Le président de Quebecor Media, Pierre Karl Péladeau Photo: André Tremblay, La Presse
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M. Dubuc, c'est avec intérêt que j'ai pris connaissance de votre chronique intitulée [«Les maîtres de l'univers»->19879], publiée dans l'édition du 20 mai de La Presse.
Si je prends la plume aujourd'hui, c'est parce que j'estime que le rapprochement que vous faites entre l'investissement de la Caisse de dépôt et placement du Québec dans la prise de contrôle de Vidéotron en 2001 et les achats massifs de papiers commerciaux faits par la même institution en 2007 et 2008 est aussi injustifié qu'erroné. Comme s'il ne vous avait pas suffi de qualifier l'achat de Vidéotron «d'autre grande erreur» de la Caisse, vous avez été jusqu'à affirmer que cette transaction avait provoqué des pertes se chiffrant en milliards de dollars pour le bas de laine des Québécois. Or, c'est faux.
Ce qui est toutefois le plus choquant, c'est le parallèle que vous tracez entre un investissement dans des outils financiers purement spéculatifs et des investissements dans une entreprise québécoise qui crée de l'emploi au Québec et qui y réinjecte la majeure partie de ses revenus!
Quelle erreur, en effet, d'avoir permis au Québec de conserver un de ses trop rares sièges sociaux, un endroit où les décisions sont prises par des Québécois qui ont à coeur d'offrir le meilleur à leurs clients québécois.
Quelle erreur, également, d'avoir permis le développement d'une expertise en ingénierie et en technologie de l'information unique au Québec, d'y préserver des milliers d'emplois et d'en créer 3000 de plus, faisant ainsi de Quebecor Media le troisième plus important créateur d'emplois au Québec en 2007. C'est par la richesse qu'elle a su créer que notre entreprise, qui a vu son bénéfice d'exploitation (BAIIA) pratiquement doubler en sept ans, passant de 525 millions de dollars en 2002 à 1,1 milliard en 2008, a pu créer de l'emploi et injecter des sommes importantes dans l'économie.
Quelle erreur donc, justement, de laisser Vidéotron investir chaque année des centaines de millions de dollars au Québec, pour un total qui dépasse 1,5 milliard depuis cinq ans.
Je serais aussi curieux de savoir si les centaines d'organismes sans but lucratif et communautaires qui bénéficient de notre soutien année après année considèrent, comme vous, que le fait d'avoir gardé entre les mains d'intérêts québécois un des fleurons du monde des affaires d'ici constitue une erreur.
Est-ce aussi une erreur si près de 900 000 foyers québécois ont - enfin! - pu bénéficier de meilleurs prix et de plus de choix en matière de téléphonie grâce à la concurrence que Vidéotron a su amener après des décennies de régime monopolistique?
Devrions-nous reconsidérer notre intention de faire preuve, une deuxième fois, du même esprit d'innovation et de faire bénéficier les consommateurs des bénéfices d'une réelle concurrence dans le domaine des communications sans fil, secteur dans lequel nous investirons près de 1 milliard et créerons 1000 nouveaux emplois?
Pour votre gouverne, apprenez en outre que si Vidéotron était passée aux mains de Rogers, ce n'est pas d'un accès de 50 mgbits/sec comme celui que Vidéotron offre dans plus de 100 municipalités au Québec que nos concitoyens bénéficieraient, mais plutôt d'un accès à 18 mgbits/sec.
Comme entrepreneur et dirigeant d'entreprise, je ne peux reprocher à Rogers d'avoir fermé le siège social de Microcell à Montréal et de l'avoir vidé de ses forces vives pour les rapatrier en Ontario après l'acquisition de Fido. Mais je ne peux m'empêcher, non plus, de penser que c'est ce qui ce serait produit si Vidéotron était tombée aux mains du câblodistributeur ontarien au début des années 2000.
L'auteur est président et chef de la direction de Quebecor inc. Il réplique à une chronique d'Alain Dubuc.
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PAS UN BON PLACEMENT
Loin de moi l'idée de vouloir comparer Quebecor Media à un produit financier douteux comme les PCAA. Ni de dire que la contribution de Quebecor Media au développement du Québec est une erreur.
Mon propos s'inscrivait plutôt dans une réflexion sur la double mission de la Caisse de dépôt, sur le délicat dosage entre le devoir de faire fructifier les épargnes de ses déposants et son rôle dans le développement de l'économie québécoise.
Du point de vue financier, les quelque 3 milliards investis dans Quebecor Media par la Caisse n'ont pas été un bon placement. Celle-ci n'a toujours pas récupéré sa mise de fonds initiale. L'erreur des dirigeants de la Caisse, ce fut de croire que cet investissement serait très rentable.
Par contre, cette intervention a eu les effets bénéfiques que vous évoquez, en termes économiques et technologiques. Elle a également permis d'accroître la concurrence en téléphonie, ce dont je me réjouis en tant que client satisfait de Vidéotron.
Mais pour cela, la Caisse a sacrifié ce que l'on pourrait appeler un rendement raisonnable. Ma compréhension du double mandat de cette institution, c'est qu'il faut pouvoir concilier développement et rendement, pas que le soutien à l'économie se fasse au détriment des résultats financiers. Sinon, son appui s'apparente à une forme de subvention, et je ne crois pas que ce soit son rôle.
Alain Dubuc
Une «erreur» profitable
L'affaire de la CDP - le cas Henri-Paul Rousseau
Pierre Karl Péladeau33 articles
Président et chef de la direction de Quebecor inc. et de Quebecor Media inc.
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