François Desjardins - Les efforts que demande Ottawa aux provinces pour son projet de commission fédérale de valeurs mobilières mettent du sable dans l'engrenage du système actuel et pourraient entraîner un problème de ressources au sein du forum qui regroupe les commissions provinciales, affirme un haut gradé de l'Autorité des marchés financiers (AMF).
Présentement, les dix commissions provinciales coordonnent leurs priorités réglementaires par l'entremise d'un regroupement appelé Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), dont le président est l'actuel p.-d.g. de l'AMF du Québec, Jean St-Gelais.
Les valeurs mobilières ont toujours constitué un champ de compétence provinciale. Mais le gouvernement Harper estime que le système décentralisé n'est pas efficace et fait du Canada une risée internationale. Il rêve d'une commission fédérale qui aurait les pleins pouvoirs d'un océan à l'autre, a déposé un projet de loi au printemps et a demandé à la Cour suprême de lui donner un avis constitutionnel.
Le Québec, l'Alberta et le Manitoba s'y opposent. Les deux premières provinces se sont adressées à leur cour d'appel respective pour obtenir, chacune de son côté, un avis constitutionnel. Toutes ces causes seront entendues au début 2011.
Prié de décrire l'état des lieux au sein des ACVM, Louis Morisset, surintendant des marchés de valeurs au sein de l'AMF, a laissé entendre lors d'un récent entretien que «ce qui occasionne des problèmes énormes, c'est que des provinces comme l'Ontario et la Colombie-Britannique mettent des efforts importants à ce projet de commission fédérale plutôt que de contribuer avec nous à faire avancer les choses».
«Le fédéral, en s'entêtant avec son idée d'une commission pancanadienne, va divertir des ressources importantes des ACVM, et c'est dangereux», a dit M. Morisset, qui relève directement de M. St-Gelais. Il participe régulièrement aux réunions des ACVM. Il y a, selon lui, «des collègues qui travaillent plus contre nous que pour le bien collectif des ACVM», et certains projets n'obtiennent plus les appuis dont ils bénéficiaient jadis.
Des employés prêtés au fédéral
Un porte-parole du ministère des Finances de la Colombie-Britannique a indiqué au Devoir que la BC Securities Commission (BCSC) a prêté trois personnes au Bureau de transition canadien en valeurs mobilières. Ce dernier, qui a des bureaux à Toronto et à Vancouver, a pour objectif de piloter la mise sur pied de la future commission fédérale. Au total, la BCSC compte près de 190 postes à temps plein.
La mutation de ces trois employés au Bureau de transition, dont l'ex-président de la BCSC, Doug Hyndman, ne reflète pas de changement de politique de la BCSC envers les ACVM, a assuré le porte-parole du ministère des Finances, Jaime Edwardson.
Il a été impossible d'obtenir les commentaires de la Commission des valeurs de l'Ontario afin de savoir si des employés ont là aussi été prêtés.
Le différend portant sur le projet du ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, risque de se transformer en affrontement politique majeur puisque le gouvernement fédéral, bien qu'il en rêve depuis les années 70, n'avait jamais eu l'audace de mettre un projet à exécution.
Des batteries d'avocats travaillent activement à l'élaboration des dossiers, et des rapports d'experts ont déjà été déposés ici et là pour étayer les positions des parties.
L'AMF, par exemple, fait valoir des arguments de spécificité régionale et affirme que la mise sur pied d'une agence nationale constituerait une menace aux emplois dans le monde de la finance. Les partisans d'un système décentralisé mentionnent aussi que ce dernier est généralement très bien coté dans le monde.
Commission unique des valeurs mobilières
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