Terrain miné

Afghanistan - le prix du sang

Nous lui sommes éternellement reconnaissants pour le sacrifice qu'il a fait pour son pays, tout en aidant à assurer un avenir meilleur à la population afghane.
— Stephen Harper
Le brigadier-général Jonathan Vance a pour sa part déclaré à La Presse Canadienne que le travail du caporal Dubé avait contribué à sauver plusieurs vies. «L'engin explosif improvisé que Martin était en train de désamorcer aurait pu tuer une famille entière. Ses gestes, son sacrifice ont sauvé la vie de certains de ses pairs, de membres des Forces de sécurité nationale afghane et de civils afghans», a-t-il affirmé au moment de l'annonce du décès du résident de Québec à l'aérodrome de Kandahar. (Cyberpresse)
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Un Québécois de 35 ans du 5e Régiment de Valcartier trouve la mort en Afghanistan.
Martin Dubé laisse dans le deuil sa mère Marie-Paule, son père Roger, son frère Vincent et sa compagne Julie. (Le Devoir)
En 2001, après avoir marché en Iran, au Pakistan, en Inde et au Népal, l’historien écossais Rory Stewart a traversé à pied l’Afghanistan, d’Hérat à Kaboul, dans les pas de Babur, premier empereur de l’inde moghole. Dans un livre intitulé EN AFGHANISTAN (Albin Michel), il relate son périple. Voici quelques extraits qui mettent en relief la déconcertante complexité afghane:
1. Dans beaucoup de maisons, le seul élément de technologie étrangère était la kalachnikov, et la seule marque mondiale, l’islam.
2. En Iran comme en Afghanistan, l’ordre dans lequel les hommes entrent, s’assoient, saluent, boivent, se lavent et mangent définit leur statut, leurs manières et la façon dont ils perçoivent leurs compagnons.
3. Qasim ne faisait que dire la première chose qui lui passait par la tête. Il ne voulait pas reconnaître qu’il en savait très peu sur moi et encore moins sur mon pays. Pour préserver son statut, il devait montrer qu’il n’était pas simplement en charge d’un jeune étranger aux vêtements éliminés, mais qu’il avait la responsabilité d’un homme important et intéressant.
4. Beaucoup de maisons étaient vides. La plupart des hommes, s’ils n’avaient pas emmené leur famille dans les camps de réfugiés, travaillaient en Iran.
5. Ismaïl Khan avait foi dans le djihad et haïssait le fait que des étrangers athées s’ingèrent dans les affaires de l’Afghanistan. S’il avait encouragé le retour des femmes à l’école, il croyait qu’elles devaient êtres voilées et s’abstenir de parler aux hommes qui n’étaient pas de leur famille. Celles qu’on surprenait en compagnie d’étrangers pouvaient être examinées de force à l’hôpital pour déterminer si elles avaient eu des relations sexuelles récentes. Il était sur le point de mettre en place de nouvelles escouades «du vice et de la vertu» pour faire des descentes dans les arcades du bazar et brûler les DVD. Il avait mis en œuvre des lois rendant obligatoire le port du voile pour les femmes et interdisant le port de la cravate pour les hommes.
6. «Les talibans étaient des gens très bien. Les étrangers d’Al Qaida étaient mauvais, mais les talibans étaient bien.»
7. Que pensez-vous des Américains? Demandai-je à un vieil homme près de la porte?
– De l’Amérique, nous accepterons de l’argent pour le développement, mais pas les soldats.
8. Ils lui ont attaché les pieds et l’on suspendu au plafond, de sorte que ses mains touchaient le sol. Après l’avoir battu avec des fouets, ils ont apporté des câbles électriques et ils ont enroulé le bout de ces câbles, la partie métallique, autour de ses gros orteils. Ensuite ils ont mis le courant.
9. Un grand barbu arriva en nous courant après. Ignorant complètement mes salutations, il demanda à mon compagnon: «De quelle religion est-il?
– C’est un masuwi (un juif).
– Non, non, je suis jesewi (chrétien) » Le docteur Habibullah se retourna, me regarda, puis dit à son ami: «Je n’y comprends rien: il y a une différence?»
10. –J’aime les chiens. Personne ne les touche jamais?
– Bien sûr que non. C’est un animal impur.
11. «Sans vouloir offenser ce garçon britannique, dit le commandant d’une voix traînante en me désignant du doigt, Karzaï est un instrument aux mains des Britanniques et des Américains, et il n’est pas question que je le soutienne.»
12. «Pourquoi êtes-vous devenu moudjahid? Demandai-je à mon hôte.
- Parce que le gouvernement a empêché les femmes de porter le voile et m’a confisqué mes ânes.
- Et pourquoi vous êtes-vous battu contre les talibans?
- Parce qu’ils ont forcé mes femmes à porter la burqa à la place du voile et qu’ils m’ont volé mes ânes.»
