Jean-François Lisée vient de verser dans le gros bon sens. Nous n’avons qu’à nous en féliciter. Après avoir télégraphié pendant quelque temps des signaux hésitants sur la laïcité qui nous faisaient craindre les pires régressions, ne voilà-t-il pas qu’il se ressaisit et qu’il nous dévoile une conception de la chose plus conforme à la pensée indépendantiste. C’est tout à son honneur.
Après tout, les membres du Parti Québécois votèrent majoritairement pour Jean-François Lisée lors de course à la direction du parti et non pour Alexandre Cloutier dont les positions sur la laïcité avaient à l’époque des relents de multiculturalisme à la canadian. Pendant un temps, j’ai cru que le nouveau chef avait fait des concessions à son ancien adversaire…
Évidemment, les médias bien-pensants et aux ordres n’ont pas manqué de faire la moue à propos d'une approche qui fait pourtant largement consensus au sein de la population du Québec (les sondages l’ont amplement démontré lors du débat sur la défunte Charte des valeurs), la qualifiant de « rigide », de « surenchère » ou tentant de nous faire croire que le chef péquiste contredit ses propos passés, comme l’a tendancieusement affirmé Le Devoir à la une de son édition de ce vendredi 25 novembre (transformant ce qui aurait dû être une information en commentaire). M. Lisée avait pourtant affirmé clairement que la position complète du Parti Québécois sur la laïcité allait être définie en temps et lieu et non autour du tristement vide projet de loi libéral 62 sur la soi-disant « neutralité de l’État ».
En choisissant de faire de la laïcité de l’État un outil d’émancipation de la société québécoise, Jean-François Lisée a choisi de damer le pion à la ghettoïsation et au communautarisme. Il y aura donc dans notre société un espace minimal où les citoyens pourront se rencontrer et se parler sans que n’entrent ostentatoirement en jeu leurs croyances ou leurs non-croyances. Ils pourront regarder ensemble dans la même direction pour régler les affaires de la Cité et non se toiser en chiens de faïence. Ils pourront « vivre ensemble » dans « le respect mutuel de leur identités particulières ». Bref, il était urgent de mettre les points sur les i au PQ et de rappeler à tous que la laïcité c’est le respect citoyen et la démocratie. Cela doit rester un principe essentiel pour aujourd’hui et pour demain, d’autant plus que les religions ont tout à gagner de cette double émancipation; « émancipation de l'État, comme l’a précisé jadis Aristide Briand, qui se déclare neutre en matière confessionnelle et émancipation de toutes les religions plus libres que jamais ».
Le grand acquis de l’annonce d’hier du PQ est certes l’extension de l’interdiction des signes religieux ostentatoires aux enseignants des niveaux primaire et secondaire et au personnel des garderies. Il aurait été irresponsable de permettre que nos enfants fussent exposés aux aléas du prosélytisme religieux alors qu’ils n’ont pas encore acquis tous les outils nécessaires à l’exercice du libre arbitre et de la pensée critique. À cet égard d’ailleurs, il est réjouissant d’apprendre qu’un futur gouvernement Lisée mettra au rancart pour de bon le pernicieux volet de l’enseignement religieux du Cour d’éthique et d’enseignement religieux que l’on assène à nos enfants.
Il y a donc urgence à sortir de l’impasse communautariste qu’entretiennent Philippe Couillard, Stéphanie Vallée et le Parti libéral du Québec. La laïcité que promeut le Parti Québécois nous sort du cul-de-sac des accommodements religieux et affirme le principe de l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de race, de religion ou d’origine.
J’aurais certainement préféré que l’interdiction des signes religieux ostentatoires, telle qu’énoncée dans la politique du PQ, s’étende à tous les employés de l’État. Je trouve néanmoins le compromis actuel acceptable. Il n’est pas nécessaire de brusquer les choses et de tout régler d’un seul coup en politique. J’ai cependant la conviction forte que toute intrusion du religieux dans l’appareil de l’État est une atteinte au principe de la souveraineté de l’État. Affirmer le principe politique de la laïcité, comme l’a fait M. Lisée hier, c’est affirmer que le principe de toute Souveraineté réside dans l’État (ou ultérieurement dans la Nation) et que, comme l’affirme la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, « nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément ». Permettre à certains employés de l’État le port de signes religieux ostentatoires, même s’ils ne sont visibles que pour leurs collègues de travail, c’est affaiblir la puissance régalienne de l’État. Mais bon, laissons le temps au temps.
Avant de se donner un État pourvu des pleins pouvoirs, il faut en définir la nature politique. C’est ce qu’a commencé à faire hier M. Jean-François Lisée. Il a établi que le rapport politique de l’État aux différentes religions implique la séparation des deux et la neutralité absolue du premier. La prochaine étape sera, par souci de cohérence, de faire en sorte que les croyants seuls prennent en charge le financement de leurs institutions religieuses.
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