L’encre qui imprimait les résultats de l’élection du 1er octobre dernier n’était pas encore sèche que déjà, certains au PQ voulaient annoncer leur volonté de «collaborer», voire de fusionner avec Québec solidaire.
Wo les moteurs!
Rien ne sert de se presser ici. La CAQ dirigera un gouvernement majoritaire et les prochaines élections ne seront qu’en octobre 2022. Il est capital que le Parti québécois laisse retomber la poussière, qu’il s’accorde une longue période de réflexion, oui, mais aussi d’analyse de la situation politique.
Les 18 prochains mois seront déterminants.
«Rappelez-moi quand il y aura quelque chose dans l’air»
En entrevue avec Marc Cassivi, le rappeur et auteur Biz de Loco Locass a avoué être désormais du camp des «orphelins politiques». Aucune offre politique ne le rejoignait lors de la dernière élection et c’est non sans amertume qu’il avoue avoir voté blanc, soit annuler son vote :
«C’est la première fois de ma vie que j’annule mon vote, que je vote blanc. Que clairement, je signifie mon refus de participer au théâtre démocratique. Parce que la question de l’indépendance a été absolument évacuée. Moi, un Québec province qui me parle d’épicerie et de lunchs, ça ne m’intéresse pas. Rappelez-moi quand il y aura quelque chose dans l’air. Pendant des années avec Loco Locass, j’ai dit aux jeunes d’aller voter. Ma position n’est pas complètement assumée. Je n’en suis pas fier. Mais je n’étais plus capable de voter pour le moins pire. Que les députés du Québec prêtent allégeance à la reine d’Angleterre, ça mine le processus démocratique. Que le président de l’Assemblée nationale ait une couronne et un crucifix au-dessus de sa tête, pour moi, ça ne peut pas fonctionner.»
Il n’est pas le seul. Essentiellement, Hubert Lenoir a dit la même chose à Tout le monde en parle. Il est indépendantiste, mais ne trouve aucun écho politique à ses convictions en ce moment.
Un parti résolument indépendantiste
Il doit y avoir un parti résolument indépendantiste au Québec. C’est vital. Nous avons vu où nous mènent les stratégies de bon gouvernement, de «on vous jure qu’on va faire l’indépendance la prochaine fois», de «chez nous l’indépendance c’est à gauche et par une patente à gosses SI on prend le pouvoir dans 20 prochaines années»...
Certes, deux partis se sont enorgueillis de l’étiquette «indépendantiste» lors de la dernière élection, mais dans chacun des cas, il y avait aussi des barrières, des conditions à leur engagement.
On a trop souvent eu l’impression au cours des dernières années que l’engagement à faire l’indépendance était devenu un boulet pour le Parti québécois. Ce ne doit plus jamais être le cas. La dernière fois que le PQ a fait campagne sur le thème de l’indépendance? 1994. En 2022, ça fera 28 ans de ça. Quelques générations de Québécois qui n’ont jamais connu la ferveur indépendantiste. Il faut la raviver, il faut y travailler.
Chez Québec solidaire, l’engagement indépendantiste est, au mieux, ambigu. La patente à gosses de l’assemblée constituante, c’est de la poudre aux yeux. Un petit nanane qui permet à certains ex-militants d’Option nationale de prétendre que QS veut «l’indépendance dans le mandat».
Quiconque s’est intéressé à cette patente à gosses de «constituante» sait très bien que l’issue de celle-ci peut être bien d’autres choses que l’engagement à réaliser l’indépendance. Toutefois, l’ambiguïté inhérente à l’exercice permet de conforter à peu près tout le monde chez QS. Fédéralistes et indépendantistes.
Car ne vous y trompez pas, il y a bel et bien un assemblage de ce type chez QS. Les sondages qui ont visé spécifiquement les militants de QS nous l’ont montré de façon continue depuis quelques années.
Le plus récent, réalisé à la sortie des urnes le 1er octobre dernier, n’a fait que confirmer cette tendance déjà connue.
La firme Angus Reid a sondé les sympathisants de chaque parti politique sur la question de la souveraineté. Les résultats sont très intéressants :
- PLQ : 9% pour, 83% contre
- PQ : 84% pour, 11% contre
- CAQ : 35% pour, 52% contre
- QS : 47% pour, 35% contre
La firme Ipsos en mai dernier, sur cette question spécifique, a pointé le «non» chez QS à 42% et le oui à 41% (faible échantillon par contre).
De toute façon, le PQ devrait laisser Québec solidaire clarifier ses intentions quant à cette question. En mai 2016, lors du congrès des QSistes, les délégués avaient voté à 55% contre une proposition qui «aurait clarifié son engagement indépendantiste».
En 2017, les débats ont été houleux dans ce parti sur le dossier de la fusion avec Option nationale, à tel point que Québec solidaire a imposé que la discussion se tienne a hui-clos. Quelques ajustements ont été faits afin de rendre l’avalement d’Option nationale un peu moins amer de parts et d’autres, mais les des opposants se sont faits entendre dans les deux camps.
Que faire?
Rassembler ceux qui, en 2022, entendent miser, de façon claire, décomplexée, sur l’indépendance. Peu importe la forme que cela prendra : alliances électorales ponctuelles, unification, nouveau parti, tout doit être sur la table. Rien ne presse, la précipitation serait la pire des options.
Québec solidaire, après 5 élections, demeure la 4e opposition. Vrai que le nombre de député et que le pourcentage d’appui a augmenté, mais on est loin de tout raz de marée.
Le Parti québécois vient de manger toute une raclée électorale. C’est indéniable. Quelques recomptages lui ont redonné la 3e place à l’élection, bien mince consolation qui ne saurait occulter la profonde analyse qui s’impose.
On ne saurait nier que ces deux formations politiques comptent sur des députés (ou des candidats défaits, influents dans leur parti) indépendantistes autour desquels il serait intéressant de discuter de la suite des choses.
Il sera important également d’observer la dynamique qui s’installera entre François Legault et le fédéral. Le PM du Québec sera-t-il patient? Comment réagira-t-il aux rebuffades fédérales (car elles viendront, sur la laïcité assurément)?
Ce Canada pétrolier, ce pays où la construction d’oléoducs fait office de «nation building», et si les Québécois devaient se mobiliser autour de l’environnement? Et si notre prochaine grande bataille d’émancipation s’articulait, entre autres, selon cet axe fondamental? C’est loin d’être impossible.
Le Parti québécois doit garder toutes les portes ouvertes, mais il doit impérativement éviter de se vendre au rabais. Encaisser la défaite, réfléchir, faire l’état des lieux, discuter avec les gens de bonne volonté et revenir à sa raison d’être : rallier autour de la volonté assumée de faire l’indépendance, non en fonction des inclinaisons idéologiques gauche-droite ou des querelles sur le comment le faire, mais selon ce qui est en avant, réaliser l’indépendance. Je suis convaincu que les gens de bonnes volontés au sein des deux formations politiques outrapasse la somme de ceux qui tiennent mordicus à leur petite étiquette politique.
Il y a là un bassin électoral intéressant. 2018 nous aura au moins appris ça. Espérons que nous avons aussi appris de nos échecs respectifs. Car ça fait longtemps que les indépendantistes n’ont rien gagné. Sans crier gare, les échecs successifs pourraient nous conduire à la capitulation.