Position du Parti communiste sur la question :

Les profits cachés des entreprises

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Le Parti Communiste ? Depuis quand nos grands quotidiens s'intéressent-ils aux positions du Parti Communiste ?

Le Parti communiste a sauté sur l'occasion. En abaissant les impôts des entreprises, concluent les communistes, le gouvernement fédéral a «légalisé sur une échelle plus grande que jamais le vol institutionnalisé orchestré par ces grandes corporations».
L'occasion, c'est l'étude du Congrès du travail du Canada (CTC) sur les liquidités croissantes des entreprises, parue la semaine dernière. Essentiellement, selon l'organisation syndicale, les entreprises «ont caché plus d'argent sous leur matelas» plutôt que de réinvestir cet argent et de créer des emplois, ce qui prouve que les baisses d'impôts du fédéral n'étaient pas justifiées. Pire: comme le fédéral est en déficit, conclut le CTC, les Canadiens se serrent la ceinture pour permettre aux entreprises d'accumuler injustement des profits.
Au-delà des épithètes ridicules de complots et de vols des communistes, qu'en est-il au juste? Les entreprises cachent-elles vraiment de l'argent indûment plutôt que d'investir?
D'abord les faits. Les entreprises ont effectivement accumulé beaucoup de liquidités ces dernières années et les économistes sont presque unanimes à le reconnaître. Selon Statistique Canada, les liquidités des entreprises ont triplé, passant de 187 milliards de dollars en 2001 à 575 milliards en 2011 (ces chiffres excluent les entreprises financières, dont c'est le métier de gérer des liquidités). La progression est presque constante année après année.
L'été dernier, le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, a exhorté les entreprises à cesser d'empiler de l'argent. Si elles ne savent pas quoi en faire, qu'elles le redonnent à leurs actionnaires sous forme de dividendes, eux sauront en disposer, a-t-il dit.
Même le ministre conservateur des Finances, Jim Flaherty, a brassé la cage des entreprises à ce sujet, leur intimant de prendre leurs responsabilités et à investir pour relancer l'économie. L'homme dit avoir abaissé les impôts, alors il faut que les entreprises répondent en investissant. De fait, le taux d'imposition fédéral des entreprises est passé de 28% en 2000 à 15% aujourd'hui.
Cela dit, trois éléments viennent relativiser les conclusions du CTC. D'abord, il est faux de croire que les entreprises n'ont pas augmenté leurs investissements depuis 10 ans. Au contraire, le niveau d'investissements privés non résidentiels au Canada est beaucoup plus important aujourd'hui qu'il ne l'était il y a 10 ans.
En 2011, les entreprises canadiennes ont investi 191 milliards de dollars, estime Statistique Canada, 54% de plus qu'il y a 10 ans. Et selon l'organisme, 2012 a franchi la barre des 205 milliards. En une seule année! La croissance annuelle est de 4,4% depuis 2001.
Autre élément: les liquidités ont certes triplé depuis 10 ans, mais les entreprises ont grandi elles aussi. En 2001, les liquidités des plus grandes entreprises représentaient environ 6% de leur volume d'affaires. Aujourd'hui, la part des liquidités n'est pas de 18% comme on pourrait le croire - trois fois plus en pourcentage - mais de 9%. L'argent est ainsi réparti entre des entreprises plus grandes et plus nombreuses.
Enfin, l'excès de liquidités est surtout entre les mains des entreprises de ressources naturelles, qui ont profité du boom de la demande des années 2000. Six des dix plus grands détenteurs de liquidités au Canada sont des entreprises dans le secteur du pétrole, de l'or et des métaux et ils détiennent près de 60% des liquidités de ce groupe sélect.
Ces entreprises seraient probablement disposées à investir, mais encore faut-il qu'il y ait des occasions et des projets rentables. Le prix des ressources a généralement diminué ces dernières années, avec le ralentissement de l'économie, rendant les projets moins intéressants.
Deux des entreprises du club des dix ont grandement besoin de leurs liquidités, étant à une période charnière de leur existence. Il s'agit de l'entreprise BlakBerry, qui vient de lancer son nouveau téléphone, et de Bombardier, dont l'avenir repose sur le succès du lancement prochain des avions CSeries.
Bref, on est loin du «vol institutionnalisé» dont parle le Parti communiste.
Quoi qu'il en soit, les chiffres démontrent tout de même que les entreprises disposent proportionnellement de plus de liquidités qu'auparavant et que les critiques de Carney, de Flaherty et du CTC ne sont pas sans fondements.
Face à ce constat, les entreprises ne devraient pas faire la sourde oreille. Elles devraient plutôt se creuser les méninges pour améliorer leur productivité, dénicher de nouvelles occasions et investir. Parce que si elles continuent d'empiler, la pression politique sera de plus en plus forte pour les taxer davantage.
Faut-il leur rappeler qu'aux dernières élections fédérales, le Parti libéral et le NPD souhaitaient annuler la dernière baisse d'impôts promise aux grandes entreprises (de 18% à 15%). Faut-il leur rappeler que les conservateurs ne seront pas éternellement au pouvoir. Faut-il leur rappeler, enfin, que le Canada est l'un des pays industrialisés qui ont le plus faible taux d'imposition des grandes entreprises dans le monde.


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