Renommer la rue Amherst

Une question d’honneur

Richler-Amherst : les indésirables


Depuis que le conseiller municipal Nicolas Montmorency en a lancé le débat, beaucoup de Montréalais se sont prononcés sur l’opportunité de maintenir ou de changer le nom de la rue Amherst. Le conseiller Montmorency fonde sa démarche sur le fait qu’en 1763, ce commandant britannique a écrit à un de ses officiers pour lui donner instruction d’« éradiquer » ses adversaires amérindiens, cette « race répugnante » qu’il détestait, en leur distribuant des couvertures infectées à la petite vérole. Bien sûr, les opinions quant à la responsabilité d’Amherst dans l’épidémie qui s’ensuivit sont diverses. Mais certains intervenants nous semblent à ce point accuser autrui de ce dont ils sont eux-mêmes coupables que nous sentons aujourd’hui le besoin d’intervenir.
Dans [Le Devoir du 24 août dernier, Fabien Loszach->21334] affuble les citoyens opposés à l’appellation de la rue Amherst de nombreuses tares. Selon ses propres mots, les partisans du changement de nom ne sont que des « fossoyeurs de l’histoire (…) qui veulent la laver plus blanc que blanc », et même la « changer ». À son avis, les critiques de la présence d’une rue Amherst à Montréal versent dans « l’approximation », usent de « demi-vérités » et cherchent à « transfigurer la mémoire des rues ». Pourtant, plus on se réfère à l’histoire, plus on y puise de raisons pour juger insoutenable l’existence d’une rue Amherst dans la métropole du Québec.
Outre sa volonté d’exterminer les Amérindiens, Jeffrey Amherst dirigea la participation de ses troupes à la prise de la forteresse de Louisbourg. La chute de cette toute dernière place forte française sur la côte Atlantique ouvrit la porte à la déportation des milliers d’Acadiens provenant de ce que sont aujourd’hui le Cap Breton et l’Île-du-Prince-Édouard. L’opération consista à finir le travail du lieutenant-gouverneur Robert Monckton en Nouvelle-Écosse. Là aussi, les conditions dans lesquelles ces horreurs ont été perpétrées tenaient davantage du génocide. Les Acadiens périront par milliers. En 1760, Amherst mena les troupes britanniques qui envahirent Montréal. L’article 39 de l’Acte de capitulation épargna les ancêtres des Québécois de toute déportation, mais Amherst s’objecta à ce que cette grâce soit accordée aux Acadiens. Leur déportation se poursuivra jusqu’en 1762. Aujourd’hui, tout minoritaires qu’ils sont, les Acadiens du Nouveau-Brunswick n’ont d’autre choix que d’endurer le fait que la ville de Moncton porte encore le nom de leur bourreau. Les Québécois, eux, ont ce choix en ce qui concerne Amherst.

En 1838, François Marie Thomas Chevalier de Lorimier organisa le soulèvement des Patriotes de Beauharnois. Il fut condamné à mort par une cour martiale créée par le commandant John Colborne. De Lorimier sera pendu avec quatre de ses compagnons d’armes, le 15 février 1839. Colborne était surnommé « le vieux brûlot » à cause de ses pratiques militaires sans merci, lui qui fit piller et raser par les flammes de nombreux villages de la vallée du Richelieu. En 1883, Jean-Louis Beaudry, lui-même vice-président des Fils de la Liberté en 1837, était maire de Montréal. Cette année-là, la rue Colborne devint la rue De Lorimier. Les 44 années écoulées depuis la funeste exécution de Chevalier de Lorimier n’avaient en rien émoussé la soif de justice du maire Beaudry. Voilà ce qui s’appelle avoir de l’honneur.
Si ce respect de soi n’est rien d’autre que ce que Fabien Loszack appelle de la « rhétorique guerrière et revancharde », alors pourquoi n’y a-t-il pas de rue Staline à Kiev, de rue Leonid-Brejnev à Prague, de rue Général-Jaruzelski à Gdansk ou de rue Hiro-Hito à Pearl Harbor? Ailleurs dans le monde, personne ne manifeste cet étrange propension à vouloir rendre hommage à ses tortionnaires en leur cédant le paysage toponymique. De nombreux Québécois de toutes langues maternelles méritent infiniment plus qu’Amherst d’être ainsi honorés. Ce qui est considéré aujourd’hui comme un massacre de masse n’était pas perçu autrement par ses victimes il y a 250 ans. Les Québécois ont une foule d’autres moyens moins masochistes de se rappeler les aspects négatifs de leur histoire. La rue Amherst doit disparaître.
***
Mario Beaulieu, président général
Christian Gagnon, conseiller général
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal

