Victoire retentissante de Bombardier à Washington

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Les droits de douanes de 300% sont annulés

Des entreprises ravies, des gouvernements satisfaits, des travailleurs soulagés et une action qui explose en Bourse. La décision de la Commission du commerce international des États-Unis, qui invalide les droits imposés sur les avions CSeries, a provoqué vendredi de vives réactions et levé le nuage d’incertitude sur un programme que le constructeur québécois place ni plus ni moins qu’au coeur de ses plans d’avenir.



Le jugement unanime de la Commission, dont l’avis ne révèle pas les motifs des commissaires, survient un mois après la décision du département du Commerce d’imposer des droits compensateurs et antidumping de 292 % sur les appareils du constructeur québécois. Lesquels, en principe, auraient quadruplé le prix des avions, dont le prix au catalogue se situe de 80 à 90 millions selon les modèles. Les motifs détaillés de la décision seront publiés le 2 mars.



La décision « est une victoire pour l’innovation, la concurrence et la primauté du droit », a affirmé Bombardier, en précisant que la compagnie « continue de progresser rapidement » à l’égard de son partenariat avec Airbus. Le géant européen, qui contrôle maintenant le programme CSeries, entend construire une chaîne de montage supplémentaire près de ses installations de Mobile, en Alabama, une stratégie perçue au départ comme ayant le potentiel de déjouer d’éventuelles sanctions.



Le président d’Airbus, Tom Enders, qui est présentement à Montréal avec la direction de Bombardier, a affirmé que le géant européen « va de l’avant pleine vapeur » avec son projet concernant la CSeries. Invité à dire si la décision pourrait contraindre Airbus et Bombardier de ne vendre aux États-Unis que des appareils assemblés en Alabama, Olivier Marcil, vice-président de Bombardier aux relations externes, a répondu lors d’un point de presse : « On ne sait pas. On attend de voir la décision et on regardera les détails. »



La ministre fédérale des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, et la ministre québécoise de l’Économie, Dominique Anglade, ont également exprimé leur satisfaction à l’égard de la décision.



La Commission compte quatre commissaires. Trois ont été nommés par l’ex-président Barack Obama (deux républicains et une démocrate) et un par George W. Bush (un démocrate). Un vote à deux contre deux aurait été automatiquement enregistré comme un jugement favorable au plaignant.

 



Que fera Boeing ?



Si la Commission avait penché en faveur de Boeing, qui accuse Bombardier d’avoir bénéficié d’appuis gouvernementaux pour offrir un bon prix au transporteur Delta, Ottawa aurait vraisemblablement porté la cause en appel à l’OMC ou en vertu de l’ALENA. Or, les yeux sont maintenant tournés vers Boeing, pour qui il ne serait pas interdit de déposer une nouvelle plainte. La compagnie pourrait aussi faire appel auprès de la Cour du commerce international des États-Unis, située à New York.



« Bien que nous soyons en désaccord avec la décision de la Commission, nous analyserons celle-ci en détail lorsqu’elle sera publiée au cours des prochains jours », a affirmé Boeing. « Nous ne serons pas des spectateurs face aux pratiques d’affaires illégales de Bombardier, qui continuent de porter préjudice aux travailleurs américains et à l’industrie qu’ils appuient. »



Au fil des mois, les gestes de Boeing ont déclenché à Ottawa un tel mécontentement que le gouvernement fédéral, qui cherche à renouveler sa flotte d’avions militaires, lui a tourné le dos en décidant d’acheter plutôt des avions usagés en Australie.



« C’est un immense soulagement, a dit le coordonnateur québécois du syndicat des machinistes, David Chartrand. Il faut tout de même faire preuve de prudence, en espérant que Boeing lâche le morceau et que les pratiques protectionnistes du gouvernement Trump soient réévaluées. »



Lors de leur plaidoyer cette semaine, Bombardier et Ottawa ont exprimé leur incompréhension devant la tournure des événements, chacun se demandant comment la Commission pouvait se prononcer alors qu’aucun appareil CSeries n’a encore été livré aux États-Unis et que Boeing ne fabrique pas d’avions dans cette catégorie.



« Le résultat, c’est que ça ouvre au programme CSeries le plus gros marché au monde, les États-Unis », a dit Karl Moore, professeur à la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill. « Mais aussi, ça rend l’appareil viable à l’échelle mondiale. Parce qu’en étant exclu du marché américain, le programme aurait été à risque ailleurs dans le monde. Boeing pourrait revenir à la charge, bien que je ne voie pas trop ses avenues juridiques, mais la décision unanime leur complique la tâche. »



À la Bourse de Toronto, l’action de Bombardier a immédiatement bondi et terminé la journée en hausse de 15 % à 3,54 $, un niveau qu’elle n’avait pas vu depuis 2015.



Le cas de Mobile



Bombardier a récemment cédé le contrôle du programme CSeries au géant européen Airbus, qui compte installer une chaîne de montage sur ses terrains en Alabama. Cela, ont dit les deux entreprises à l’automne 2017, permettrait de contourner les allégations de Boeing, car les appareils seraient fabriqués aux États-Unis.



Boeing a rétorqué dans son plaidoyer qu’« il n’y a aucune coentreprise » et que « les parties n’ont encore rien fait de concret sur le terrain à Mobile, encore moins une chaîne complète de montage ».



Conçu dans les années 2000 avec les États-Unis comme marché potentiel principal, le programme CSeries est à la source des problèmes financiers qui ont presque poussé Bombardier à la faillite en 2015. La compagnie a pris un certain nombre de décisions pour redresser la barre, y compris celle de vendre 49,5 % du programme à Investissement Québec en échange de 1 milliard de dollars américains.


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