On croyait le premier ministre passionné par les essais philosophiques. Il a plutôt fait mardi l’éloge du neuvième art pour désamorcer la radicalisation. « J’aime beaucoup cet outil », a-t-il déclaré, enthousiaste, en présentant Radicalishow, bédé conçue par le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence. « C’est la première fois que je lance une bande dessinée », s’est-il amusé. Bien sûr, on n’oserait plus — avec raison — décrire la bédé comme un art mineur, un sous-genre de la littérature. Art Spiegelman pourrait bien, dans les prochaines années, être nobélisé.
La noblesse de cet art n’est pas en cause ici. Mais ce livret de quelque 20 pages ayant reçu la sanction du premier ministre a de quoi susciter plusieurs malaises. Même quand il se veut cool et métaphorique comme Radicalishow, tout art « édifiant » (ici employé dans son sens péjoratif) est grossièrement didactique, moralisateur, infantilisant ; ses « messages » ressortent de manière involontairement comique. On ne fait pas de bonne bédé avec de bons sentiments.
Conçu à partir de témoignages de sept jeunes déradicalisés, l’ouvrage s’avère en fait un réquisitoire gratuit contre la charte des valeurs du gouvernement Marois ; et peut-être en partie, aussi, contre le projet de loi 62 sur la « neutralité religieuse » (terme visé dans la bédé) de l’actuel gouvernement. Autrement dit, les législations cherchant à affirmer la neutralité ou la laïcité de l’État sont désignées comme les seuls déclencheurs de la radicalisation ! Prévisible : il est tentant pour un groupe comme les sept consultés de trouver un bouc émissaire, une cause extérieure les ayant fait basculer. Ça dispense de bien des réflexions douloureuses.
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Bédé chartophobe
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