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Christian Gagnon138 articles

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CHRISTIAN GAGNON, ing.
_ L’auteur a été président régional du Parti Québécois de Montréal-Centre d’octobre 2002 à décembre 2005





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7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    30 août 2009

    En tant que Français, je suis moi aussi extrêmement choqué de voir une rue Amherst à Montréal. Lors d'un séjour dans la région de Québec, il y a quelques années, j'avais été très étonné de trouver une rue Wolfe dans le Vieux-Lévis. Voici le contenu de la lettre que j'avais alors envoyée à la mairie de Lévis (je précise que je n'ai eu aucune réponse).
    Madame, Monsieur,
    Lors d’une visite cet hiver dans le Vieux-Lévis, j’ai été extrêmement surpris de constater qu’une des rues de votre ville porte le nom de Wolfe.
    Général britannique au XVIIIème siècle, Wolfe s’est rendu célèbre pour s’être emparé de la ville de Québec, entraînant dans son sillage la chute de la Nouvelle-France et l’abandon par la France du Canada et de ses habitants à l’Angleterre.
    Wolfe s’est illustré dans l’histoire par sa cruauté envers les Canadiens-français. Ainsi, par exemple, voici ce qu’il écrit à son compatriote Amherst juste avant la conquête de Québec en 1759 :
    « Si en raison d’accidents de navigation, de la résistance de l’ennemi, de maladie, du massacre de nos troupes ou de quelque autre cause, nous en arrivions à la conclusion que Québec ne tombera pas (et cela bien sûr après avoir persévéré jusqu’au dernier moment), je propose d’incendier la ville en la bombardant sans répit et, en aval et en amont, de détruire les récoltes, brûler les maisons et abattre le bétail pour renvoyer en Europe le plus grand nombre de Canadiens possibles et laisser derrière moi la famine et la désolation. »
    Qu’un tel personnage donne son nom à des rues du Canada anglais ou de l’Angleterre peut tout à fait se concevoir, mais qu’il donne son nom à une rue d’une ville du Québec, cela me semble totalement inattendu.
    Le Québec doit malheureusement être un des rares pays du monde à honorer par des noms de rues des personnages qui ont martyrisé les ancêtres des habitants de ce pays. Pourtant, je ne peux pas croire un seul instant que les Québécoises et les Québécois souhaitent célébrer un tel individu.
    Il me semble donc qu’il est vraiment temps de faire disparaître le général Wolfe des rues de la ville qui porte le nom héroïque du Chevalier de Lévis. J’aimerais beaucoup connaître l’avis de la mairie de Lévis sur la question.
    Je vous prie de recevoir, Madame, Monsieur, mes plus cordiales salutations.

  • Gaston Boivin Répondre

    29 août 2009

    Dans l'empressement de commenter votre texte, j'ai omis, par mégarde, de signer mon commentaire précédent, celui qui réfère à Carleton et Maria.

  • Archives de Vigile Répondre

    29 août 2009

    « Il suffit de nommer la chose pour qu'apparaisse le sens sous le signe. »
    Léopold Sédar Senghor

    Extrait de Comme les lamantins vont boire à la source
    « Celui qui nomme un lieu se l'approprie, il le possède pour toujours ou pour aussi longtemps que le nom reste. »
    Georges-Hébert Germain
    Extrait de Christophe Colomb - Naufrage sur les côtes du Paradis

