Un politicien pas comme les autres

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La stature d’un véritable homme d’État





Peu de gens s’en souviennent, mais c’est Bernard Drainville qui, après la démission d’André Boisclair en 2007, avait mis la candidature de Pauline Marois sur les rails en réclamant son retour. Il n’était au Parti Québécois que depuis quelques semaines.


Dès ce moment-là, ça ne faisait plus de doute : l’ancien journaliste avait des réflexes et serait appelé à jouer un rôle d’avant-plan au sein de sa formation politique jusqu’au dernier jour de son implication.


Tout un parcours


Il est trop tôt pour écrire la biographie de Bernard Drainville. Néanmoins, on ne peut qu’être impressionné son parcours.


Page à la chambre des communes; président de la Fédération ontarienne des étudiants; boursier au London School of Economics; lauréat du Prix Judith-Jasmin; correspondant en Amérique latine (et brièvement captif des FARC!) : avant même son entrée en politique, il y a déjà quelque chose qui est hors du commun chez lui.


C’est ce que je garde en tête. Je le vois se déplacer frénétiquement d’une réunion à une autre, le visage fermé et les cheveux en bataille, les bras chargés d’une immense pile de papiers bariolés d’encre de marqueurs et de son inséparable coussin qu’il calait dans son dossier pour soulager ses maux de dos.


Ébouriffant. C’est le mot que j’emploierais pour décrire le trajet effectué par Bernard Drainville en politique. Si je devais choisir un thème musical pour le raconter, ce serait Thunderstruck d’AC/DC.


Un réformateur


Porte-parole en matière de Santé puis d’Affaires intergouvernementales au sein de l’opposition officielle, plusieurs douteront de la loyauté de Bernard Drainville à l’égard de Pauline Marois lorsqu’il émettra une série de propositions portant sur les institutions politiques. Également passionné par les questions énergétiques, l’ancien journaliste ne peut se défendre de tenter de s’associer à René Lévesque en replaçant la démocratie et l’esprit de réforme au centre de l'identité du PQ.


Pauline Marois pardonnera les incartades de son député, tout en le mettant au défi. Sa proposition de référendums d’initiatives populaires avait fait du bruit sur la ligne pensant la campagne de 2012. En le nommant ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, elle le force à aller voir jusqu’où ses idées peuvent se rendre.


Il ne déméritera pas. En quelques mois à peine, il réforme le financement politique, en limitant les contributions à 100 $. C’est sur cet élément que s’appuie désormais Philippe Couillard pour prétendre que le PLQ a changé.


Il ne s’arrête pas là. Il instaure les élections à date fixe et modifie la loi électorale pour que des bureaux de scrutin soient installés dans les établissements postsecondaires. Rencontrant l’obstruction libérale, il tente d’abolir l’indemnité de transition pour les élus qui ne terminent pas leur mandat, œuvre qu’il complètera en talonnant le gouvernement comme leader de l’opposition officielle.


Ironiquement, il est le premier député à ne pas avoir le loisir de choisir de prendre ou non sa « prime de séparation ». Je suis convaincu qu’il est fier de ça.


Les « réformes Drainville », comme le dit Jean-François Lisée, contribueront durablement à améliorer nos mœurs politiques.


La Charte


D’aucuns diront que ça faisait partie du « cadeau de Grec » que Madame Marois faisait à Bernard Drainville, en le nommant ministre, que de devoir piloter l’épineux dossier de la Charte des valeurs québécoises.


À ce sujet, il le fera encore une fois sans coup férir, démultipliant les entrevues et les débats, tenant la ligne et essuyant les attaques, jouant parfois la trappe, mais faisant toujours preuve d’une remarquable constance dans son message et d’un courage qui mérite d’être reconnu.


Cette volonté de cohérence l’aura malheureusement rendu sourd aux événements consternants qui ont frappé les membres de la communauté arabo-musulmane, vulnérables dans le cadre de cette discussion plus que sensible. Pour qualifier ces actes d’intolérance, Drainville utilise le mot « déplorable ». Il aurait fallu être plus ferme, démontrer davantage d’empathie. Des gestes et des paroles détestables et inacceptables ont été portés à l’endroit de certaines personnes et le PQ a payé un prix justifié de ne pas l’avoir exprimé avec assez de force.


C’est néanmoins faire un mauvais procès à cet homme cultivé et ouvert sur le monde que de le dépeindre agressivement comme un raciste, comme on le voit abondamment depuis hier sur les réseaux sociaux. Pour plusieurs, il n’y a qu’une seule vision du pluralisme qui soit légitime dans le débat public et toutes les autres méritent d’être condamnées. Eux aussi manquent de nuances et de tolérance.


Fin de parcours


À la fin, on a attribué à Bernard Drainville une responsabilité exagérée dans la défaite du PQ en 2014, l’enjeu de la Charte n’étant ressorti que tardivement en campagne, alors que tout était joué. N’empêche que sa course au leadership difficile, son étrange ralliement à Pierre Karl Péladeau et la manière dont il a positionné ses alliés autour de lui en ont laissé plusieurs perplexes.


La politique n’est pas une science exacte. Alors que Drainville était confortablement installé comme numéro 2 et qu’il consolidait son emprise sur le caucus, la démission de Pierre Karl Péladeau (il y a un mois, autrement dit un siècle) est venue reconfigurer à nouveau l’espace politique changeant qu’est le Parti Québécois.


Nous pourrons revenir sur ce que le départ de Bernard Drainville représente pour le PQ.


Pour l’heure, je préfère saluer la contribution de ce politicien pas comme les autres. Audacieux, créatif, déterminé et cohérent, il aura, en 9 ans, eu un impact déterminant sur notre vie publique et aura toujours été un joueur d’avant-plan au sein de son parti.


Ça force l’admiration.


J’ai la conviction que cet homme au parcours ébouriffant manquera à plusieurs, et ce, bien au-delà du mouvement souverainiste. Ils pourront le retrouver à la radio où il viendra ajouter à la diversité des points de vue, ce qui est plus que bienvenue.


Salut, Bernard, et bonne chance pour la suite!



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Claude Villeneuve137 articles

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L’auteur est blogueur au Journal de Montréal et au Journal de Québec. Il a été président du Comité national des jeunes du Parti Québécois de 2005 à 2006 et rédacteur des discours de la première ministre Pauline Marois de 2008 à 2014.





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