Le débat sur la situation du français a occupé le devant de la scène politique québécoise toute la semaine. Il en sera ainsi plusieurs semaines encore... tant que le gouvernement Charest n'aura pas dévoilé ces études qui font état d'une aggravation de la situation linguistique à Montréal et qu'il n'aura arrêté sa position.
Que ce débat prenne une telle ampleur n'a rien d'étonnant. Le moindre coup de vent, on le sait, suffit à raviver les braises du feu linguistique. Vivre en français en Amérique du Nord s'accompagnera toujours d'une angoisse quant à la pérennité de sa culture et de sa langue. Et parce que ce débat est d'abord politique, il se polarise aussitôt.
On ne reprochera pas au Parti québécois de s'être saisi de la cause du français. C'est son rôle. S'il a rapidement marqué des points, on peut penser que c'est en bonne partie par défaut, en raison de l'absence de réaction du gouvernement Charest. Lorsqu'il s'agit de l'avenir du français, celui-ci a pour réflexe d'adopter une attitude attentiste, espérant que le temps ou une commission d'étude rétabliront le calme.
On peut reprocher au gouvernement libéral son indifférence envers le débat linguistique. Il serait plus juste ici de parler d'insouciance. Il aurait en effet pu saisir depuis longtemps, à travers les craintes exprimées par des universitaires et reprises par les militants de la cause du français, que la marmite linguistique se remettait à bouillir. Il aurait pu demander ce qu'il en était à l'Office de la langue française, qui avait reçu depuis longtemps, à propos de la situation du français, plusieurs études aux résultats inquiétants dans certains cas. Qu'a-t-il fait, sinon laisser cet organisme s'asseoir sur ces études, même s'il savait que des fuites nourriraient les craintes des défenseurs du français? Attendre lui donnait le temps de préparer en catastrophe les mesures que la ministre responsable de l'application de la loi 101, Christine St-Pierre, nous annonce pour plus tard.
Le gouvernement Charest est aujourd'hui en mode réaction plutôt qu'en mode action. Son argument selon lequel il ne peut pas intervenir auprès de l'Office de la langue française parce que celui-ci est indépendant ne tient pas. Rien n'empêchait la ministre de poser des questions et de chercher à savoir si des problèmes se posaient. Au moment de la préparation du budget, elle aurait eu l'occasion de lui demander s'il avait les moyens de réaliser son mandat. De fait, ce problème semble exister puisqu'elle reproche au Parti québécois d'avoir déjà sabré les budgets de cet organisme.
Beaucoup de critiques sont adressées à la ministre Christine St-Pierre. On lui reproche son manque de vigilance. Elle a eu un sursaut cette semaine en rappelant aux péquistes leur inaction passée. Si elle a raison sur ce point, la question n'est pas de savoir qui est le plus coupable. Il s'agit de déterminer ce qu'on fera pour maintenir la place du français à Montréal, ce qui constitue l'enjeu du débat actuel. Pour cela, il faut être prêt à reconnaître les effets de la transformation de la réalité linguistique de la métropole et à envisager tous les scénarios possibles, sans a priori.
Rien n'indique que Mme St-Pierre arrivera à imposer une politique le moindrement soutenue d'affirmation du français. Elle n'a pas nécessairement besoin de passer par des amendements à la loi 101. S'attaquer à la francisation de la langue de travail dans les entreprises de moins de 50 employés est possible dans le cadre actuel de la loi pour peu qu'on en fasse une priorité et qu'on attribue les moyens nécessaires à l'Office québécois de la langue française. C'est affaire de volonté. Pour l'instant, le gouvernement Charest laisse sa ministre aller seule au front dans une opération casse-cou pour la novice politique qu'elle est. On peut peut-être voir là un symbole de l'importance qu'il accorde à ce dossier.
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