  • Archives de Vigile Répondre

    29 août 2009

    Quand l'être humain nomme quelque chose, il le fait normalement avec son coeur et sa mémoire pour honorer un vécu qui lui est cher, que ce soit pour marquer un évènement, un objet, un lieu ou un être à ne pas oublier, qui a souvent une signifiance qui lie le passé au présent ou vise-versa et parfois qui marque une volonté future, donc un désir de continuité. Il le fait aussi parfois pour marquer une intention ou une volonté de faire et une manière de vivre dans les lieux qu'il habite. Quand un individu change un nom, c'est soit pour indiquer une cause sérieuse d'inconfort avec le nom porté ou nommé ou pour une cause de désapprobation à son égard, ou soit pour indiquer que le nom de la personne, de l'objet ou du lieu à renommer ne correspond plus à ce qu'il était par le passé et qu'on veut ainsi le relier à ce qu'il est maintenant devenu, ou soit pour indiquer un changement de propriété et pour bien indiquer le nouveau propriétaire et ce qu'il est ou ce que sont ses intentions, ou soit pour marquer une nouvelle volonté ou façon d'être et de faire, ou soit encore tout simplement pour corriger une incongruité ou réparer une injustice.. Et les peuples ne font pas autrement.
    Nous avons toujours, avant la Conquête, bien nommés les gens, lieux et objets pour ce qu'ils étaient vraiment pour nous, en accord avec notre vécu et notre mémoire, tout en reliant le passé et le présent et en le dirigeant vers le futur dans un sens de continuité avec une volonté de se perpétuer pour ce que nous sommes.
    Lorsque la Conquête est arrivée, nous avons cherché à faire comme nous le faisions avant, mais la chose s'est avérée souvent difficile et de nombreuses fois impossible, car il semble que l'anglais ait pris à la lettre le traité de Paris qui lui cédait la Nouvelle-France et ses habitants: Il a souvent, selon sa volonté, ses intentions et besoins du moment, marqué sa propriété en la renommant sans égard aux gens qui l'habitaient, insensible à leur vécu et à leur mémoire et manière et volonté d'être. En ce sens, la conquête a marqué malicieusement et insidieusement notre vécu en le trahissant au profit des intentions du conquérant qui étaient d'y établir désormais un nouveau peuple de langue et de coutumes anglaises. Pour mesurer l'étendue de notre asservissement à l'anglais conquérant, la toponomie est un espèce de thermomètre qui en mesure asez bien l'intensité. J'en donnerai ici quelques exemples:
    Celui qui m'apparaît le plus symbolique de tous, c'est le cas de Carleton et de Maria en Gaspésie: Comme l'indique bien monsieur Parent dans la lettre expédiée au maire de Québec à propos de la rue Moncton, certains Acadiens fuyant l'Anglais et sa fureur se sont enfuis toujours plus loin vers le Québec jusqu'à parfois à s'y enfoncer pour échapper à leurs tortionnaires. Ainsi certains s'installèrent en un lieu magnifique qu'en l'honneur de leur peuple éparpillé par la volonté de l'Anglais, ils nommèrent Tracadièche, c'est à dire Petite-Tracadie. Quelques années après que l'anglais ait autorisé les Acadiens à revenir en Acadie, ils demandèrent au gouverneur Carleton la permission de s'établir officiellement sur ce site, ce qui leur fut accordé en 1766. Quelques années plus tard, en 1775, des loyalistes fuyant la révolution américaine, avec l'approbation des autorités britanniques, qui fournirent à quelques uns qui s'installèrent en Gaspésie de grands moyens( donations de vastes terres, d'outils, d'équipements, de semences et de fourniture de provisions alimentaires pour 3 ans), dont certains vinrent s'établir dans la région et, en 1787, ils réussirent à substituer au nom de Tracadièche des lieux celui de Carleton et, ultérieurement, le canton voisin, qui avait déjà porté le nom de Baie Ste-Hélène, fut également habité par d'autres loyalistes américains et en 1842 il fut officiellement nommé Maria en souvenir de l'épouse de Carleton( nom qu'il portait dans les faits depuis au moins 1815) lady Maria Howard, lieu qui furent par la suite plus fortement colonisés par des Acadiens qui y fondèrent la paroise de Ste-Brigite de Maria. Ainsi Carleton and Maria save the queen!
    L'espace alloué me manquant, je terminerai avec un dernier exemple, celui de la rue Saint-Jean Baptiste qui, en 1914 ou 1924(il semble y avoir un confusion sur la date), est devenue, allez savoir pourquoi, la rue Amherst. Il ne semble pas qu'à l'époque, le père ou le grand-père d'André Pratte ait écrit une lettre dans le "Devoir" ou dans "The Gazette" pour protester inversement et en termes aussi vigoureux qu' a pu le faire aussi vassalement et de manière aussi soumise le fils ou petit-fils dans la "Presse" pour s'opposer au changemewnt de nom de la rue Amherst. L'eusse-t-il fait l'un ou l'autre, qu'il est à parier que leur fils ou petit fils aurait eu la colonne vertébrale un peu plus droite, moins pliée.
    On a dit que le Québec a connu la révolution tranquille. Il n'a jamais eu de révolution au Québec, fusse-t-elle tranquille, ce qu'on a appelé la révolution demeure une prise de conscience partielle et momentanée d'un peuple opprimé mais malheureusement soumis à un pouvoir qui lui est étranger: Cette révolution, fusse-telle tranquille, demeure à faire!

