Par Pierre-André Normandin
Les alliés du Canada en Afghanistan retiennent leur souffle à la suite du décès d'un premier soldat du Royal 22e Régiment. Une réaction passionnée au Québec pourrait inciter le gouvernement conservateur minoritaire à annoncer le retrait des troupes en février 2009, entraînant à l'international un effet domino néfaste pour l'Afghanistan, analyse Marc-André Boivin, du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix.
Déjà, le gouvernement de Stephen Harper a récemment changé de ton sur la question afghane avec le départ du contingent de Valcartier. Après avoir longtemps maintenu la ligne dure, le premier ministre assure maintenant qu'il reviendra au Parlement canadien de trancher sur la poursuite ou non de la mission au-delà de la date buttoir de février 2009. Et afin de mieux vendre la mission aux Québécois, il a remanié son cabinet la semaine dernière, confiant au député beauceron Maxime Bernier le ministère des Affaires étrangères.
Depuis plusieurs mois, Marc-André Boivin reçoit des appels inquiets de Bruxelles, siège de l'OTAN où sont coordonnées les activités militaires en Afghanistan. "J'en étais venu à me demander si on n'était pas en train de se monter un bateau. On va le savoir au cours des prochains jours si cette fameuse réaction sera aussi négative."
Recul international
En effet, plusieurs importants pays contributeurs à la mission afghane, citent le Canada en exemple pour expliquer à leur population le bien-fondé de leur présence militaire, indique le chercheur. Ainsi, un fléchissement de la volonté canadienne pourrait inciter les Pays-Bas à rapatrier dès l'été 2008 leurs 1300 soldats qui assurent la sécurité de la province Ouruzgan.
De virulents débats secouent plusieurs des 37 pays collaborant au sein de l'OTAN pour pacifier l'Afghanistan, particulièrement chez les Européens. Le Parlement allemand doit tenir un débat en septembre sur la pertinence de maintenir son contingent de 3000 soldats dans le nord du pays ravagé par 30 années de guerre.
Le chercheur souligne que l'opinion publique peut difficilement être plus opposée. Selon les plus récents sondages, près de 70 % des Québécois se disent contre la présence canadienne en Afghanistan. Et les 30 % restants ne sont pas nécessairement des partisans. "Ils sont juste moins opposés", souligne M. Boivin.
Difficile de prédire
Difficile pour l'instant de prévoir de quel côté les décès de soldats québécois feront pencher la balance. Le chercheur de l'Université de Montréal mentionne d'ailleurs que la population pourrait davantage soutenir les troupes si elles subissent des pertes importantes. Tout comme elles pourraient rejeter davantage la politique canadienne en Afghanistan.
Au Canada anglais, la population s'est graduellement habituée aux morts canadiens. L'annonce du décès de six soldats dans une explosion en juillet avait d'ailleurs été accueillie avec détachement dans le reste du pays, tient à rappeler M. Boivin. "Cette insensibilité, cette accoutumance s'installera-t-elle au Québec ? L'Afghanistan fait les manchettes depuis un bout de temps dans les médias anglophones, mais ici ça a encore l'impact d'une certaine nouveauté."
panormandin@lesoleil.com
Test pour le Canada
Une réaction passionnée au Québec pourrait créer un effet domino au sein de la coalition internationale
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