Le drapeau turc flotte désormais sur Afrine : après quasiment deux mois d’offensive, la Turquie et ses alliés syriens ont rempli un objectif majeur en chassant de cette ville du nord-ouest de la Syrie la milice kurde qu’Ankara considère comme « terroriste ».
La Turquie a lancé le 20 janvier une opération militaire en territoire syrien dans le but de déloger de l’enclave d’Afrine les Unités de protection du peuple (YPG), qu’elle voit comme une menace à ses frontières. Mais les YPG ont aussi été un précieux allié de la coalition internationale emmenée par Washington dans la lutte contre les djihadistes du groupe État islamique (EI).
Ces derniers jours, l’avancée des forces turques et de leurs alliés rebelles syriens vers la ville d’Afrine a entraîné un exode massif de civils, à l’image de celui également en cours sur un autre front syrien, dans la Ghouta orientale, près de Damas, où le régime combat des groupes rebelles.
Dimanche, quelques heures après leur entrée dans Afrine quasiment sans le moindre combat, combattants syriens et soldats turcs se sont déployés dans l’ensemble des quartiers, tirant en l’air et paradant pour célébrer leur victoire, ont rapporté des correspondants de l’AFP.
Perchés sur le balcon d’un bâtiment public, des soldats ont fièrement brandi le drapeau turc. Plus loin, des rebelles syriens se sont rassemblés au pied d’une statue d’une figure historique de la résistance kurde, déboulonnée.
« Des unités des Forces syriennes libres, qui sont soutenues par les forces armées turques, ont pris le contrôle total du centre-ville d’Afrine ce matin à 08H30 » (01H30 au Québec), avait auparavant annoncé triomphalement le président turc, Recep Tayyip Erdogan.
Un « grand nombre » des combattants kurdes ont « fui la queue entre les jambes », avait-il ajouté.
Pas de combattants kurdes visibles
« Notre travail n’est pas fini […]. Mais les terroristes sont finis à Afrine », a renchéri le porte-parole du gouvernement turc, Bekir Bozdag.
À la mi-journée, aucun combattant des YPG n’était visible dans la ville d’Afrine, où se trouvaient seulement quelques civils, a constaté un correspondant de l’AFP.
Dimanche matin, l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) a indiqué que plus de 1500 combattants kurdes ont été tués, ainsi que 400 rebelles alliés à la Turquie, depuis le début de l’offensive sur l’enclave d’Afrine, où les YPG contrôlent encore quelques poches de territoires.
L’armée turque a de son côté fait état de 46 soldats tués et 225 blessés dans ses rangs.
Avec le quasi-encerclement de la ville, les bombardements aériens et les tirs d’artillerie se sont intensifiés ces derniers jours. Ils ont provoqué la mort de dizaines de civils vendredi et samedi, dont 16 dans une frappe contre le principal hôpital d’Afrine, selon l’OSDH, qui dispose d’un vaste réseau de sources dans le pays.
La Turquie nie viser la population, et a démenti la frappe sur l’hôpital. Mais l’OSDH évalue à plus de 280 le nombre de civils tués depuis le début de l’offensive d’Ankara.
Échappant à l’avancée des forces turques, près de 250 000 personnes ont quitté depuis mercredi soir la ville d’Afrine, empruntant un couloir dans le sud de la cité menant vers des territoires tenus par les Kurdes ou le régime syrien, a indiqué l’OSDH.
D’après cette ONG, il ne resterait que quelques milliers d’habitants dans la ville même.
Entré dans sa huitième année, le conflit syrien implique aujourd’hui plusieurs acteurs régionaux et puissances internationales sur un territoire morcelé. Cette guerre complexe a tué plus de 350 000 personnes depuis 2011 et jeté des millions sur la route de l’exil.
L'état de la Ghouta
Sur un autre front de cette guerre, un second exode massif de civils est ainsi en cours, dans la Ghouta orientale, où l’enclave rebelle assiégée depuis 2013 se réduit comme peau de chagrin face à l’avancée du régime.
« Des milliers de civils » continuent de fuir la poche sud tenue par le groupe rebelle Faylaq al-Rahmane, en direction des territoires gouvernementaux, tandis qu’une accalmie est observée, selon l’OSDH, après plusieurs jours de raids aériens meurtriers.
« Il n’y a pas eu de raids aériens [dimanche], seuls quelques obus sont tombés sur la localité d’Aïn Tarma », a dit le directeur de l’ONG, Rami Abdel Rahmane.
D’après lui, « le secteur attend l’annonce d’un accord entre Faylaq al-Rahmane et la Russie, concernant l’évacuation des rebelles vers le nord de la Syrie ».
Le porte-parole du groupe rebelle, Wael Olwan, a fait état de « pourparlers » avec une délégation de l’ONU, assurant que « des préparatifs sont en cours pour la tenue de négociations sérieuses garantissant la sécurité et la protection des civils ».
Après un mois d’offensive, l’enclave rebelle est désormais scindée en trois. L’avancée du régime, qui contrôle désormais plus de 80 % de cet ultime fief insurgé aux portes de Damas, s’est faite au prix d’un lourd bilan humain : selon l’OSDH, les bombardements ont tué au moins 1400 civils, dont 274 enfants.