J’habite le Plateau depuis 2003 et j’ai commencé à y composter mes rebuts végétaux 15 ans avant que l’arrondissement n’en organise la collecte. Je n’ai pas de voiture. Même l’hiver, je me rends à mon travail et fais tous mes déplacements à vélo. Je fais la guerre aux déchets et je recycle religieusement tout ce qui peut l’être. Tant sur le plan social que sur le plan économique, je m’identifie à la gauche de notre spectre politique. Pourtant, lorsque, dans une entrevue (Radio-Canada, 15 mai), notre maire démissionnaire Luc Ferrandez déclare que pour répondre à l’urgence climatique au cours de la prochaine décennie « il y aura un grand besoin de leaders autoritaires progressistes » et qu’il lui « fera plaisir à ce moment-là de répondre à l’appel », j’en suis terrorisé.
En effet, celui qui nous confie avoir revendiqué auprès de la mairesse Plante fraîchement élue le droit de rester « dogmatique » a tenu parole. Au printemps 2018, il décrétait l’interdiction pour les résidents d’aménager une place de stationnement dans leur cour arrière. Dès lors, tout couple avec enfants estimant ne pouvoir se passer d’une voiture — fût-elle électrique — était classé non progressiste. Adieu jeunes familles, bonjour étalement urbain.
Éberlués, un grand nombre des 104 000 résidents du Plateau ont voulu contester ce règlement. Pour ce faire, il fallait d’abord obtenir 12 signatures dans chacune des 634 zones subdivisant l’arrondissement afin qu’y soient ouverts autant de registres. Dans chacune de ces zones, 10 % des résidents devaient aller signer le registre afin qu’un référendum y soit tenu. Les citoyens s’étant mobilisés pour respecter ces exigences kafkaïennes dans les délais prescrits n’ont pu faire ouvrir que 36 registres, dont 7 ont recueilli les 10 % de signatures requises. Le maire Ferrandez a alors feint la générosité en acceptant de soustraire du règlement ces sept zones, sans qu’y soit tenu un référendum. Avec un culot ahurissant, il déclara : « Nous avons la confirmation aujourd’hui, une fois de plus, que nous bénéficions de l’appui d’une vaste majorité de citoyens. » Comme si, même dans la journée typique du simple citoyen le plus attentif à la politique municipale, il restait assez de temps libre pour être aussi combatif à l’égard des décisions « autoritaires » et « dogmatiques » de son maire d’arrondissement.
Mais voilà que Luc Ferrandez nous apprend que ce n’était que la pointe de l’iceberg. Dès octobre 2018 et avec les maires de trois autres arrondissements de Projet Montréal, il voulait annoncer la tarification de 100 % des places de stationnement, tant sur les artères commerciales que dans les rues résidentielles. En plus de forcer les résidents du Plateau à stationner à grands frais leur voiture dans la rue et d’ainsi raréfier le plus possible les places disponibles, on aurait fait payer les automobilistes visiteurs pour d’introuvables places libres, histoire de les exaspérer suffisamment pour qu’ils ne reviennent jamais plus. Adieu commerçants, bonjour locaux vacants. Bref, oui, j’ai hâte à l’électrification généralisée des transports. Mais non, je ne m’ennuierai pas de Luc Ferrandez.