On ne peut pas dire qu'on sait vraiment ce que pense André Boisclair. Chacune de ses déclarations depuis qu'il est chef du Parti québécois est soigneusement mesurée, question de ne pas trop se dévoiler. Si, au lendemain du congrès au leadership, il était compréhensible qu'il prenne garde de ne pas heurter les différentes factions de son parti, ce l'est moins maintenant. Les élections approchant, il ne peut pas maintenir ce silence radio.
Son commentaire de jeudi à propos de la démarche vers la souveraineté inscrite au programme du parti lors du congrès de juin 2005 peut être vu comme une première pierre qu'il pose. Même si, au cours de la campagne au leadership, il avait fait toutes les professions de foi envers ce programme «fantastique», on s'attendait à ce qu'il s'en distancie au nom des réalités politiques et électorales.
Dans l'esprit des militants présents à ce congrès, il était clair que le Parti québécois devait accélérer le pas et se mobiliser dès maintenant et en priorité sur l'objectif de la souveraineté. On s'était ainsi engagé à préparer, avant les prochaines élections, des politiques nationales, un plan de transition vers l'indépendance et un projet de constitution. Quant à la souveraineté, on en faisait l'enjeu principal des prochaines élections, qui serviraient alors de répétition générale au référendum qui suivrait le plus tôt possible après la victoire électorale.
Les militants péquistes pourront difficilement reprocher à leur chef de laisser tomber la partie préélectorale de cette démarche dans la mesure où rien n'a encore été fait et qu'il y a plus urgent maintenant qu'on est à quelques semaines ou à quelques mois des prochaines élections. Néanmoins, ils reçoivent les nuances qu'apporte leur chef avec une certaine inquiétude, se demandant quelle place il fera à la souveraineté dans le débat électoral. Quand il leur dit que l'important est de parler du pourquoi de la souveraineté plutôt que du comment et du quand, ils commencent à comprendre que leur chef veut les emmener là où ils ne voulaient justement pas aller.
Comme tous les chefs qui l'ont précédé, André Boisclair est l'objet d'une surveillance étroite de la part de l'aile la plus militante du parti. Contrairement à Bernard Landry et Lucien Bouchard, il a cependant la chance d'avoir été élu au suffrage universel. Cela lui donne une légitimité que ceux-ci n'avaient pas et la liberté d'interpréter le programme du parti. Il aura raison de faire des prochaines élections un véritable scrutin électoral et non un référendum qui ne dit pas son nom. Un scrutin est fait d'abord pour choisir un gouvernement qui sera composé de gens qui ont une certaine vision de l'avenir et qui ont des projets.
À ses militants comme à l'ensemble des Québécois, André Boisclair se doit de parler clairement. C'est la contrepartie de cette liberté. Sa responsabilité de chef consiste à faire des choix et de les soumettre aux électeurs. Pour l'instant, on ne peut que constater qu'il entretient des ambiguïtés qui ne servent pas le débat public. Il y aura bientôt un an qu'il est chef. Il serait de temps qu'il quitte la langue de bois derrière laquelle il se réfugie si aisément et qu'il dise où il loge.
bdescoteaux@ledevoir.ca
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