La guerre en Irak, un désastre national et international

Un éclair de lucidité?

Géopolitique — Proche-Orient


George W. Bush va bientôt dévoiler les décisions qu'il a prises concernant l'avenir de la politique américaine en Irak. Quelques jours après l'exécution de Saddam Hussein et quelques semaines après la remise du rapport du groupe d'études sur l'Irak présidé par l'ancien secrétaire d'État James Baker, plusieurs options lui sont ouvertes. Malheureusement pour lui, aucune n'est réellement satisfaisante et le choix véritable semble être de déterminer quelle est la moins mauvaise des solutions possibles.
Il n'y a plus grand monde aujourd'hui, y compris aux États-Unis, pour penser que cette guerre puisse encore être gagnée. De nombreux partisans initiaux de la guerre ont admis son échec. Les rêves d'établir une démocratie stable en Irak servant de modèle pour refaçonner tout le Proche-Orient de façon favorable aux États-unis sont évanouis depuis longtemps. L'enjeu désormais consiste plus à gérer le désastre de la façon la moins calamiteuse possible.
Mais George W. Bush, qui a souvent fait preuve d'une confiance et d'un optimisme démesuré, confinant parfois a l'autisme stratégique, ne paraît pas encore faire son deuil d'une victoire possible. Le mois dernier, il a encore demandé à l'état-major, qui parlait d'un retrait progressif, de lui fournir une stratégie de victoire et non une stratégie de sortie. Dès lors, il pourrait être tenté, non pas de préparer la retraite en bon ordre de ses troupes, mais au contraire d'en augmenter le nombre de quelques milliers afin de permettre au gouvernement irakien d'asseoir sa crédibilité et son efficacité. Dans cette optique, des renforts supplémentaires permettraient une passation progressive des responsabilités entre Américains et Irakiens.
Le problème est que la plupart des experts militaires estiment qu'augmenter le nombre de soldats américains ne changerait rien au niveau de violence inter-irakienne d'une part, et anti-américaine d'autre part. Ils estiment qu'on ne ferait qu'augmenter le nombre de cibles et le rejet déjà très grand par les Irakiens d'une armée d'occupation. Le coup porté au moral de l'armée américaine, dont la plupart des membres ne songent qu'à sortir de ce bourbier, serait grand.
Le rapport Baker, qui estime que la situation en Irak est grave et se détériore, demande à George Bush de changer totalement de politique comme s'il avait jusqu'ici suivi une boussole qui indique le sud. Il propose de prendre langue avec l'Iran et la Syrie, d'en faire de même avec toutes les parties en Irak, à l'exception d'al Qaeda, et de s'occuper activement du dossier israélo-palestinien. Il suggère un retrait progressif d'Irak. Malheureusement, l'espoir de pouvoir mettre en place un gouvernement et des forces de sécurité irakiennes en ordre de marche s'avère de plus en plus illusoire. Le chaos semble si grand que l'on sait qu'il continuera si les Américains restent, mais qu'on ne sait pas comment et quand il prendra fin s'ils partent.
La guerre d'Irak, qui devait être le triomphe de George Bush, est en train de devenir son cauchemar. Il se transforme en désastre national et international pour les États-Unis. Bush peut-il être assez lucide pour l'admettre ? Ou ne va-t-il pas être tenté de poursuivre la même politique, non plus parce qu'il croit qu'elle peut réussir, mais parce qu'il ne veut pas admettre, tant qu'il est à la Maison-Blanche, qu'il est le responsable d'un tel désastre ? Il fera dès lors tout pour continuer à marteler ses convictions dans une victoire future, et essayer de faire porter le poids de la catastrophe sur le congrès, ou son successeur. Il n'est pas certain que le public américain suive, lui qui a déjà beaucoup donné en termes de confiance à Bush. Et il n'est pas certain que le congrès et les différents candidats démocrates ou républicains à l'investiture laissent faire. Il risque plutôt d'y avoir une surenchère antiguerre au congrès. L'exécution de Saddam qui a conclu 2006 ne sera pas suffisante pour que Bush passe une bonne année 2007.
Pascal Boniface
L'auteur est directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), à Paris.


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