Syrie : la désinformation à jet continu

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L'envers de la médaille

L'atroce guerre civile de Syrie restera dans les annales comme un grand classique de la désinformation. Quatre ans après le déclenchement d’un conflit qui a déjà fait près de trois cent mille victimes et jeté sur les routes amères et dangereuses de l’exil le tiers de la population du pays, la très grande majorité des médias et des dirigeants occidentaux, persistant dans l’erreur et le mensonge, pour ne pas reconnaître qu’ils se sont et qu’ils nous ont grossièrement trompés, pour se donner des raisons de ne pas intervenir, parce qu’ils sont liés par des alliances et des intérêts peu avouables, s’obstinent à faire comme s’il y avait d’un côté une dictature impitoyable et de l’autre d’irréprochables démocrates.
Comme s’il y avait d’un côté une police et une soldatesques brutales et même criminelles, de l’autre un peuple unanime et désarmé. Comme s’il y avait d’un côté de très vilains messieurs et de l’autre de très blanches colombes, Comme s’il fallait à tout prix aider politiquement, moralement, financièrement et matériellement la rébellion et abattre Bachar el-Assad.
La vérité est que les principaux acteurs du drame sont aujourd’hui d’une part un régime dont il serait absurde de nier les fautes, les vices et les crimes mais qui, malgré tout, se rattache à la modernité, à la civilisation, à la communauté humaine, et d’autre part des barbares que ne distingue des animaux féroces qu’une plus grande cruauté. Tandis que la Russie, l’Iran et le Hezbollah portent à bout de bras un gouvernement qui, sans leur assistance, aurait déjà disparu, les États-Unis, leurs satellites européens, la Turquie et les monarchies du Golfe sont, sur le front syrien, les alliés objectifs et, pour certains, actifs de l’Armée de la Reconquête et de l’État islamique, c’est-à-dire de nos pires ennemis. Et la presse qui, par suivisme, leur emboîte le pas nous raconte jour après jour l’histoire à sa façon.
Le bombardement aveugle, il y a quelques jours, de la ville de Douma par l’aviation syrienne, et ses quatre-vingt-seize victimes, presque toutes civiles, ont suscité une traînée d’indignation qui a parcouru le monde entier. Laurent Fabius, chez nous, Ban Ki-moon, à New York, ont condamné sans réserve ce crime de guerre. Pourquoi ni l’un ni l’autre ni nos médias n’ont-ils signalé que ce bombardement était une réplique à des tirs de mortiers qui, venant de Douma, avaient fait la veille treize victimes, presque toutes civiles ? Pourquoi n’ont-ils pas tenu compte du fait que Douma, tenue depuis deux ans par la rébellion, est considérée par les gouvernementaux comme un territoire ennemi, de la même manière que Damas, fidèle au régime, est tenue par les rebelles pour un objectif militaire ? Pourquoi n’ont-ils pas souligné que si les rebelles ne recourent pas aux bombardements aériens, ce n’est pas parce qu’ils les réprouvent, mais parce qu’ils n’ont pas – pas encore ? – d’aviation ? Pourquoi ne s’avisent-ils pas que si l’attaque rebelle n’a pas été plus meurtrière, ce n’est pas par ménagement de la cible visée, par je ne sais quel scrupule d’humanité, mais par défaut ? Pourquoi ne nous dit-on pas que les derniers villages chiites fidèles à Bachar dans une zone conquise par Daech font l’objet d’un pilonnage systématique de roquettes qui ne fait pas la distinction entre l’enfant au berceau et le combattant ?
Il y a deux ans, l’utilisation par les forces loyalistes de gaz sarin avait entraîné condamnation unanime, inspection internationale, démantèlement de l’arsenal chimique de Bachar. Ayant mis la main sur des stocks de chlore ou étant parvenu à fabriquer un mélange mortel, l’État islamique a lancé une attaque au gaz contre les lignes kurdes. L’ONU compte-t-elle dépêcher des inspecteurs en territoire tenu par Daech ? Ce serait têtes perdues.
Il y a trois jours, les portes des geôles de Bachar el-Assad se sont ouvertes devant le plus actif des défenseurs syriens des droits de l’homme, Mazen Darwich, libéré après deux ans d’une détention que l’on devine terrible. Au même moment, à Palmyre, le gang des barbares décapitait Khaled Aassad, reconnu coupable d’humanisme, de culture et de courage. Le geste de clémence du régime a-t-il eu l’écho qu’il méritait ? Nos médias seraient-ils définitivement incapables de faire la différence ? A-t-on déjà vu un otage sortir vivant des griffes du califat ?


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