Une bonne nouvelle et une mauvaise sur la dette

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À suivre de près...

J'ai une bonne nouvelle et une mauvaise à vous annoncer à propos de la dette du Québec. Laquelle voulez-vous lire en premier?
Commençons par la bonne. Plusieurs observateurs s'inquiètent de l'impact d'une hausse éventuelle des taux d'intérêt sur le budget du Québec. En effet, avec la dette monstrueuse du gouvernement, toute hausse de taux aura un impact sur les intérêts annuels à rembourser. Certains craignent que cette hausse ne compromette le déficit zéro et n'oblige le gouvernement à faire de nouvelles coupes.
Mercredi dernier, l'Institut économique de Montréal (IEDM) faisait justement une analyse dramatique de la situation (http://www.iedm.org/fr/node/43045). Si les taux d'intérêt bondissent de deux points de pourcentage, ce qui est probable, les intérêts sur la dette augmenteront de 1,3 milliard par année, estime l'IEDM. C'est l'équivalent du budget combiné du ministère de l'Environnement, de la Culture et des Relations internationales. Ouch!
L'organisme omet toutefois un détail très important: le ministère des Finances du Québec a prévu cette hausse de taux d'intérêt dans son calcul du déficit zéro. Dans son budget de novembre dernier, le Ministère estime que le taux d'intérêt des obligations fédérales à 10 ans passera de 1,9% en 2012 à 3,2% en 2014, un bond de 1,3 point de pourcentage. Ce taux passera à 4,4% en 2017, selon le ministère des Finances.
Autrement dit, le Ministère a prévu atteindre le déficit zéro durant ces années malgré une hausse progressive de 2,5 points des taux d'ici cinq ans.
Au cours de l'année 2012-2013, qui se termine le 31 mars, le gouvernement aura payé 10,1 milliards d'intérêts sur sa dette. Ce service de la dette, comme on l'appelle, passera à 12,9 milliards dans cinq ans, soit une hausse de 2,8 milliards (plan budgétaire, p. A.22). De cette somme, la part attribuable à la hausse prévue des taux d'intérêt sur la dette actuelle est de 1,2 milliard.
Bref, la facture d'intérêts augmente, ce qui n'est pas plaisant, mais le gouvernement l'a intégré dans ses équilibres financiers. Si les taux montent moins que prévu, il se dégagera une marge de manoeuvre. Voilà pour la bonne nouvelle.
La mauvaise maintenant. Le samedi 2 mars, Jacques Parizeau reprochait au gouvernement Marois de s'enfermer dans la logique paralysante du déficit zéro. Il affirmait que le gouvernement du Québec est le seul au Canada à utiliser la dette brute pour présenter son endettement, c'est-à-dire sans tenir compte de ses actifs. Il laissait entendre qu'en soustrayant ses actifs (routes, ponts, valeurs des sociétés d'État), le Québec ne se porte pas si mal.
L'affirmation de M. Parizeau est inexacte. Depuis 2010, en vertu de la Loi sur la dette publique, le gouvernement du Québec est tenu de présenter non seulement la dette brute, comme le dit M. Parizeau, mais aussi la dette qui représente les déficits cumulés, souvent appelée la «mauvaise dette». Cette dette équivaut essentiellement à la dette brute moins les actifs financiers et non financiers.
Au 31 mars 2012, la dette brute s'élevait à 183,4 milliards, l'équivalent de 54,6% de notre produit intérieur brut annuel (PIB). Il s'agit du niveau d'endettement le plus important des provinces canadiennes, et de loin (plan budgétaire, p. D.19). Le plus proche du Québec est l'Ontario (42,6%), suivi de la Nouvelle-Écosse (38%). La loi exige de réduire la dette brute du Québec à 45% du PIB ou moins en 2026.
Concernant la «mauvaise dette», celle des déficits cumulés, elle s'élevait à 114,1 milliards au 31 mars 2012 au Québec, soit 34% du PIB. Le Québec est encore premier à ce chapitre. L'Ontario nous rattrape, avec ses gros déficits, mais demeure à 24,8% de son PIB, et celle de la Nouvelle-Écosse, à 21,2%. De son côté, l'Alberta n'a pratiquement pas de dette: son pétrole lui a permis d'accumuler des réserves, qui équivalent à 20,4% de son PIB. La loi exige que le Québec réduise sa dette à 17% du PIB ou moins en 2026. Voilà pour la mauvaise nouvelle.
Jacques Parizeau a aussi qualifié d'«énorme supercherie» la comparaison de notre dette avec celle de la Grèce et de l'Espagne. La méthode qu'utilise l'OCDE n'est pas la tromperie dont parle M. Parizeau, bien que la comparaison soit effectivement imparfaite.
En incluant la part du fédéral et des municipalités, le Québec est plus endetté que l'Espagne, sauf que le Québec dispose d'un gros atout: Hydro-Québec. Cette société d'État a une valeur marchande excédant probablement 50 milliards, ce qui efface une grande partie de notre mauvaise dette.
C'est ce qui explique, entre autres, que le Québec a une cote de A" sur les marchés financiers et qu'il peut donc emprunter à des taux d'intérêt raisonnables, contrairement à la Grèce et à l'Espagne.
Malgré ce constat, il ne faut pas prendre la dette à la légère. Non seulement les intérêts à payer sont énormes et augmentent vite, mais aussi le portrait financier peut changer très vite. Avant la crise de 2008, l'Espagne avait une cote de crédit de AA, supérieure à celle du Québec. Aujourd'hui, l'Espagne est à la limite des défauts de paiement, avec une cote de BBB-. Le Québec doit continuer à s'inquiéter de sa dette.


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