Selfie Jesus

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Une crèche libérale-libertaire qui fait l'apologie de la société de consommation

Une des crèches exposées à l’oratoire Saint-Joseph fait considérablement parler d’elle. Elle montre Joseph (faisant le « V » de la victoire) et Marie (un café à la main) prenant un égoportrait avec Jésus. On voit également les trois rois mages déguisés en livreurs de colis Amazon, avec tablette électronique et gyropodes.


Je le dirai d’emblée : ça m’irrite. Mais pas pour les raisons auxquelles on pourrait penser.


Avant de poursuivre, je rappellerai une chose que je répète à l’occasion : le droit de critiquer, de détester ou de ridiculiser une, plusieurs ou la totalité des religions (et leurs symboles) est fondamentale. C’est valable pour les caricatures de Mahomet réalisées par Charlie Hebdo comme ça l’est pour la manière dont le Christ est dépeint dans l’émission South Park. C’est donc aussi valable pour cette crèche.


Le problème n’est pas là.


La direction de l’oratoire a beau affirmer que ce n’est que « pour faire sourire », il y a bel et bien une prétention anticonformiste dans cette œuvre.


Encore là, aucun problème en soi. L’art se nourrit bien souvent de ce qui est irrévérencieux, et certaines œuvres trouvent leur beauté dans le fait qu’elles ne craignent pas d’ébranler les conventions.


Qui plus est, historiquement, démolir les symboles sacrés d’une époque où les peuples se sentaient dominés était une expression particulière de libération. Nous n’avons pas particulièrement respecté (à tort ou à raison) les symboles catholiques quand nous avons retiré à l’institution cléricale le contrôle de certains services publics.


En revanche, en ce qui concerne la crèche dont il est question, il est profondément irritant qu’on présente les selfies et le commerce numérique comme des pratiques anticonformistes, alors qu’ils sont en réalité les expressions les plus claires du système dans lequel nous vivons.


Sous couvert d’anticonformisme, rien n’est plus conformiste que la rébellion commerciale. On se révolte, mais sans porter de cause particulière. Une rébellion qui se prétend irrévérencieuse, mais qui est en fin de compte totalement insignifiante.


On ne se libère pas du système par ce qui est exposé dans cette crèche, on s’y intègre encore plus. Vous n’allez pas à contre-courant, vous êtes un mouton.


Mais si le but était de symboliser que nous avons affaire à une nouvelle religion, alors, dans ce cas, c’est plutôt réussi.



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Simon-Pierre Savard-Tremblay179 articles

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Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).