Vers un pacte laïc international

Laïcité — débat québécois




La question religieuse se repose avec acuité en ce début de siècle. Tranquille comme une révolution d’ici, le débat au Québec débouche sur le concept flou de laïcité ouverte où comme dans une auberge espagnole, tout un chacun y trouve ce qu’il y apporte. Rien de tel, pour essayer de dépasser la confusion ambiante, de méditer sur une précieuse contribution de Georges Corm, « La question religieuse au XXIe siècle » publiée aux Éditions La Découverte.
En conclusion de sa magistrale réflexion sur la question religieuse, il nous convie à l’établissement d’un pacte laïc international. Il s’agira ici de rappeler les grands traits que l’auteur a bien voulu esquisser de ce dernier.
Inscrire les tâches du discours laïc dans le contexte international.
Défendre la laïcité, c’est d’une part défendre la liberté de conscience, la liberté des hommes et des femmes à une religion ou à des convictions philosophiques. Mais, d’autre part, l’État doit être libre d’élaborer des normes collectives sans qu’une religion ou conviction particulière ne domine le pouvoir et les institutions publiques. La laïcité suppose donc une séparation des Églises et de l’État et la neutralité de l’école publique en est une conséquence. La transmission des traditions religieuses doit donc relever des parents et des institutions religieuses.
Au-delà de cette définition qui reste formelle, des orientations précises doivent guider le discours laïc à notre époque.
La laïcité n’est pas un militantisme athéiste et doit éviter de se définir comme tel.
La laïcité ne vise pas à utiliser le pouvoir d’Etat pour éradiquer la religion. Il favorise la confrontation pluraliste des croyances et idées. Les confrontations, clivages ou rapprochements idéologiques sont testés et enracinés dans les expériences communes de lutte pour des droits, les institutions publiques devant protéger de telles démarches. Le discours laïc cherche à unifier les croyants et les non-croyants dans la lutte contre les courants religieux intégristes et réactionnaires (de tous bords). Il s’agit là d’un choix et d’un combat dont la laïcité n’est qu’un cadre.
La séparation des sphères entre Etat et religion, peut être attractive pour les croyants qui sont critiques de la corruption, du clientélisme, de l’enrichissement et de l’autoritarisme associés à la fusion des pouvoirs. Les théologies de la libération en conflit avec les autorités ecclésiastiques ont besoin d’un ordre laïc.
Dans la conjoncture internationale actuelle, le discours laïc ne doit pas présenter l’islamisme comme le vecteur principal du retour du discours religieux dans les pays occidentaux, car cela est faux. Le fondamentalisme existe bel et bien en Amérique du Nord et en Europe. Mais c’est un fondamentalisme chrétien qui tente de construire des nationalismes civilisationnels présentant la situation internationale actuelle comme une situation de guerre des civilisations.
Le discours laïc doit donc chercher à en finir avec cette de notion de guerre des civilisations. C’est également une tâche des démocrates des pays de majorité musulmane. Il faut en finir avec un discours qui cherche à cacher une volonté de plus en plus affichée d’exploiter sans merci l’ensemble du monde.
Pour parvenir à cette fin, le discours laïc doit identifier les vrais problèmes qui se cachent derrière cette instrumentalisation de la religion dans la fabrique de ce mythe de la fameuse guerre des civilisations. Et les vrais problèmes ce sont : les occupations militaires occidentales en Iraq, en Afghanistan, au Liban, en Arabie Saoudite, la colonisation de la Palestine, la marginalisation profonde de vastes couches de la population par des oligarchies liées aux grandes puissances, la distribution extrêmement inégalitaire des revenus dans les pays vivant de rente pétrolière…dont les gouvernements sont liés aux pays capitalistes avancés.
L’identification des problèmes concrets qui organisent la vie de populations entières permettent de dépasser les explications faciles par le religieux. Et c’est une telle vision laïque et profane du monde qui permettra de dépasser les discours mensongers des oligarchies conquérantes et des régimes autoritaires qui pratiquent la confusion du politique et du religieux. C’est cette analyse laïque et profane qui permettra de comprendre la résurgence de la violence terroriste et de démasquer les discours mensongers sur la guerre sans fin contre le terrorisme.
Opposer l’internationalisme laïc au multiculturalisme communautariste
Le discours laïc refuse de se laisser enfermer dans le relativisme du multiculturalisme communautariste. Il oppose à cet avatar de la pensée libérale un humanisme cosmopolitiste, un véritable internationalisme. Tous les peuples sont frères contre les tyrans.
Le véritable esprit républicain nous dit George Corm insiste sur ce qui est commun, sur ce qui fait l’unité du genre humain et refuse de cultiver les différences. Il préfère développer une logique d’égalité humaine entre peuples, races et genres et écarte les mises en scène identitaires.
Et si cet espace républicain peut accommoder y compris les partis religieux dans l’ordre laïc, il jettera les bases d’une unification dans les luttes au-delà des logiques identitaires religieuses et créera les conditions pour remettre en cause un ordre social inégalitaire.
Le discours laïc nous appelle à nous rappeler que ce n’est qu’à partir d’une plate-forme républicaine partagée que l’on pourra véritablement dialoguer sur les problèmes réels du monde et créer les alliances nécessaires pour les renverser.
La réflexion dans laquelle nous accompagne George Corm sur un nécessaire Pacte laïc international élargit nos horizons et nous aide à saisir l’importance de l’engagement laïc et républicain pour construire le fil de l’unité combattante dans la profusion des différences identitaires.


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