(Québec) Le gouvernement Marois aura à s'aventurer sur un terrain glissant avec le projet d'oléoduc du géant albertain TransCanada, estiment des spécialistes des questions énergétiques.
«Politiquement, ça va être difficile à gérer. Il n'y a pas beaucoup de gains politiques québécois à faire», croit Pierre-Olivier Pineau, professeur titulaire aux HEC de Montréal.
L'expert des politiques énergétiques soutient que le passage de ce nouvel oléoduc au Québec présente bien peu de bénéfices pour la province. Au mieux, un peu de vigueur à l'emploi dans la construction, qui se porte déjà bien. «Pour l'économie québécoise, ce n'est certainement pas un élément majeur», dit-il.
À son avis, les risques associés au transport du pétrole, bien qu'ils soient réduits par oléoduc, favoriseront une levée de boucliers contre les visées de TransCanada. «Quand on regarde la mobilisation des gaz de schiste, qui a été très forte, et qu'on parle d'un nouvel oléoduc et de sables bitumineux, ceux qui ne sont pas réticents ne sont pas ceux qui se mobilisent. Ceux qui se mobilisent sont par contre très vocaux, très réticents», remarque M. Pineau.
C'est dans ce contexte que de «dérouler le tapis rouge» à l'industrie pétrolière albertaine paraîtrait bien mal pour le gouvernement de Pauline Marois, analyse-t-il.
«Pour un gouvernement péquiste, dire qu'il faut collaborer à la richesse albertaine pour avoir de la péréquation au Québec, c'est comme admettre notre position d'infériorité. [...] Ça m'étonnerait que Pauline Marois aille dans ce genre d'argumentaire», avance-t-il.
Pierre-Olivier Pineau prédit d'ailleurs que le gouvernement du Québec se comportera sensiblement comme celui de la Colombie-Britannique, qui a posé ses conditions au projet d'oléoduc Northern Gateway de la compagnie Enbridge sur son territoire.
Pour éviter une opposition populaire qu'il prévoit «très forte», le professeur Pineau conseille à la première ministre de jouer le jeu de la lutte aux changements climatiques.
«On est les seuls au Canada à avoir un marché du carbone, ce serait bien que le Canada ait une politique climatique un peu plus rigoureuse et agressive. Pauline Marois pourrait dire : "On n'est pas contre les hydrocarbures, mais nous, au Québec, on tient beaucoup à la réduction des gaz à effet de serre. On est prêts à accepter votre pipeline si vous montrez que vous faites un pas vers une politique climatique qui a plus de sens et que le Québec ne soit pas isolé avec son marché du carbone"», expose-t-il.
«Sur la même longueur d'onde»
Le professeur en économie à l'Université Laval Patrick Gonzalez est pour sa part «persuadé qu'ils [TransCanada] ont donné un coup de fil au gouvernement du Québec et qu'ils sont sur la même longueur d'onde». Selon lui, Pauline Marois «a en tête un Québec économique fort et elle voit bien que les raffineries, ce sont de gros morceaux». Les raffineries Suncor et Ultramar auront tout avantage à voir un oléoduc transiter par leurs installations, rappelle-t-il, puisque le pétrole albertain se détaille à meilleur prix.
M. Gonzalez pense donc que le gouvernement Marois tiendra compte des doléances des raffineries au même titre qu'il écoutera les préoccupations environnementales. Car si le Québec est un modèle en environnement, il est aussi un chef de file de l'industrie pétrochimique, souligne-t-il. «Le gouvernement aurait avantage à mettre les choses au clair pour éviter que le débat dérape comme pour les gaz de schiste», conclut Patrick Gonzalez
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