Le 23 mars 1944, dans le deuxième match de la demi-finale de la Coupe Stanley, Montréal a disposé de Toronto par la marque de 5 à 1. Au plus grand plaisir de ses admirateurs, Maurice Richard avait compté les cinq buts. À ce jour, seulement quatre autres joueurs ont marqué autant de fois en une seule rencontre d’après saison. Au terme de la partie disputée au Forum, le Rocket s’est vu décerner la première, la deuxième et la troisième étoile!
Dans son mémoire présenté comme exigence partielle de sa maîtrise en histoire en janvier 2008, sous le titre Le processus d’héroïsation du Rocket, Julie Perrone décrit en ces termes les retombées d’un tel exploit :
« Le nom de Richard est maintenant sur toutes les lèvres, ce qui explique que cette performance soit décrite en détail dans tous les journaux examinés. L'exploit est aussi un record pour le domaine du hockey en général, ce qui permet à la renommée de Richard de déborder de l'enceinte du Forum.
Les cinq buts et les trois étoiles sont agrémentés de l'histoire du « borrowed hickory » [bâton emprunté]. Richard avait en effet emprunté un bâton au joueur Léo Lamoureux pour la durée de l'affrontement et s'était empressé de dire qu'il ne retournerait pas de sitôt le bâton à son propriétaire. L'histoire n'est alors racontée qu'au Montreal Star mais elle s'inscrira au livre des légendes à force d'être répétée.
The Globe and Mail, Le Soleil et Le Devoir soulignent le travail d'équipe qui a rendu l'exploit possible plutôt que la prouesse personnelle de Richard. Il est vrai que Toe Blake et Elmer Lach, les collègues du Rocket sur la « Punch Line », ont souvent sacrifié leur fiche de rendement personnel au profit de celle de Maurice Richard. La Presse et The Montreal Star rappellent les origines modestes de ce dernier: « the Ahuntsic kid » qui a débuté « sur les patinoires en plein air du parc Lafontaine », alors que les journalistes sportifs du Globe and Mail se remémorent les nombreuses blessures dont il a souffert.
C'est donc à la fois une histoire de réussite que l'on veut raconter mais aussi un parcours rempli d'obstacles physiques. Le Montreal Star profite de cette nouvelle des cinq buts de Richard pour réitérer la ressemblance du Rocket avec Howie Morenz, ce qui ne cesse de se répéter dans les médias depuis l'arrivée du joueur dans la ligue.
À ce sujet, l'auteur Jules Gritti affirme que les médias communiquent leurs informations à trois niveaux successifs: la banalisation, la normalisation et la symbolisation. La banalisation peut être illustrée par la comparaison de Richard avec Morenz; on banalise en répétant. Une fois l'équation Morenz égale Richard acceptée, Richard devient lui-même la norme, l'élément de comparaison, ce qui représente le deuxième niveau de communication médiatique.
Gritti confirme que les médias ont le pouvoir de « modifier les moeurs et les normes courantes dans divers milieux sociaux et même dans la société globale». La norme d'excellence dans le domaine du hockey est en effet modifiée durant la période 1942-1960, période correspondant à la carrière de Richard. Le troisième niveau de communication, la symbolisation, consiste en l'utilisation d'une image pour véhiculer un modèle à suivre. L'histoire de Richard semble déjà se formuler en prenant en compte la postérité. Une histoire simple et répétée par tous devient alors un véhicule de mémoire très efficace. »
http://bing.search.sympatico.ca/?q=Le%20processus%20d%27h%E9roisation%20du%20Rocket%20julie%20Perrone%20janvier%202008&mkt=fr-CA&setLang=fr-CA
La théorie de Jules Gritti sur les trois niveaux de communication des médias fait ressortir une vérité souvent utilisée sur le rôle majeur que peuvent jouer les médias auprès de la population. Le phénomène d’héroïsation de Maurice Richard, sans rien enlever au talent phénoménal du Rocket, en est un exemple percutant…Aussi pourrait-il nous servir de point de repère dans l’analyse des commentaires parfois « partisans » des médias sur certains événements de la scène politique !
Le processus d’héroïsation du Rocket
Ça s’est passé le 23 mars 1944
Tribune libre
Henri Marineau2101 articles
Né dans le quartier Limoilou de Québec en 1947, Henri Marineau fait ses études classiques à l’Externat Classique Saint-Jean-Eudes entre 1959 et 1968. Il s’inscrit par la suite en linguistique à l’Université Laval où il obtient son baccalauréat et son diplô...
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Né dans le quartier Limoilou de Québec en 1947, Henri Marineau fait ses études classiques à l’Externat Classique Saint-Jean-Eudes entre 1959 et 1968. Il s’inscrit par la suite en linguistique à l’Université Laval où il obtient son baccalauréat et son diplôme de l’École Normale Supérieure en 1972. Cette année-là, il entre au Collège des Jésuites de Québec à titre de professeur de français et participe activement à la mise sur pied du Collège Saint-Charles-Garnier en 1984. Depuis lors, en plus de ses charges d’enseignement, M. Marineau occupe divers postes de responsabilités au sein de l’équipe du Collège Saint-Charles-Garnier entre autres, ceux de responsables des élèves, de directeur des services pédagogiques et de directeur général. Après une carrière de trente-et-un ans dans le monde de l’éducation, M. Marineau prend sa retraite en juin 2003. À partir de ce moment-là, il arpente la route des écritures qui le conduira sur des chemins aussi variés que la biographie, le roman, la satire, le théâtre, le conte, la poésie et la chronique. Pour en connaître davantage sur ses écrits, vous pouvez consulter son site personnel au www.henrimarineau.com
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