À l’entendre, si le gouvernement ne touchait ni à ses ânes ni au voile des femmes, il ne s’opposerait pas à lui.
13. Le pillage d’antiquités constitue un problème très ancien, et sujet à controverse, auquel, à cause des sommes impliquées, il est presque impossible de mettre fin.
14. Sa pièce était décorée d’affiches d’Hekmayar s’en prenant à la Russie et à l’Amérique: «Unissons pour mettre dehors l’impérialisme rouge et l’impérialisme noir!»
15. Le seul seigneur féodal auquel j’ai parlé longuement entre Jam et Chacharan avait douze ans.
16. Après le repas, je suis allé jusqu’à la rigole, pour satisfaire un besoin pressant, et la moitié du village m’a suivi pour me regarder déféquer.
17. Le docteur Ibrahim, le nouveau gouverneur de Ghor, qui portait un turban et de grandes lunettes d’aviateur, se leva pour parler de démocratie.
-N’utilisez pas le mot démocratie: il n’est pas islamique, cria un mollah à côté de lui.
18. Les talibans ont expulsé les Hazaras de Kaboul en 1996, avant de s’emparer de leur capitale, Bamiyan, en 1998, contraignant la résistance hazara à se replier dans les montagnes ou en Iran. Les descendants des Mongols se sont, une fois de plus, retrouvés à la place de victimes, et les talibans les ont traités avec une brutalité particulière. C’est en partie parce que les Hazaras étaient surtout chiites, contrairement à la majorité des Afghans, qui sont sunnites. Les chiites hazaras se jugeaient plus civilisés, plus mystiques, plus tolérants envers les femmes et les autres religions que les sunnites talibans. Les talibans, eux, considéraient les chiites comme des hérétiques, voire des infidèles.
19. - … Les talibans n’étaient pas un problème ici. Ils sont venus deux fois en opération pour collecter des armes, dans le cadre de leur programme de désarmement… Mais ensuite, ils n’ont plus jamais inspecté la vallée.
– Alors, qui provoquait la violence?
–Nous-mêmes.
20. Yakawlang était autrefois l’une des plus grandes villes de l’Hazarajat, à la population cultivée et politiquement engagée. Les talibans ont attaqué la ville en 1998 et exécuté quatre cents hommes contre le mur de la clinique. Depuis cette date, les trois quarts de la population étaient soit morts, soit partis.
21. Suivez-moi, et faites attention aux mines.
–Ce sont les talibans qui les ont posées? Demandais-je pour faire la conversation.
– Non, c’est nous. Mais on ne se rappelle plus où elles sont toutes.
22. La plupart des décideurs ne savaient presque rien des villages où vivaient 90% de la population. Ils venaient d’États modernes, laïques et globalisés, dotés de traditions juridiques et gouvernementales libérales. Pour eux, il était naturel de lancer des projets d’urbanisme, de défense des droits de la femme et de construction de réseaux de fibre optique, naturel aussi de parler de tolérance et de société civile, et d’un peuple «qui désire la paix à tout prix et comprend la nécessité d’un gouvernement multiethnique centralisé».
Mais que comprenaient-ils aux mécanismes de la pensée de l’épouse de Seyyed Kerbalahi, qui ne s’était pas éloignée de plus de cinq kilomètres de chez elle en quarante ans? Ou du docteur Habibullah, le vétérinaire, qui portait une mitraillette comme eux portaient une valise?
23. Savez-vous combien de civils les Américains et les Britanniques ont tué dans ce pays? Demanda un homme armé d’un fusil, Des milliers, des dizaines de milliers.
–Est-ce que c’était dans votre village?
– Non, pas dans ce village. Nous n’avons vu ni Américains ni Britanniques. Ils n’oseraient pas venir chez nous parce qu’ils ont peur de mourir parce qu’ils n’ont pas de Dieu. Ils sont pitoyables, décadents et corrompus. Pourquoi ont-ils peur de leur mort? Ils n’ont pas de raison de vivre. Mais moi, je suis prêt à mourir tout de suite. Nous sommes tous prêts à mourir tout de suite parce que nous savons que nous rejoindrons Dieu.
24. Les talibans m’ont coupé les orteils. Il indiqua ses pieds. Malgré les chaussettes, il était clair que ses deux pieds se terminaient à la première articulation.
–Pourquoi vous les ont-ils coupés?
–Parce que je ne m’étais pas laissé pousser la barbe.
25. –La paix viendra que quand tous les étrangers auront quitté ce pays, dit un nouveau venu d’un ton brusque.
** *
Les soldats québécois combattent en Afghanistan auprès des Canadiens parce que le gouvernement canadien estime «la mission» nécessaire. Ils vont sauver des vies.
Les jeunes Québécois décrochent de l’école, se font avorter, consomment du Ritalin, se suicident, se tuent sur les routes ou vont se faire tuer en Afghanistan.
Il faudra aussi se pencher sur un avenir québécois meilleur.


