traditions ainsi qu’à leur droit d’orienter eux-mêmes le développement de cette identité propre. Cela respecte, rappelons-le, l’orientation tracée par René Lévesque, un ardent défenseur des peuples autochtones, qui a fait du Québec le premier État en Amérique à reconnaître en son sein les nations autochtones.»
Que disent les indépendantistes au sujet des autochtones dans un Québec indépendant? Que la souveraineté du Québec ne se fera pas sans respecter leurs intérêts et leurs droits fondamentaux, notamment leurs droits ancestraux existants ou issus de traités reconnus à l’article 35 de la Constitution canadienne. En clair, les nations autochtones seront au nombre des peuples fondateurs du Québec souverain et qu’une association basée sur un respect réel avec la nation québécoise est essentielle au développement du Québec. Les indépendantistes, comme l’a déjà précisé le Bloc Québécois, reconnaissent l’apport important des peuples autochtones à la société québécoise. Cet apport est le fait de la richesse de la culture et du savoir des Autochtones. La protection de ces aspects fondamentaux de l’identité collective des peuples autochtones, tout comme la perpétuation de leurs langues, est pour nous une préoccupation.
Le chef Picard peut légitimement affirmé qu’il est souverainiste. Cela nous le reconnaissons et l’acceptons, comme l’a fait le premier ministre Landry jadis. Et quant à l’avenir des relations entre la République indépendante du Québec et les gouvernements des Premières Nations, Gilles Duceppe a trouvé la formule idéale, une approche plus globale qui répond aux aspirations des Peuples Autochtones et favorise le règlement d’ententes de nation à nation sur le territoire de l’État du Québec.
À cet égard, l’idée de Gilles Duceppe de rebaptiser l’Assemblée Nationale soit par l’appellation Parlement du Québec ou par celle d’Assemblée des Nations du Québec est à considérer.
____
1. Gilles Duceppe, Entretiens avec Gilles Toupin, Richard Vézina éditeur, Montréal 2010, p. 143.
2. Idem, p. 143-144
3. Idem, p. 144
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5 commentaires
Yves Capuano Répondre
25 décembre 2015Toute personne qui vit au Québec est citoyen québécois? Je pense que cela est clairement faux. Il y a des gens qui vivent présentement au Québec mais qui sont ici pour leurs études. Ils retourneront dans leur pays une fois leurs études terminées. Il y a des résidents permanents canadiens vivant au Québec qui sont en attente de leur citoyenneté canadienne dont certains n'ont même pas été sélectionnés par le Québec. Au sens absolu, il n'existe aucun citoyen québécois car nous sommes tous actuellement citoyens canadiens.
Je pense qu'il serait nécessaire de définir le citoyen québécois avant le prochain référendum.
Je pense que la citoyenneté québécoise devrait être accordée automatiquement à toute personne née au Québec, vivant aujourd'hui au Québec et ayant passé la majeure partie de sa vie au Québec. Une fois la citoyenneté québécoise accordée à ceux qui doivent l'avoir de façon naturelle, on devra demander à ces premiers citoyens naturels, et seulement à eux, s'ils veulent que le Québec devienne un pays.
Robert J. Lachance Répondre
15 décembre 2015Michel David a été moins tendre cette semaine à l’endroit de ce Renaud homonyme que de PKP la semaine dernière :
http://www.ledevoir.com/politique/quebec/456298/dissension-ou-sabotage
Je le lis depuis peu; quelle connaissance, quel talent, quel sens du Devoir ! Semaine après semaines pour ce sens ?
Il me reste encore 12 chances d’ici moins d’un mois pour relire gratuitement à ce lien au Devoir et me faire une idée définitive : Dissension ou sabotage ?
En tout cas, je vais y réfléchir sérieusement désormais avant d’écrire ici le mot ridicule.
Robert J. Lachance Répondre
12 décembre 2015Ma lecture de votre article et de celui de Michel David ont eu le mérite de m’instruire et de piquer ma curiosité concernant l’indivisibilité territoriale, moi qui comme M. Péladeau a eu «… la tête ailleurs dans les années qui ont suivi le référendum de 1995 ».
http://www.ledevoir.com/politique/quebec/456092/l-ineptie-du-chef
M. David n’est pas un brave ou tendre gérant d’estrade mais quelque chose comme un observateur professionnel consacré, un cheval chevronné du « deuxième étage », un fin connaisseur de la patinoire politique, sans jamais y avoir mis les patins en chambre comme Réal Caouette, Camil Samson, ou Camil Bouchard et avoir fait l’équipe à ce niveau de représentation de nos nombreuses nations.
