Afghanistan - La mission canadienne impopulaire comme jamais

«Le public a changé complètement d'opinion»

Afghanistan - le prix du sang

Ottawa -- Les décès qui s'accumulent en Afghanistan pèsent de plus en plus lourd sur l'opinion publique. Alors qu'un 125e soldat canadien trouvait la mort hier près de Kandahar, deux sondages jettent un nouvel éclairage sur l'état d'esprit de la population envers cette mission.
En fait, la mission de combat à Kandahar n'a jamais été aussi impopulaire depuis 2001. Selon un sondage de la firme Ekos réalisé pour la CBC,
54 % des Canadiens s'opposent à la mission, contre 34 % qui l'appuient. Environ 12 % sont ambivalents.
«On fait des sondages depuis le début de la mission et on constate que l'opinion publique s'est radicalement transformée avec le temps, explique Frank Graves, le président d'Ekos. Au début de la mission le soutien était très fort, mais tranquillement, inexorablement, le public a changé complètement d'opinion.»
Selon lui, il ne s'agit pas d'un effet temporaire. «Le changement d'opinion a été graduel. Il n'est pas lié aux manchettes négatives. La tendance est lourde», ajoute Frank Graves.
Le coup de sonde a été mené auprès de 2713 Canadiens entre le 8 et le 14 juillet. Un sondage de cette ampleur comporte une marge d'erreur de 1,9 %, 19 fois sur 20.
Sans surprise, c'est au Québec que l'appui à la mission en Afghanistan est le plus faible (15 %), alors que 73 % des répondants s'y opposent. L'échantillon de 745 répondants au Québec donne une marge d'erreur de 3,6 % (19 fois sur 20).
La Saskatchewan et le Manitoba sont les seules provinces à appuyer la mission (48 % pour et 41 % contre). Ailleurs, l'appui est partout en baisse.
Un 125e soldat
Rien pour améliorer l'image de la mission, un 125e soldat canadien est mort au front hier. Sébastien Courcy, 26 ans, est décédé au cours d'une opération dans le district de Panjwaii, l'un des plus dangereux de Kandahar.
Sébastien Courcy a fait une chute mortelle alors qu'il marchait sur un terrain surélevé. Aucun autre détail n'a été transmis étant donné que l'opération est toujours en cours.
Le soldat Courcy s'était enrôlé dans les Forces canadiennes en 2006. Il en était à son premier déploiement en Afghanistan. Il faisait partie du 2e Bataillon du Royal 22e Régiment, basé à Valcartier.
Le brigadier général Jon Vance, qui dirige les troupes canadiennes à Kandahar, a soutenu que la mort du cinquième soldat canadien depuis le début du mois de juillet n'allait pas dissuader les Forces canadiennes de poursuivre la mission. «Un lourd prix doit parfois être payé pour ce genre d'opérations, mais les défis auxquels nous faisons face ne nous détourneront pas de notre but ultime et de notre engagement quant au rôle que le Canada joue afin d'améliorer le sort de la population afghane», a-t-il affirmé lors d'une conférence de presse à Kandahar.
Ce décès porte à 47 le nombre de soldats de l'OTAN qui ont perdu la vie depuis le début du mois de juillet en Afghanistan, ce qui égale le record atteint en juin et août 2008.
Les troupes britanniques et américaines mènent présentement deux offensives d'envergure dans la province d'Helmand, voisine de Kandahar, ce qui pèse sur le bilan des pertes -- 15 soldats britanniques et 23 militaires américains sont morts depuis le début de ces opérations.
Partout en Afghanistan les opérations de l'OTAN se multiplient dans l'espoir de déstabiliser les talibans et de sécuriser le territoire en vue des élections présidentielles du 20 août prochain.
Quoi faire après 2011?
Par ailleurs, un autre sondage sur la mission en Afghanistan apporte un éclairage supplémentaire. D'abord, la firme Ipsos Reid arrive elle aussi à la conclusion que la popularité de la mission est en baisse. Par contre, son coup de sonde -- réalisé pour le compte de la chaîne Canwest -- est plus nuancé.
Ipsos Reid affirme que 48 % des Canadiens s'opposent à la mission en Afghanistan, alors que 45 % l'appuient. La firme a interrogé en ligne 1001 répondants, pour une marge d'erreur de 3,1 % (19 fois sur 20).
L'aspect intéressant de ce sondage réside toutefois dans la question qui a été posée sur l'après-juillet 2011, soit la date de retrait prévue des troupes canadiennes d'Afghanistan.
Il y a un an, une forte majorité de Canadiens (59 %) croyaient que les Forces canadiennes devraient rester impliquées en Afghanistan après 2011, soit dans un rôle de combat ou encore dans un rôle d'entraînement des forces de sécurité afghane. Bref, les Canadiens jugeaient qu'il y avait encore un rôle militaire à jouer dans ce pays, même si la mission pouvait être différente.
Ce n'est plus le cas. La tendance s'est complètement inversée. Aujourd'hui, 52 % des Canadiens estiment que tous les soldats, sans exception, devraient rentrer au pays en juillet 2011. En janvier 2008, ils étaient à peine 37 % à penser ainsi.
Le gouvernement a promis de mettre fin à la mission de combat à Kandahar en juillet 2011, mais l'après-mission dans ce pays n'est pas encore définie. Quel rôle jouera le Canada en Afghanistan par la suite? Mentorat de l'armée et de la police afghane? Aide à la reconstruction? Prise en charge d'une autre province, moins dangereuse? Des questions que la prochaine campagne électorale fédérale pourrait servir à élucider. Ce sondage montre à tout le moins que le public a peu d'appétit pour une mission qui en serait encore une de combat.
Malgré tout, on note que les Canadiens sont fiers du travail accompli par les soldats à Kandahar, puisque 82 % des répondants affirment appuyer les troupes et être «fiers» des militaires canadiens. Toutes les provinces encouragent les troupes, malgré l'appui en baisse à la mission.


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