Quand ce n'est pas à travers les accommodements raisonnables, l'intégration des immigrants ou la qualité de l'enseignement du français, c'est à travers les dangers de la bilinguisation du Québec que s'exprime l'insécurité culturelle des Québécois. Ces derniers jours, la question des dangers d'un enseignement généralisé de l'anglais a dominé le débat public, donnant lieu à des emportements parfois navrants. Revenons à l'essentiel.
La défense de la langue française n'est pas un vain combat. La langue et la culture françaises sont ce qui définit et protège le Québec. Elles ont été et seront toujours notre meilleur rempart contre l'américanisation de notre société. Elles la mettent à l'abri du rouleau compresseur de la culture américaine contre lequel le Canada anglais a tant de mal à se défendre, comme nous le rappelait cette semaine un colloque tenu à l'université McGill sur la culture canadienne. Il y a donc lieu d'être attentif à tout ce qui peut apparaître comme une menace.
À lire et à entendre tous les commentaires émis à la suite des propos tenus par la chef du Parti québécois sur l'enseignement de l'anglais, on pouvait toutefois croire à certains moments que notre fin était arrivée. Même une fois ces propos rectifiés, certains estiment que pour la survie de la «race», il vaudrait mieux tout simplement ne pas enseigner l'anglais afin d'éviter la bilinguisation du Québec et la disparition à terme du français. Ici, nous grossissons le trait, mais à peine.
Par une sorte de réflexe instinctif de protection, certains Québécois nationalistes refusent de parler l'anglais et même de l'apprendre. Dans les années 60 et 70, plusieurs en faisaient un geste politique. Pauline Marois s'en est elle-même confessée cette semaine, rappelant son séjour au début des années 70 dans l'Outaouais, où la défense du français était un combat constant. On n'en est plus là. Depuis, il y a eu la loi 101 et l'anglais est devenu la langue universelle de communication. Oui, elle est porteuse d'une culture, l'américaine surtout, mais on ne peut pas nier son utilité comme outil de communication.
Enseigner l'anglais, il le faut. Surtout, il doit être bien enseigné. Nous partageons l'avis de Mme Marois selon qui ce ne doit pas être dès la première année. Il faut qu'à la sortie du cégep, les étudiants francophones puissent le parler, le lire et l'écrire, tout comme les étudiants anglophones doivent à l'inverse parler, lire et écrire le français. Cela ne fera pas du Québec un pays bilingue avec, comme langue commune, le franglais. Le bilinguisme est un choix individuel dicté non seulement par des goûts personnels mais avant tout par la nécessité. Qui n'a pas besoin de l'anglais ne le parlera pas et oubliera peu à peu sa deuxième langue. Par contre, celui qui en a besoin pour le travail, les études ou les loisirs n'aura pas à se battre pour rattraper une formation qu'il n'aura pas reçue correctement.
On ne peut certes pas ignorer que la force d'attraction de l'anglais à Montréal puisse susciter des inquiétudes légitimes. La réalité linguistique n'y est pas la même qu'à Québec. Une fois sur deux, les jeunes allophones font le choix de fréquenter un cégep anglais. Ce problème ne se résoudra pas par une politique limitative de l'enseignement de l'anglais. Il faut une politique de valorisation du français.
Les gouvernements des dernières années, libéraux comme péquistes, n'ont pas fait tous les efforts nécessaires à cet égard. Les politiques d'intégration et d'enseignement du français aux immigrants ont fait l'objet de compressions budgétaires. Québec reprend aujourd'hui modestement l'enseignement du français dans les milieux de travail. Il faudrait évidemment en faire plus. Il faudrait revenir aux COFI, dont on se désole aujourd'hui de la disparition. On peut imaginer toutes sortes de programmes, mais une seule chose compte vraiment: il doit être évident, tant pour l'immigrant qui arrive au Québec que pour l'étudiant qui entre sur le marché du travail après le cégep ou l'université, que le français est une langue utile, nécessaire et indispensable. Point!
bdescoteaux@ledevoir.com
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