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2 commentaires

  • Michel Guay Répondre

    18 juin 2009

    Les Talibans sont des Pakistanais qui sont les meilleurs amis des Canadians et des USA , ils ont combattus et vaincus les Russes et sont en train de vaincre les mercenaires occidentaux payés avec nos impôts pour massacrer des populations entières .
    Si la Canadian army me laissait informr les soldats Québecois concernant cette guerre sale contre des civils Afghans et leur expliquer dans quels pièges Harper et Charest les livrent . Pas un seul Québecois s'engagerait dans de tels crimes contre l'Humanité.
    Je connais l'Afghanistan l'ayant visité de l'Iran jusqu'au Pakistan et les mensonges de la canadian army contre la nation Afghane sont une honte pour toute l'Humanité.

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    17 juin 2009

    Oui: un avenir québécois meilleur...
    On sait qu'aux États-Unis aussi, les jeunes des minorités s'enrôlent volontiers: aux illégaux mexicains, on promet les papiers officiels à ceux qui reviendront...
    Au Québec, l'appauvrissement fait aussi partie du plan d'assimilation. Les délocalisations d'usines, le décrochage scolaire par l'obstruction délibérée de l'horizon des jeunes Québécois (dénigrement de la nation à pleins médias avec peak à la Fête nationale), sont des arguments majeurs pour les sergents recruteurs qui maraudent nos écoles, comme des puchers...
    Quand tous les indépendantistes du Québec sortiront du placard pour parler d'une seule voix et prendront le bâton de pélerin pour expliquer aux moins nantis politiquement en quoi nous sommes asservis par Ottawa, l'horizon se débouchera, la jeunesse reprendra ses droits et ne choisira plus ces formes de suicide déguisé mais mordront dans la vie pour se bâtir un pays dont ils n'auront pas honte en accueillant les nouveaux venus et quand ils voyageront.