Au Québec, incommodes accommodements

La province, de tradition multiculturelle, a connu une vive polémique sur les dérogations religieuses.

Laïcité — débat québécois



Par MARC THIBODEAU - Hommes politiques, militants des droits de l’homme et simples citoyens québécois discutent ad nauseam de la réponse à donner aux demandes d’«accommodements» provenant des minorités religieuses. Les débats dans la province, traditionnellement plus proche du multiculturalisme à l’anglaise que de la laïcité appuyée à la française, ont frôlé l’hystérie il y a quelques années après que les médias eurent révélé une série de cas problématiques.
Un centre sportif de Montréal qui avait givré une fenêtre pour éviter que de jeunes élèves hassidim voient des femmes en short a été montré du doigt. Une érablière a été critiquée pour avoir retiré le lard d’un plat traditionnel demandé par des clients musulmans. Et des parents ont manifesté devant une école pour le maintien de la suspension d’un jeune élève sikh qui portait sous ses vêtements un couteau traditionnel assimilé par l’établissement à une arme dangereuse.
La crise a atteint son apogée en janvier 2007 lorsqu’une petite municipalité, Hérouxville, a adopté une série de normes «interdisant» des pratiques déjà illégales comme la lapidation des femmes et l’excision. Faisant ses choux gras de l’inquiétude sous-jacente à ce type d’initiative, un tiers parti, l’Action démocratique du Québec, a presque réussi à se hisser au pouvoir lors d’élections provinciales tenues quelques mois plus tard.
Voulant calmer les esprits, le gouvernement libéral de Jean Charest a finalement créé une commission d’enquête, présidée par deux intellectuels respectés qui ont fait le tour de la province pour prendre le pouls de la population. Ils en ont conclu que les «accommodements raisonnables» pratiqués par les institutions face aux minorités religieuses ne constituaient pas une menace pour la «culture» de la majorité francophone. Et qu’il fallait continuer à favoriser le cas par cas plutôt que d’imposer des balises strictes. Ils ont aussi demandé, au nom de la neutralité de l’Etat, que les élus retirent la croix ornant l’Assemblée nationale. Une recommandation aussitôt écartée par le gouvernement, soucieux de s’éviter une nouvelle salve de critiques d’une population échaudée… et ambivalente.


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