Pour l’observateur extérieur, les Fêtes du quatre centième anniversaire de
la fondation de la ville de Québec tournent au vaudeville. Les uns veulent
célébrer l’arrivée et l’installation du fait français en terre d’Amérique,
d’autres, les détenteurs des pouvoirs politiques en particulier, tentent,
par moult subterfuges, de remémorer la fondation du Canada. Si bien
qu’hier, sur une tribune radiophonique de Radio-Canada, on sentait le
besoin de demander aux auditeurs ce que, eux, ils voulaient fêter à Québec
cette année.
Les faits sont pourtant simples. En construisant son abitation aux pieds
du Cap-Diamant en 1608, Champlain jetait les fondements de la
Nouvelle-France. La langue française, avec la culture qu’elle secrète ou
permet d’advenir comme son milieu vital et son atmosphère, commençait de
s’enraciner sur le continent. Et assez rapidement sa voix porta jusque dans
les basses terres de la Louisiane et aux contreforts des Rocheuses. Une
nouvelle nation française voyait le jour. Mais au fil du temps et des
événements cette vaste Nouvelle-France se rétrécit comme peau de chagrin.
L’arrivée belligérante de l’anglais avec sa culture soi-disant plus évoluée
en 1759 effaça, dans l’espace de quatre ans, la Nouvelle-France et prit
tous les moyens par la suite pour faire taire le français. Celui-ci se
concentra dans ce qui était devenu la Province de Québec. Et, plus
récemment, ce peuple français refoulé voulut s’appeler québécois pour
pouvoir conserver son identité. L’idée parut bénéfique pour un certain
temps. Mais les statistiques récentes notent que le français piétine à
certains endroits et frôle la minorisation dans les secteurs névralgiques
de la nation.
La nation québécoise regroupée autour de sa capitale, la ville de Québec,
devrait pouvoir fêter ses quatre cents ans d’existence française
laborieuse. Mais, comble de malheur, les gens qui exercent le pouvoir au
Québec et au Canada – là, c’est normal!— sont en train de réussir un
détournement de sens de cette Fête. Ces bonnes gens se targuent de vouloir
maintenir le français, mais sabotent la nation qui le parle en
s’appropriant l’origine et les symboles qui la fondent. Pour eux,
Champlain, à Québec en 1608, a fondé le Canada par-dessus la
Nouvelle-France. Ce Canada qui a vu le jour seulement en 1867. Et la «
presque reine » de ce Canada, représentante de la reine d’Angleterre, est
vue et se voit comme le successeur en droite ligne de Champlain. Tout cela,
préparé d’assez longue date, a éclaté au grand jour hier à La Rochelle. Le
premier ministre des Québécois, Jean Charest, a laissé toute la place à la
Gouverneure générale. C’était tout entendu, comme elle l’a dit expressément
elle-même. Et de les voir, elle et le président français Sarkozy, sur les
quais de La Rochelle, en rayonnante embrassade, se taper réciproquement
dans le dos. Cette « presque reine », issue des Antilles et qui veut en
France souligner la fin de l’esclavagisme, n’a manifestement pas compris
toutes les astuces de ce mutant et vicieux virus. Chacun son tour d’y
goûter!
L’existence en français devrait être le cœur de la Fête à Québec. La Fête
devrait être heureuse, bien sûr. Mais elle ne pourra pas s’empêcher de
ruminer au fond d’elle-même une inquiétude et une tristesse certaines. Car
pour le regard historique, le français, l’âme de notre nation, décline,
rétrécit et s’essouffle. L’ombre au tableau s’épaissit encore par la
récupération politique qu’en font des puissances politiques doucereusement
hostiles.
Si tous ceux qui croient encore en la possibilité pour notre nation de se
donner un pays ne trouvent pas le moyen de se rassembler dans l’unité pour
célébrer cette Fête, et s’ils ne demeurent pas par la suite en un seul peloton
serré qui marche résolument vers la liberté d’un pays, il ne leur restera
plus qu’à commander leurs brassards de deuil pour assister à la fin
tragique et aux navrantes funérailles de leur propre espoir.
Fernand Couturier

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