Enfargés dans le crucifix, encore. Et dans le concept toujours flou de la laïcité de l'État. Et dans les émotions à fleur de peau que la question soulève immanquablement, lesquelles se sont cristallisées dans la navrante sortie d'un maire surtout connu pour sa pensée simple et ses débordements.
Comment en est-on revenu exactement là où on se trouvait, il y a quatre ans, après la commission Bouchard-Taylor?
On a beau chercher, on ne voit aucun bénéfice à ce que le sujet refasse surface au milieu de la campagne électorale. Même pour le Parti québécois, qui joue ce qu'il croit être ses meilleures cartes - langue, identité, nation -, le gain n'est pas évident.
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La première conséquence de cette apparition divine dans les affaires terrestres a en effet été de plonger dans l'eau chaude une candidate péquiste sans expérience politique. Une candidate déjà occupée à apprivoiser une circonscription qui, pour elle, n'est pas un «naturel». Une candidate dont le passé, le bagage intellectuel et la ferveur militante auraient davantage trouvé leur utilité à Montréal qu'à Trois-Rivières. Alors, Djemila Benhabib n'avait pas besoin, en plus, de se retrouver coincée dans une situation où il était presque fatal qu'elle serait bassement insultée.
Ce qui a été fait.
Mais son chemin de croix ne s'est pas arrêté là. La promesse faite par Pauline Marois d'une charte de la laïcité, devenue à la sortie du hachoir médiatique un débat sur le crucifix à l'Assemblée nationale, a forcé Benhabib à choisir - devant public - entre sa conviction et la ligne du parti.
Ce n'est jamais agréable. Mais ça a dû l'être d'autant moins que, des deux, c'est sa position à elle qui est la bonne.
Comment prétendre donner à l'État un visage laïque, en effet, sans décrocher le symbole religieux plus qu'ostentatoire trônant à l'avant du cénacle du pouvoir? Sinon, qu'est-ce qu'on dit au fonctionnaire sikh qui se présente enturbanné derrière son comptoir de l'obscur Office des Procédures et Formalités?
Le prétexte de l'Histoire, appelé à la rescousse autant par le leader caquiste, François Legault, que par la chef du PQ, ne tient pas non plus la route. Si la croix du Mont-Royal évoque la fondation de Montréal, le crucifix du Salon bleu, lui, remet en mémoire les liens incestueux qui ont existé pendant des décennies entre l'Église et l'État. Fâcheux...
Au total, l'épisode enseigne que le Québec n'est pas prêt pour une charte de la laïcité. Une fois sa nécessité et sa faisabilité démontrées, ce qui n'est pas du tout exclu, il faudra aussi comprendre qu'une telle charte n'a pas à être un outil de sauvegarde ou de promotion de l'identité québécoise. Mais un cadre légal confinant la religion - toutes les religions, sans exception - hors du périmètre occupé par l'appareil de l'État.
Visiblement, dans l'esprit de plusieurs, ce n'est pas clair.
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