Commentaire de Vigile:
Le Québec à hue et à dia
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Fatima Houda-Pepin, libérale convaincue, ne voulait pas parler de la Charte de la laïcité du gouvernement Marois. Pourtant, avec sa sortie, elle touche au coeur du débat, où les prises de position transcendent les repères politiques traditionnels. Ce qui est en cause c’est le Québec de demain, celui qu’un Philippe Couillard est incapable d’envisager parce qu’aveugle, comme tant d’autres, à l’évolution des dernières années.
On imagine le courage qu’il a fallu à Fatima Houda-Pepin pour dénoncer publiquement les propos de son collègue Marc Tanguay, et par ricochet de son chef Philippe Couillard, sur le tchador. Le Parti libéral du Québec, depuis belle lurette, n’est plus un parti où les dissidences s’expriment, et Mme Houda-Pepin n’y a jamais joué les rebelles. Mais sans doute ce courage était-il mâtiné d’exaspération devant la grande banalisation à laquelle le Québec, pétri de l’approche libérale anglo-saxonne, ramène les signes intégristes.
Le chef libéral, vendredi, balayait du revers de la main les craintes de sa députée, certes musulmane, mais surtout grande spécialiste, et grande dénonciatrice, de l’intégrisme islamiste dont elle suit les traces au Québec depuis les années 1980. Pour M. Couillard, le port du tchador est un « problème artificiel créé de toutes pièces » par le projet de charte du gouvernement Marois. Il a ajouté qu’avoir une candidate libérale ainsi vêtue « ne peut pas arriver en pratique », d’abord parce que les femmes qui portent le tchador vivent aussi en retrait de la vie publique, ensuite parce que lui, comme chef, ne l’accepterait pas.
Passons outre que M. Couillard se montrait favorable au tchador il y a encore quelques jours, notons simplement le fait qu’il ne sera pas chef éternellement. Mais là n’est pas le plus important : ce qui compte, c’est la réaction maintes fois entendue dès la commission Bouchard-Taylor et qui se répète maintenant ad nauseam, ce « calmons-nous, ça n’arrivera pas, vous exagérez » et autres « franchement ! ».
Et pourtant, quand la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse avait rendu un avis sur le port du foulard à l’école en 1995, première fois qu’au Québec, on se penchait sur la question, l’affaire concernait 70 adolescentes. Que c’était là phénomène marginal, nous disait-on ! Qu’il suffisait d’être compréhensif, qu’à force le foulard tomberait de lui-même… Voire ! À Montréal, le foulard est maintenant partout, si banalisé qu’on ne s’indigne même pas de le voir sur la tête d’enfants prépubères. En fait à moins de niqab, tout est accepté — et le tour de celui-ci viendra bien puisqu’on en croise de plus en plus à Montréal. Résultat : ce sont ceux qui veulent encadrer, au sein de l’État, le port de symboles religieux qui marquent la stigmatisation des femmes qui se font taxer de discrimination. M. Couillard a encore été implacable à ce sujet vendredi.
À ce rythme, une candidate avec un tchador relève-t-elle donc vraiment de l’impensable ? Non. D’ailleurs, si Mme Houda-Pepin ne s’était pas élevée contre les propos de son collègue, l’acceptation serait déjà intellectuellement faite. Plus concrètement, et le parallèle s’impose, qui aurait cru que des Montréalais éliraient un jour comme conseillère municipale une femme qui, en tant que juive hassidique, refuse de serrer la main des hommes ? Par un curieux revers, cette élection devient un symbole d’ouverture, et tant pis pour la quête, si avancée et si précieuse au Québec, d’un rapport égalitaire entre les hommes et les femmes…
C’est de cette banalisation que nous cause la Charte, et il n’y a rien d’artificiel, ou de partisan, dans les questionnements qu’elle soulève. C’est pourquoi Mme Houda-Pepin, comme nous l’avions aussi écrit pour Maria Mourani au sein du Bloc, devrait pouvoir rester au sein du caucus libéral. Pour discuter à fond.
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