Un chapeau de trop

Béton-tombe...


Les politiciens se sont plaints abondamment ces dernières années du cynisme dont ils sont l'objet et qui, il est vrai, avait atteint des sommets stratosphériques au plus fort du scandale des commandites. Si, depuis lors, la pression est quelque peu redescendue, il ne faut pas se méprendre pour autant. Le lien de confiance qui unit les hommes et les femmes politiques à la population demeure d'une grande fragilité. Ils doivent se méfier, d'abord d'eux-mêmes, ensuite des décisions qu'ils prennent.
Un exemple patent de cela est la constitution à la hâte de la commission d'enquête sur l'effondrement du viaduc de la Concorde à Laval. L'existence de conflits d'intérêts, certains réels, d'autres apparents, a d'entrée de jeu mis en cause la crédibilité de la commission en dépit de la qualité des individus en cause. Dommage, car les torts causés auraient pu être évités si le premier ministre Jean Charest avait confié cette enquête à un juge ou à un coroner.
Un autre exemple de même nature est ce double mandat de consultant confié à Pierre Lortie, un administrateur de haut vol qui intervient dans le dossier des deux centres hospitaliers universitaires de Montréal. Qu'il conseille le directeur exécutif de ces deux projets ne pose pas de problème puisqu'il a apparemment toutes les compétences pour le faire. Toutefois, cela devient délicat lorsqu'il agit au surplus, comme le révélait Le Devoir il y a quelques jours, en tant que consultant auprès de l'Agence des partenariats public-privé, pour sa part chargée d'évaluer si la réalisation de ces projets doit se faire en mode traditionnel ou en partenariat public-privé.
La présidente du Conseil du trésor, Monique Jérôme-Forget, refuse de voir là un conflit d'intérêts. Ce qui est en cause n'est pas la loyauté ou la compétence de M. Lortie mais bien le fait que celui-ci se retrouve à même de peser sur le choix du mode de réalisation de ces deux projets dans le sens que le gouvernement semble privilégier, soit le mode PPP. Celui-ci, c'est bien connu, est loin de faire l'unanimité au sein des organisations concernées.
L'intérêt public devrait ici consister à faire en sorte que la recommandation que fera l'Agence des PPP en décembre prochain ne puisse être l'objet de doutes et de remises en question. Il en va de la crédibilité de tous ceux qui sont associés au projet des deux superhôpitaux, à commencer par cette agence. Si elle recommande d'aller en PPP et que cela, en cours de route, se révèle un mauvais choix, on ne manquerait pas de mettre en cause l'objectivité de ses études préliminaires. Pour assurer que de tels doutes n'existent pas, la ministre devrait sans hésiter retirer à M. Lortie un de ses deux chapeaux, ne serait-ce que pour préserver les apparences. Depuis César, n'est-ce pas la règle qui doit prévaloir en matière de conflits d'intérêts ?

bdescoteaux@ledevoir.ca


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