Les témoignages de Sara, Ben, Abdul et Nadia avaient ceci en commun : un sentiment de rejet. De jeunes Québécois dans un processus de déradicalisation et des parents d'enfants radicalisés ont pris la parole dans le cadre d'une conférence de l'UNESCO à Québec lundi.
Cachés derrière un écran, ils ont témoigné de leur expérience aux quelques centaines de participants réunis pour discuter d'Internet et de la radicalisation des jeunes. Ils ont emprunté de faux noms et le public ne pouvait voir que leur silhouette. Malgré tout, leur frustration était bien perceptible.
Sara et Ben, 19 ans, souhaitaient quitter le Québec pour la Syrie en raison d'un malaise qu'ils disent ressentir dans la province.
Quand j'ai décidé de porter le voile, je ne comprends pas pourquoi, on m'a rejetée [...] L'Internet, c'est une fenêtre sur le monde. On va voir ce qui se passe ailleurs. On cherche un idéal.
Pour sa part, Ben se désole d'avoir vu des femmes voilées être regardées avec mépris pendant son adolescence.
Personne ne condamnait ça. Avec le temps, ce que j'ai compris, c'est que les autorités essaient d'arrêter les jeunes qui veulent partir. Les autorités n'essaient pas de comprendre ces jeunes.
C'est au Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence qu'il dit avoir senti de l'écoute et reçu un soutien psychologique.
Des parents d'enfants radicalisés lancent un cri d'alarme
En quête de sens, l'enfant de Nadia voulait se rendre en Syrie. La mère a parlé d'Internet comme d'un responsable, mais non d'un coupable. Il s'agissait d'une façon pour sa fille de se réfugier du monde réel.
Cette jeunesse, elle voit des parents qui ont subi beaucoup de choses et qui ont perdu eux-mêmes leur dignité. Pour ces jeunes, le vivre-ensemble, ça a été un grand mensonge. Rendus à un âge, ils ne pouvaient plus le supporter.
« Aujourd'hui, c'est la Syrie. Hier, c'était l'Irak », s'est empressé d'ajouter Abdul, père d'un enfant qui se trouve maintenant en Syrie.
Pour moi, c'est de trouver une solution définitive à la stigmatisation.
Aux dires d'Abdul, une chose est claire, une solution politique favorisant le « vivre-ensemble » doit être mise en place.
Une autre forme de radicalisation
Le thème de la radicalisation a pris une autre forme avec un témoignage à la fois différent et proche de ceux de Sara, de Ben, de Nadia et d'Abdul. Celui de Maxime Fiset, qui s'exprimait pour la première fois publiquement.
Fondateur de la Fédération des Québécois de souche, il se qualifie d'ancien skinhead néonazi. Il prônait l'extrémisme de droite et le rejet des minorités visibles.
Suite à mon arrestation pour propagande haineuse, je suis passé à un chouïa de passer à un acte violent.
S'il est d'avis qu'il n'y a pas d'élément déclencheur dans la radicalisation, M. Fiset affirme qu'elle naît sans aucun doute de la recherche constante de réponses à un mal social.
Une chaire de recherche sur la prévention de la radicalisation au Québec
La ministre des Relations internationales du Québec, Christine Saint-Pierre, et la directrice générale de l'UNESCO, Irina Bokova, ont annoncé lundi le dépôt d'un projet visant à mieux comprendre le phénomène. Les universités de Sherbrooke et du Québec à Montréal mèneront ainsi une chaire mondiale en prévention de la radicalisation et de l'extrémisme violent.
La lutte passera aussi par Internet
Le gouvernement québécois a également profité de cette conférence pour annoncer qu'il utilisera désormais des sites web et des réseaux sociaux pour prévenir la radicalisation des jeunes pour se trouver sur les mêmes plateformes par lesquelles des groupes extrémistes attirent de nouveaux adeptes.
Les médias sociaux, on sait qu'ils peuvent avoir de bons côtés. Ça peut être des outils formidables de communication, mais ça peut être des outils terribles de radicalisation.
Pour l'opposition caquiste, le gouvernement se réfugie derrière un sommet sur Internet alors qu'il faut avant tout combattre le déni des valeurs québécoises. Le problème est entre les deux oreilles, selon Nathalie Roy, porte-parole de la Coalition avenir Québec en matière de laïcité. Elle déplore d'ailleurs le choix des mots utilisés par les politiciens pendant la conférence.
« On n'ose pas nommer l'islam radical. Il faut être capable de nommer les choses. Le vrai mot, c'est l'islam politique, c'est l'islam radical », a-t-elle affirmé.
La conférence Québec-UNESCO, qui se termine mardi à Québec, rassemble 450 participants de 70 pays.
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