Plus de 450 personnes se sont rencontrées au cégep St-Laurent à Montréal le dimanche 21 août dernier pour discuter de la relance du mouvement indépendantiste. Les interventions se sont succédé toute la journée pour évaluer la situation du mouvement et essayer de tracer des pistes pour briser l’impasse dans laquelle le Parti québécois a enfoncé la lutte pour l’indépendance du Québec.
Cette assemblée citoyenne se voulait une assemblée d’une véritable libération de la parole. Elle le fut. On pouvait sentir une aspiration à dire vrai, à en finir avec les précautions oratoires ou les "génuflexions envers les chefs", à parler clairement d’indépendance et de pays, à construire. Cette assemblée citoyenne voulait redonner la parole aux indépendantistes.
Le Parti québécois, critiqué pour l’ensemble de son oeuvre...
Des péquistes présents à l’assemblée ont essayé de défendre ouvertement l’hégémonie du PQ sur le mouvement souverainiste. En dehors du PQ, point de salut. Ils ont défendu la gouvernance souverainiste. Mais l’accueil fut glacial pour ne pas dire hostile. La gouvernance souverainiste apparaissait clairement pour ce qu’elle est réellement, un autonomisme qui reporte la lutte indépendantiste à des lendemains indéterminés.
À l’assemblée des indépendantistes du MNQ, Pierre Dubuc a proposé la tenue d’États généraux. Il a affirmé : "Mme Marois pourra y défendre sa gouvernance souverainiste, Québec solidaire et le Nouveau mouvement pour le Québec leur projet de constituante, le député Jean-Martin Aussant pourra y mesurer l’appui que recueille sa proposition de déclaration d’indépendance par suite d’une simple victoire électorale, et ainsi de suite." (...) Et à Madame Marois, la chef actuelle de la plus importante organisation souverainiste de les convoquer." (Cette intervention a été reprise dans le texte publié par le SPQ-libre : 2011 08 20, Pour des États généraux du mouvement souverainiste, par Marc Laviolette et Pierre Dubuc)
Voilà une conception bien étroite des États généraux, non pas définis comme l’aboutissement d’un vaste mouvement indépendantiste et citoyen, mais comme un appel à se ranger derrière une éventuelle initiative du Parti québécois, une initiative que Mme Marois devrait prendre. C’est là un rejet de la critique faite au PQ par le Manifeste du Nouveau Mouvement pour le Québec, et par tous les indépendantistes qui ont critiqué avec véhémence la stratégie de la gouvernance souverainiste. C’est garder un silence inacceptable sur la critique citoyenne de la politique telle qu’elle se fait au Québec, critique qui a été portée avec éloquence par les démissionnaires du Parti québécois. Et en ce sens, l’appel du SPQ Libre n’est pas un appel véritable à des États généraux citoyen, mais un appel à faire abstraction des critiques qui ont été à la source de la crise du Parti québécois sans s’exprimer sur les fondements de ces critiques. C’est une défense du maintien de leur présence dans le PQ de Pauline Marois et de leur espoir qu’une improbable victoire du PQ soit la seule solution pour faire avancer la cause. La perspective d’États généraux mérite mieux.
Mais l’idée de coalition électorale... autour du PQ garde un soutien significatif
L’idée de coalition électorale a été défendue par de nombreux intervenant-e-s. L’importance de dépasser la division, d’éviter la dispersion, d’affirmer l’unité des indépendantistes est une aspiration profonde. Elle s’exprime par l’aspiration à la formation d’une coalition électorale des indépendantistes. Mais les modalités organisationnelles de cette unité et la base sur laquelle elle devrait se réaliser n’ont pas été explicitées. On en est resté aux voeux pieux et généraux. Mais la volonté sous-jacente est de réaliser une coalition électorale pour se débarrasser du gouvernement Charest, gouvernement fédéraliste et corrompu. Cela se comprend.
L’urgence de se débarrasser d’un tel gouvernement est d’autant plus importante, affirmait un Daniel Breton, que Charest est en train de vendre nos richesses naturelles aux entreprises étrangères, qu’il détruit tout ce qu’il nous restait d’indépendance énergétique et qu’il crée ainsi les conditions qui rendront impossible notre indépendance pour l’avenir. La solution, la coalition pour défaire Charest.
