L'anglais, langue de l'argent? Cela, on le savait. L'anglais, langue du savoir? On le conteste, mais on le constate. Et l'anglais, langue de Dieu? Une des langues officielles, à tout le moins, dans les communications de l'Église catholique du diocèse de Montréal, comme le rapportait hier Le Devoir. Présentés comme des compromis charitables, ces arrangements laissent transparaître un inquiétant reniement de soi.
Le bilinguisme de la Catholic Church of Montreal inquiète des prêtres, qui ont écrit au cardinal Jean-Claude Turcotte: cette magnanimité n'encouragerait-elle pas l'anglicisation des immigrants?
Leur trouble n'est pas le fruit d'une dramatisation exagérée. À quel étrange asservissement succombons-nous donc, collectivement et individuellement, en oubliant qu'au Québec la langue officielle n'est pas en partage avec l'anglais et que l'exemple doit venir de haut, donc des institutions? Le diocèse se défend en avançant l'argument bassement réaliste de l'expérience «terrain»: les nouveaux arrivants croyants qui frappent à la porte de l'Église ne parlent pas français. Certains ne causent pas davantage l'anglais, mais ils ont soudain le choix entre deux idiomes d'accueil. Un réel danger existe à brandir en guise de bienvenue ce fameux bilinguisme: dans l'esprit de ces immigrants, il pourrait s'apparenter à un véritable unilinguisme... anglophone.
Quelle différence y a-t-il entre cette résignation linguistique à caractère «institutionnel» et le bilinguisme pratiqué dans nos institutions publiques? Aucune. Toutes deux relèvent d'une supposition de départ selon laquelle, aux portes d'entrée empruntées par les immigrants — Église, Régie de l'assurance-maladie du Québec, etc. —, l'anglais doit être disponible. English available if you need it! Dans un tel contexte, le transfert vers le français est précaire.
Cette aberration institutionnalisée contrevient entièrement à l'esprit de la Charte de la langue française, qui est d'affirmer la priorité francophone, plutôt que d'en faire une parure «culturelle» accessoire. Que comprennent les immigrants, d'ailleurs, de cet embrouillamini linguistique? Sans doute que le Québec est parfaitement bilingue!
Il n'y a qu'un pas à franchir pour faire un parallèle entre cette affaissement linguistique et le manque de balises qui déboussole nos institutions au point de permettre, par exemple, à une femme musulmane d'obtenir sur demande les services d'une femme plutôt que d'un homme, mais de nier le droit à un changement de préposé à un citoyen refusant de se faire servir par une employée voilée. À cette différence près: si l'affirmation de la laïcité, elle, souffre d'une absence flagrante de repères politiques, le fait français, lui, est enchâssé dans la loi. Tâchons donc de mieux nous en souvenir.
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machouinard@ledevoir.com
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