À l’instar du gouvernement Harper, celui de Philippe Couillard ne tiendra pas compte des gaz à effet de serre produits par l’extraction du pétrole des sables bitumineux qui coulera dans le pipeline Énergie Est dans le cadre de son évaluation environnementale du projet. Il contredit ainsi une motion de l’Assemblée nationalequ’il a pourtant appuyée.
Le bureau du premier ministre a tenu lui-même à mettre un point final jeudi à la confusion qui régnait à Québec par rapport à l’épineuse question des gaz à effet de serre (GES) liés au mégaprojet de pipeline de TransCanada, le plus important du genre en Amérique du Nord.
Selon ce qu’a confirmé un porte-parole libéral, le gouvernement du Québec n’évaluera pas les émissions de GES engendrées par la production des 1,1 million de barils de pétrole albertain qui couleront chaque jour dans ce pipeline. « Nous allons évaluer la portion québécoise du pipeline », a répété pour sa part le ministre de l’Environnement David Heurtel en point de presse. « Il va y avoir un BAPE sur la portion québécoise du projet qui va comprendre une étude des GES », a-t-il ajouté.
L’essentiel du pétrole qui circulera en territoire québécois avant d’être exporté proviendra des gisements de sables bitumineux. Selon l’Institut Pembina, sa production générera 32 millions de tonnes de GES chaque année. Ces émissions sont plus importantes que toutes les industries du Québec réunies. Elles représentent aussi plus du double de toutes les réductions de GES que le Québec doit faire pour parvenir à atteindre ses objectifs pour 2020.
Mais surtout, ce nouveau pipeline doit faciliter l’expansion de la production pétrolière de l’Ouest. Celle-ci doit atteindre 3,2 millions de barils par jour d’ici 2020, puis 5,2 millions de barils par jour en 2030. Cela veut dire que lorsque la construction du pipeline Énergie Est sera complétée, pas moins du tiers de la production canadienne des sables bitumineux transitera par le Québec. La province deviendra ainsi, et pour des décennies, la plus importante plaque tournante de la production pétrolière albertaine.
Extraction assurée
Même si la construction de pipelines comme Énergie Est est essentielle pour assurer la croissance de l’industrie, un porte-parole du bureau de M. Couillard a dit jeudi que l’extraction se poursuivrait, peu importe la réalisation ou non du projet de TransCanada. C’est d’ailleurs ce qu’a dit mardi le premier ministre à la suite de sa rencontre avec le premier ministre albertain Jim Prentice.
La première ministre ontarienne, Kathleen Wynne, a elle aussi rencontré M. Prentice mercredi. Elle a par la suite confirmé que son gouvernement ne tiendra finalement pas compte des GES liés au pétrole des sables bitumineux dans son étude provinciale du projet Énergie Est.
Comme l’Office national de l’énergie (ONE) a déjà fait savoir que les impacts environnementaux de l’industrie pétrolière sont exclus de son évaluation décisive sur le projet de TransCanada, aucune instance gouvernementale n’évaluera donc ces questions. Fait à noter, l’ONE a notamment justifié son silence en cette matière en soulignant que « les projets qui engendrent des gaz à effet de serre sont réglementés au niveau provincial ».
Dans les faits, le gouvernement fédéral n’impose actuellement aucune restriction quant aux émissions de GES provenant de la production pétrolière et gazière au Canada. Les données officielles publiées par le gouvernement Harper indiquent d’ailleurs clairement que le Canada ratera complètement les cibles de réduction de gaz à effet serre, pourtant revues à la baisse par les conservateurs. Les émissions devraient plutôt grimper, alimentées par les pétrolières qui exploitent les sables bitumineux.
Cette croissance annoncée survient alors que la planète négocie ce qui doit être l’accord de lutte contre les changements climatiques le plus ambitieux de tous les temps. Sans un accord suffisamment contraignant, les scientifiques estiment qu’il sera tout simplement impossible de freiner les bouleversements du climat déjà enclenchés en raison de notre dépendance aux énergies fossiles.
Dans ce contexte, le député péquiste Sylvain Gaudreault estime que la décision d’exclure les GES de la production pétrolière de l’étude québécoise est inacceptable. « Le gouvernement est en train de tourner le dos à l’Assemblée nationale, qui a pourtant parlé d’une seule et même voix. C’est terrible. »
Les libéraux ont en effet appuyé une motion adoptée à l’unanimité en novembre. Celle-ci stipule que le gouvernement du Québec doit inclure « la contribution globale du projet Énergie Est aux changements climatiques et aux émissions de gaz à effet de serre » dans le mandat qui doit être confié Bureau d’audiences publiques sur l’environnement.
Le porte-parole de l’opposition officielle en matière de développement durable et d’environnement estime que M. Couillard pourrait avoir succombé à l’influence de son homologue albertain. « Il semble que M. Prentice a eu une influence, parce que le premier ministre a déclaré que les GES étaient exclus en sortant de la rencontre qu’il a eue avec lui. Et comme par hasard, le lendemain, Mme Wynne a dit la même chose. »
OLÉODUC ÉNERGIE EST
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