  • Archives de Vigile Répondre

    29 août 2009

    C'est beau de dire que la rue Amherst disparaisse, donc je fais un compliment.
    Cependant, nous étions une quarantaine devant l'hôtel de ville le 24 août 2009 avec le JPQ et ils étaient 70 du RRQ devant le bureau de M. Charest à Sherbrooke le 28 août 2009.
    Alors que suggérez-vous maintenant?
    Daniel

  • Archives de Vigile Répondre

    29 août 2009

    Bravo ! Excellente prise de position et très juste argumentaire.
    La toponymie, le fait de nommer un lieu, une voie publique, une institution, du nom d'une personne consiste à célébrer sa valeur et celle de ses actes et de ses idées. On ne nomme pas un boulevard du nom de René Lévesque, ou de Robert Bourassa pour rappeler l'horreur qu'ils nous inspirent. Il n'y a jamais eu le rue Lucifer, Hérode ou Caïn. Les démons, les assassins n'ont pas leur place dans ce rite de célébration qu'est la toponymie.
    S'il faut changer la nature de cette coutume, et prétendre qu'elle doit maintenant généralement autant honorer nos grandeurs que nos hontes, il faut alors s'employer à renommer un grand nombre de lieu et de voies de circulation afin de nous remémorer les noms de tous les bourreaux, tous les assassins de notre histoire québécoise et humaine, et remplacer les noms de Saints, par celui des démons de l'Histoire, à commencer par le CollègeMarc Lépine-Gamil Gharbi ( Tuerie de Polytechnique ), le rond-point Caporal Lortie ( Attentat Assemblée nationale ), l'édifice Khalid Cheikh Mohammed ( 11 septembre ). Ainsi il n'y aura plus d'ambiguïté.
    Sinon, il faut prendre la décision de réserver la célébration de la honte de l'humanité à d'autres vecteurs de mémoire que ceux qui célèbrent notre fierté. La toponymie doit être réservée à la célébration de nos grandeurs. Il se trouve qu'un temps, on a attribué de la grandeur au fait de vaincre les Premières nations pour s'emparer de leurs territoires, peu importe les moyens employés pour ce faire. Il est temps de revoir tout ça.
    Vivement le changement de nom de la Rue Amherst !

