Les propos de monsieur Graham Fraser

Une confusion entre "Conquête " et "Symbiose"

Tribune libre - 2007

Alors monsieur Fraser, si je comprends bien vos propos, nous devrions
renoncer encore un peu plus à ce que nous sommes, pour vous inclure dans
nos lieux d'existence et de mémoire, à une époque où c'est d'Angleterre que
vos ancêtres rêvaient avec envie de notre Nouvelle-France.
Ainsi, parce
qu'en 1763, par le traité de Paris, la France a cédé à l'Angleterre la
Nouvelle-France et ses habitants, vous semblez croire avoir acquis
également la mémoire des dits habitants, ce passé et cette histoire qui
leur sont si chers! Encore plus, votre habitude depuis plus de deux siècles
à nous imposer unilatéralement, fort de la majorité que vous constituez en
ce Canada conquis, vos institutions et vos lois, a-t-elle marqué à ce point
votre inconscient collectif qu'il apparait désormais normal pour vous de
nous dominer sans vergogne et de nous regarder non pas tel que nous sommes
mais comme vous souhaitez nous voir!
Cette habitude n'incite-t-elle pas votre
subconscient à croire que cette cession, par la France à l'Angleterre, de
la Nouvelle-France et de ses habitants, incluait également celle de nos
pensées et ambitions, ainsi que pour toujours celle de nos libertés
d'hommes et de peuple et nation, encouragé que vous étiez par cela à
côtoyer certains des nôtres, qui, par ambition ou autrement, ont depuis
longtemps vendu leurs âmes et celle de leur peuple et nation aux
conquérants anglais, tout en se donnant mille justifications pour agir
ainsi et tout en qualifiant et en auréolant leur agir d'un discours pseudo
progressif et positif!?

Monsieur Fraser, lord Durham, dans son
rapport , déclarait que les conquis, que nous sommes, étions un peuple sans
histoire. Il ajoutait qu'un peuple, qui veut demeurer sans histoire, se
fait un devoir d'évacuer le passé, s'assurant ainsi de n'avoir aucun
avenir. Vous savez, lord Durham, parce que, comme vous, il nous regardait,
non pas comme nous étions, mais plutôt comme il souhaitait nous voir, a
fait erreur: Nous avons une histoire, différente de la vôtre, et qui
parfois l'entre-coupe (mais même alors, notre lecture en est différente),
que nous chérissons, que nous n'avons jamais chercher à évacuer, pas plus
que le passé d'ailleurs, et nous avons toujours cru en notre avenir qui
s'améliorera le jour où nous quitterons la Confédération pour devenir un
état automnome et indépendant.
Même si parmis les nôtres, il y a de grands
esprits, certains plus naifs que savants, les autres plus intéressés que
pragmatiques et réfléchis, mais tous pour la plupart fédéralistes, qui
voudraient bien évacuer le passé de notre peuple et nation, en confondant
son histoire avec celle du Canada de la "Conquête" et de la
"Confédération", le tout de manière à occulter son histoire en même temps
que son âme, et à annhiler son avenir, lesquels s'époumonnent à nous vanter
les mérites de la mondialisation, du multiculturalisme, de l'histoire
citoyenne désincarnée et déracinée, de la Confédération canadienne et des
avantages de la conquête pour notre peuple, de la Constitution de 1982 et
de sa Charte des Droits et Libertés, de la langue anglaise comme première
langue de ce monde, langue des sciences, du commerce et des communications,
n'empêche que ce n'est pas encore fait et "The National Post" and "The
Gazette" auront beau pérorer tant qu'ils voudront, on est encore loin de la
coupe aux lèvres!