Mais faudra-t-il expliciter les bases démocratiques d’une telle coalition ; faudra-t-il laisser tomber la volonté de la réforme du mode de scrutin ? Faudra-t-il laisser faire la constituante et la stratégie de lutte pour l’indépendance ? Faudra-t-il faire confiance au PQ en ce qui concerne les redevances minières alors que ce parti a laissé s’appliquer la loi des mines durant toutes les années où il était au pouvoir ? Faudrait-il abandonner la perspective de reprise en mains du contrôle par le Québec non seulement des richesses naturelles, mais de leur exploitation par la nationalisation dans une dynamique de protection de l’environnement ?
L’unité des indépendantistes pourra difficilement passer par une coalition de partis. Le PQ de Marois n’a retenu de l’indépendance qu’une perspective lointaine, sans aucun moyen d’action pour la réaliser. Et c’est là le coeur de la crise de ce parti. Sa gestion néolibérale de ces années de gouvernement ne peut être oubliée que pour ceux qui ont intérêt à ne pas s’en souvenir.
Construire un nouveau parti et renouer avec la stratégie des élections référendaires
Un autre courant important qui s’est manifesté, c’est celui qui a fait un trait définitif sur le Parti québécois et qui pose la question d’une stratégie souverainiste reprenant le cadre des élections référendaires. Pour ce courant, il faut un nouveau parti. Le PQ a abandonné la lutte pour l’indépendance du Québec. Ce nouveau parti devrait se battre pour une majorité de députés à l’Assemblée nationale et proclamer l’indépendance une fois une telle majorité obtenue. Un point c’est tout. On peut toujours envisager une alliance des partis indépendantistes autour d’une telle stratégie. La majorité des députés pouvant être obtenus non par un seul parti, mais par plusieurs partis indépendantistes. Mais nombre de questions restent ouvertes dans ce courant. Faut-il procéder le plus rapidement possible au lancement d’un tel parti ? Faut-il le faire pour les prochaines élections ? Quelle place donner à la dimension sociale du programme d’un tel parti et quelle orientation doit-il défendre ? Quels rapports entretenir avec d’autres partis indépendantistes et avec le PQ ou avec Québec solidaire ? Pour proclamer l’indépendance, faut-il se contenter d’une simple majorité des député-e-s ou doit-on viser la majorité des député-e-s et des voix ?
Un courant important - construire un mouvement citoyen pour promouvoir l’indépendance
Le manifeste du NMQ présentait une troisième courant celui de la construction d’un mouvement citoyen pour l’indépendance.
"Ce que nous espérons soumettre à la discussion, c’est l’idée de donner la chance aux Québécois et à eux seuls de dessiner eux-mêmes leur avenir. C’est l’idée d’organiser partout à travers ce beau territoire qui est le nôtre des assemblées constituantes ayant un caractère officiel et de remettre à tous les citoyens le véritable crayon du pays’"... Ce que nous espérons aussi soumettre à la discussion, c’est l’idée de se redonner des institutions dans lesquelles nous pouvons avoir confiance." (Manifeste : Brisons l’impasse).
Le manifeste semble confondre ici assemblées citoyennes et constituante, mais ce sont là des débats qui n’ont pas encore été menés. Il n’en reste pas moins que ces assemblées citoyennes pourraient se fixer comme objectif de déterminer les contours constitutionnels d’un Québec indépendant auquel nous aspirons.
Nombre d’intervenantes et intervenants se situaient dans ce courant. Pour ces personnes, il fallait redéfinir nos institutions politiques dans un sens démocratique et citoyen et refuser de laisser aux élites politiques le monopole de la parole politique. Il fallait lier le projet d’indépendance du Québec au projet d’une société plus juste, plus écologique, plus féministe, plus égalitaire, plus intégrateur et républicain... L’idée d’une constituante pour offrir une perspective politique pour concrétiser ces aspirations citoyennes commençait à devenir plus claire et plus nécessaire.
En fait, les grands courants que nous avons décrits ne sont pas parallèles les uns aux autres. Et nombre d’intervenant-e-s se situaient un pied dans une orientation avec un pied dans une autre... avec tous les glissements et réorientations pouvant être portés par des conjonctures mouvantes. Mais il n’en reste pas moins que ce qui pour nous était le plus porteur c’était la mise sur pied d’un mouvement citoyen sur l’indépendance sachant lier les aspects démocratique, national et social du projet d’indépendance du Québec.
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