Je dirais que ce David, autrement ou contrairement à d’autres, et alors on peut remonter à longtemps, s’est attelé à une tâche chronique plutôt qu’il a pris le mors au dent. Je suis allé au dictionnaire pour découvrir que cette expression signifie mordre le mors pour se défaire de son usage, se faire conduire. J’imagine Gilles Toupin que vous avez utilisé l’expression dans son autre sens, genre accomplir une job de bras.
Changement d’à-propos, question négociation, M Péladeau a plus d’expérience que Michel David et les meutes de journalistes et d’adjoints qui l’ont assailli ou conseillé. Ça lui retient mon adhésion acquise après victoire.
Il était trop tôt pour déclencher un lock out avec les Premières-Nations. Un incident avec Les Premières nous évite c’est sûr à nous Les Deuxièmes et cie de poser la question à plus nombreux et corsée de la reconnaissance des Troisièmes-Nations et cie comme aussi fondatrices.
La suggestion suivante de Jean-François Lisée sur son blogue à la suite des affirmations de Ghislain Picard, chef des Premières nations, au Conseil national du PQ n’a pas fait les manchettes.
http://jflisee.org/sortir-de-lambiguite-autochtone-une-suggestion/
Il expose l’idée exprimée plus tôt dans Octobre 1995 : Tous les espoirs, tous les chagrins, de découpler les deux questions : la question de la souveraineté et la question autochtone. Le découplage est « la suppression du lien (économique, politique, stratégique…) entre deux pays, deux zones. Il suggère que « dans la période préréférendaire, le gouvernement québécois devrait annoncer qu’il défendra, lors des négociations avec le fédéral, une position qui établira le statu quo en matière autochtone. On verrait ensuite.
Concernant l’indivisibilité, je suis allé lire qu'un gouvernement compétent peut diviser un territoire. Ainsi, le Nunavut a été créer par le gouvernement du Canada en avril 1999 par séparation des Territoires du Nord-Ouest. Le Nunavik a été créé en 1975 par le gouvernement du Québec et porte ce nom depuis 1986, nom retenu par référendum local.
Robert J. Lachance Répondre
1 décembre 2015Me Guy Bertrand mise sur le fait que le territoire du Québec est déjà divisé en 17 régions pour en arriver à son indépendance. Il exploite habilement dans un projet Liberté-Nation sur 15 ans. Avez-vous 45 minutes ?
http://republiquefederaleduquebec.com
Ça s’écoute aussi en 12 épisodes de 2 à 6 minutes.
Au lien ci-dessous le texte de la loi 99 qui m’a été proposé par Jean-Claude Pomerleau ailleurs.
http://jflisee.org/sortir-de-lambiguite-autochtone-une-suggestion/#comment-182805
NOTES EXPLICATIVES
Ce projet de loi réaffirme les droits fondamentaux ainsi que les prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec.
Le projet de loi prévoit entre autres que le peuple québécois a le droit inaliénable de choisir librement le régime politique et le statut juridique du Québec et qu’il détermine seul, par l’entremise des institutions politiques qui lui appartiennent en propre, les modalités de l’exercice de ce droit.
Il établit en outre qu’aucun autre parlement ou gouvernement ne peut réduire les pouvoirs, l’autorité, la souveraineté et la légitimité de l’Assemblée nationale ni contraindre la volonté démocratique du peuple québécois à disposer lui-même de son avenir.
Le projet de loi affirme également les caractéristiques et les compétences de l’État du Québec dans divers domaines.
C’es là que je suis rendu.
Robert J. Lachance Répondre
26 novembre 2015« En clair, les nations autochtones seront au nombre des peuples fondateurs du Québec souverain[…] »
- Ayoye !
Ma compréhension des choses est que les Canadiens sans les Québécois forment un peuple; le reste, les Québécois, un autre peuple et ils sont à certains égards, distincts, c’est admis. Suite :
http://jflisee.org/sortir-de-lambiguite-autochtone-une-suggestion/#comment-182803
J’aurais écrit : En clair, les nations autochtones étant des Premières-Nations, sont un groupe fondateur du Québec interdépendantiste.