(Montréal) S'il y a une chose sur laquelle tous s'entendent, c'est l'importance pour le Québec d'avoir de nombreux diplômés universitaires bien formés. Le savoir est une richesse et à l'ère de la mondialisation, notre niveau de vie en dépend.
Là où les opinions divergent, c'est sur les moyens de valoriser les universités. Pour certains, nos universités ont besoin de fonds pour soutenir la concurrence mondiale, notamment lorsqu'il est question d'embaucher des professeurs de haut niveau, courtisés par Montréal, Sydney, Boston et Paris. Pour d'autres, ce sont les étudiants qu'il faut favoriser en rendant l'accès gratuit.
Mardi, Jacques Parizeau a fait une entrée fracassante dans le débat. Selon lui, la gratuité réclamée par certains groupes d'étudiants n'est pas farfelue, a-t-il déclaré au Devoir. Il suffit d'augmenter la taxe sur le capital des institutions financières abolie entre 2007 et 2011 et de rendre l'université gratuite. La taxe abolie rapportait alors 600 millions, soutient-il.
Supposons que taxer le capital des banques soit une bonne idée, ce qui est loin de faire l'unanimité parmi les économistes. Mais supposons. Les 600 millions versés aux étudiants offriraient-ils le meilleur rendement social, dans le contexte actuel? S'agit-il du meilleur endroit pour investir, socialement parlant? La réponse est clairement non.
Le Québec n'est plus dans les années 60. La fréquentation universitaire a explosé, mais pendant ce temps, le Québec est devenu surendetté. Chaque nouveau dollar à dépenser fait malheureusement l'objet de douloureux arbitrages. Les urgences débordent, les caisses de retraite publiques sont dans le rouge et les écoles publiques sont à la limite du tolérable.
Plusieurs constatent que la gratuité est maintenant une vue de l'esprit dans les écoles primaires et secondaires. Les parents sont de plus en plus appelés à contribuer et certaines écoles font même payer l'autobus scolaire. Les équipements informatiques des écoles sont fréquemment désuets et les profs doivent parfois payer pour leur propre matériel.
Où investir? Selon l'économiste Pierre Lefebvre, de l'UQAM, si une somme de 600 millions était disponible, le mieux serait de consacrer l'argent à la réduction du décrochage scolaire au secondaire.
Les étudiants ne paient que 13% de leur formation universitaire et ce sont eux, avant tout, qui bénéficient des retombées de leur diplôme.
En passant, avant d'être abolie, la taxe sur le capital des institutions financières ne rapportait pas 600 millions, comme le dit Parizeau, mais 164 millions (page 15, document Statistiques fiscales des sociétés, 2006).
Et l'allégement de 164 millions des banques a été de courte durée, puisque leur taxe sur le capital a depuis été remplacée par une autre taxe semblable qui rapporte aujourd'hui 210 millions. Disparus les 600 millions...
Payé pour étudier
Question quiz: combien devrait débourser un étudiant pauvre du quartier Hochelaga-Maisonneuve si ses droits de scolarité en médecine atteignaient 10 000$? Réponse: zéro dollar. Mieux: il serait pratiquement payé pour étudier.
Surpris? C'est pourtant ce qu'offre le programme d'aide financière du gouvernement du Québec, en vertu des récentes bonifications en vigueur.
Certains ont exprimé des craintes à l'égard de la modulation des droits de scolarité, où chaque étudiant paierait une part égale de ses coûts de formation. Avec cette modulation, les droits de plusieurs disciplines diminueraient substantiellement (lettres, droits, administration, génie), tandis que d'autres seraient en forte hausse (médecine, dentisterie, optométrie, etc.)
Toutefois, comme le salaire de ces dernières disciplines est très élevé à la sortie, rembourser les dettes d'études ne serait pas un problème.
Mais qu'arrive-t-il aux étudiants brillants d'Hochelaga-Maisonneuve, par exemple, qui n'auraient pas les moyens de payer 10 000$ par année? Il n'arrive rien.
Selon le programme d'aide financière actuel, un étudiant qui gagne 6500$ par année et dont les parents touchent 40 000$ recevrait 12 200$ d'aide financière. L'étudiant n'a donc pas à débourser un seul sou pour payer ses droits. Zéro. Au contraire, il en reçoit plus que nécessaire!
De ce montant, 8800$ sont sous forme de bourse. Il devra rembourser la portion empruntée une fois sur le marché du travail, moment où ses revenus de médecin excéderont rapidement les six chiffres.
Avec des parents qui font 60 000$, l'aide est de 11 300$ (5000$ de bourse). Et si les revenus des parents sont de 80 000$ - on ne parle plus de pauvreté - le soutien de l'État passe à 6700$. En somme, pour les étudiants dont les parents font 60 000$ ou moins, c'est l'équivalent de la gratuité pendant les études. Certes, il s'agit de simulations.
Les droits de scolarité actuels ne sont pas de 10 000$. Mais avec les 2168$ de droits actuels, pour les trois scénarios, le résultat est semblable: les étudiants pauvres n'ont rien à débourser pendant leurs études, au contraire.
Je sais, le système est imparfait. Entre autres, certains parents aisés ne soutiennent pas leurs enfants et ces derniers n'ont pas droit à l'aide de l'État. D'autres viennent des régions. Tout de même, pouvons-nous reconnaître qu'on est très loin du quêteux dans le métro?
Pour des simulations: http://www.afe.gouv.qc.ca/fr/logicielCalcul/simulateur.asp.
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