  • Archives de Vigile Répondre

    29 août 2009

    Pleinement d'accord. Le masochisme des gens d'ici est inracontable à l'extérieur. Je ne connais aucun autre pays dans le monde où la population aine autant ses chaînes au point de refuser de les voir . Dans la même veine, comment se fait-il que les Acadiens de Moncton au Nouveau-Brunswick ne se sont pas révoltés contre le nom de cette ville, toponyme à la mémoire de l'officier anglais, le colonel Robert Monckton, (écrit avec un k cette fois) le tortionnaire qui a effectué la déportation, qui a tenté le génocide des Acadiens? Seraient-ils aussi mijorés que nous les Québécois?
    Ivan Parent
    PS: Voilà une copie d'une lettre envoyée au maire de Québec pour des raisons similaires.
    Monsieur Jean-Paul L'Allier, Maire de Québec
    Hôtel de ville, 2, rue des Jardins, C. P. 700
    Québec (Québec)
    G1R 4S9
    Monsieur le Maire,
    Une avenue de la ville de Québec porte le nom de Moncton, en l'honneur d'un colonel de l'armée coloniale britannique, Robert Monckton.
    Je pense qu'il est admis que les noms de rue devraient célébrer les figures honorables de notre histoire et non les personnages les plus sombres et les plus sujets à caution.
    Or, comme vous le savez, Monckton est un des principaux exécuteurs de la déportation massive des Acadiens [1].
    C'est en effet en présence du colonel Monckton, en 1755, que la décision fut prise de déporter les Acadiens (séance du 28 juillet du Conseil de la Nouvelle-Écosse présidé par le gouverneur Charles Lawrence). Le colonel Monckton dirige et organise ensuite les premières déportations de l'isthme de Chignectou (Beaubassin et Beauséjour). Il y fait entasser sans pitié hommes, femmes et enfants sur des bateaux à destination de colonies américaines inhospitalières, et les voue ainsi à la dispersion, la misère, l'errance et trop souvent à la mort. Pour ce haut fait d'armes contre des populations impuissantes, alors qu'aucune guerre n'avait même été officiellement déclarée et que ces Acadiens étaient sous la protection britannique depuis quarante ans, Monckton reçut le titre de lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse en décembre 1755.
    Pendant les sept années de sa déportation, la population acadienne fut sévèrement réduite : ceux réfugiés dans les bois périssaient d'inanition et du froid, ceux en mer des conditions insalubres et de maladies. Ainsi le «Cornwallis» qui quitte Beaubassin avec 417 Acadiens déportés par Monckton à son bord ne compte plus à son arrivée à Charleston que 210 survivants. La mauvaise alimentation, l'entassement et la maladie, notamment une épidémie de petite vérole, emportent de nombreuses vies. Le colonel Robert Monckton est directement responsable d'une bonne partie des déportations et des morts qui s'en suivirent. Il est également responsable des exactions et destructions de propriétés et de récoltes qui accompagnaient cette déportation inhumaine [2].
    Mais là ne s'arrêtent pas les exploits de Monckton que la ville a cru bon de célébrer en lui attribuant une rue. En effet, en 1757, Monckton, assisté de 300 hommes, détruit et pille des villages fondés par des réfugiés ayant échappé à la déportation près des frontières du Québec. Les Acadiens fuient et se replient sur le Québec, espérant y être à l'abri des attaques britanniques. Les forces anglaises continuent de lancer des expéditions punitives, ces incursions prennent souvent l'allure de chasses à l'homme. À l'automne 1758, plus de 2 000 militaires dirigés par Monckton se rendent au fleuve Saint-Jean. Devant la destruction semée par Monckton et ses hommes, la population, laissée à elle-même, se replie et remonte plus haut sur le fleuve.
    En 1763, la guerre cesse entre la France et l'Angleterre, mettant ainsi un terme aux déportations. En huit ans environ 10 000 Acadiens ont été déportés, soit environ 75 % de la population acadienne. Leurs terres sont désormais occupées par quelque 8 000 nouveaux colons de la Nouvelle-Angleterre. À l'époque, l'expulsion d'une communauté au lendemain d'une conquête n'était pas une mesure exceptionnelle. Ce qui caractérise la Déportation acadienne, c'est que contrairement à l'usage, les Acadiens n'ont pas été installés sur un territoire français, mais plutôt en milieu hostile, à savoir dans des possessions anglaises et qu'ils aient été séparés de leur famille immédiate et parfois traités comme de véritables esclaves (en Géorgie intérieure par exemple). En outre, les Acadiens ont été déportés plus de quarante ans après la conquête de l'Acadie et après avoir été dépouillés de tous leurs biens et propriétés, ce qui les laissent démunis et en fait une proie facile pour les maladies, la famine et le froid.
    Vous comprendrez qu'il m'apparaît intolérable qu'en 2003 une avenue de Québec rende encore hommage à Moncton. Je suggère donc qu'à la fête des Acadiens l'année prochaine, le 15 août 2004, lors d'une cérémonie publique, cet affront soit lavé et que l'on rebaptise cette avenue d'un nom qui honore le martyre acadien. Puis-je également suggérer comme nouveau nom «rue de la Déportation» ou la «rue de l'Exil» puisqu'il semble qu'il existe une rue des Acadiens dans le nouveau Québec fusionné ?
    Dans l'attente de votre réponse positive,
    Veuillez agréer, Monsieur le maire, l'expression de mes sentiments les plus distingués,
    Patrick Andries
    345, rue Sainte-Thérèse
    Roxton-Falls (Québec)
    J0H 1E0