Pour terminer monsieur Fraser, j'aimerais vous
rappeler que la fondation de Québec en 1608, ce n'est pas seulement celle
d'une ville, mais c'est beaucoup plus: c'est également celle de
l'établissement en permanence de la présence francaise en Amérique du Nord,
celle aussi du début de la nation francaise d'Amérique, aujourd'hui
dissiminée à la grandeur de ce continent et à laquelle appartiennent tous
les québécois francophones, les acadiens, tous les louisianais descendants
de l'ancienne Lousiane francaise telle qu'elle existait en 1763 et en
1803 (quand napoléon l'a vendue aux américains), et généralement tous les
descendants des premiers francais d'Amérique.
C'est également celle du
début de la nation québécoise ainsi que celle de la fondation de sa
capitale. C'est aussi la consécration de la fondation de la Nouvelle-France
et de sa capitale, de cette Nova Gallia comme disait Cartier, qui, avant la
déportation des Acadiens et avant la conquête, en un peu plus de cent
ciquante ans, avait réussi à établir l'hégémonie francaise en Amérique du
Nord et qui couvrait à ce moment-là plus du tiers du territoire américain,
qui, à une époque, s'étendait de la péninsule du Labrador jusqu'au golfe du
Mexique, qui comprenait alors , outre ce qui restait de l'Acadie, alors
amputée depuis 1713 de son principal territoire d'occupation qui passe
alors à l'Angleterre et qui recoit le nom de Nouvelle-Ecosse mais qui
demeura dans les faits toujours habitée par une population très
majoritairement francaise, le Canada (c'est à dire l'Ontario, le Manitoba,
Terre-Neuve, le Labrador, le Québec) et finalement la Louisiane de l'époque
qui comprenait alors l'équivalent de quelques dix états américains
d'aujourd'hui, qui s'étendait des Grads Lacs au golfe du Mexique.
Cet
empire etait construit le long de deux fleuves et de deux vallées: Les
fleuves Saint-Laurent et Missisipi et les vallées du Saint-Laurent et du
Missisipi. En 1750, il y avait en cette colonie 90,000 francais (Francais
natifs de la colonie et francais de France confondus), dont 90% dans la
vallée du Saint-Laurent. Sur un territoire beaucoup plus étroit, les
colonies britanniques atteignaient déjà 2 millons d'habitants.: C'est tout
cela que commémore le quatre-centième anniversaire de la fondation de
Québec. Ce n'est pas rien!
C'est très important et significatif. Et tous
les québécois, acadiens, francophones de l'ancien Canada, les descendants
de l'ancienne Louisiane francaise, généralement tous les descendants des
habitants de l'ancienne Nouvelle-France, ainsi que tous les francais de
France devraient être fiers d'y participer de quelque façon , ne serait-ce
qu'en pensée! C'est un grand moment!
Au surplus cela devrait être comme un
ode et un hommage à la résistance et au courage des descendants de la
Nouvelle-France qui ont exploré et investi une très grande partie du
territoire américain, y compris presque tout le territoire canadien actuel,
pour le développer et qui, suite à la conquête, ont réussi, malgré
l'abandon par la mère-patrie et les embûches de toutes sortes que le
conquérant anglais leur a tendu pour empêcher leur développement comme
peuple et nation francaise et pour les assimiler, ont réussi à subsister
presque tel quel après presque 250 ans et même à grandir!
Dans ces
conditions, il est normal que le fédéral et les fédéralistes, y compris
ceux qui représentent notre peuple et nation à l'assemblée législative du
Québec, cherchent à récupérer l'évènement pour en désamorcer toute la
symbolique, de facon encore une fois à ignorer vraiment ce qu'est notre
peuple et son histoire. C'est comme si nous n'avions pas le droit d'aller
vers nos racines, de peur que l'on affaiblisse les racines canadiennes!
L'on peut comprendre les libéraux fédéralistes de se prêter à ce jeu. Mais
l'on aurait été en droit de s'attendre à ce que le PQ et le BQ se
soient un peu plus préoccupés de la commémoration de ces fêtes et en
aient mieux compris l'importance et la valeur symbolique qu'elles
représentent. Les fédéralistes l'ont bien compris, eux, à tel point qu'ils
ont tout mis en oeuvre pour en diminnuer la portée symbolique!

Monsieur Fraser, tous sont bienvenus à ces fêtes, y compris les anglos-
canadiens et les anglos- québécois, mais ne nous demandez pas de leur
attribuer une histoire et un rôle qui n'est pas le leur, sinon il est
certain qu'encore une fois, nous risquons de ne pas fêter la même
chose!

-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé