Notre gouvernement ne s’étonne pas de la vente de Rona à Lowe’s et essaie de nous faire croire que tout cela s’inscrit simplement dans la logique purement rationnelle de l’ouverture des marchés et que cela ne changera rien aux emplois et aux liens entre l’entreprise et les fournisseurs québécois. Comme si l’économie n’était qu’affaire de gros sous et que, par exemple, les liens de confiance et les habitudes entre acheteurs et fournisseurs américains de Lowe’s, profitant des économies d’échelle intéressantes du grand marché américain, n’auraient rien à y faire dans ces fusions.
Si c’était le cas, il faudrait expliquer pourquoi l’entreprise achète Rona si rien ne change après la transaction. D’ailleurs, en raisonnant ainsi, il faudrait aussi expliquer pourquoi à peu près toutes les multinationales américaines sont dirigées par des Américains ; alors que la simple logique devrait faire en sorte que plusieurs d’entre elles auraient dû relever depuis longtemps des meilleurs dirigeants provenant de n’importe quelle filiale dans le monde. Puisque, statistiquement parlant, il n’y a aucune raison que ces dirigeants américains soient toujours les meilleurs.
Par exemple, dans la protection des emplois et des sièges sociaux, on avait dit la même chose au moment de la vente de Provigo à Loblaw. Dans ce cas, les belles promesses de maintenir les liens avec les fournisseurs québécois, même écrites dans ce cas, si je ne me trompe pas, n’ont même pas tenu deux ans. Et trop de supposés sièges sociaux, comme on l’a vu avec la Banque de Montréal, sont devenus des coquilles plus ou moins vides ou se sont rapidement limités à une gestion régionale.
Dollar et pétrole
Dans le cas de Rona, la vente, pour les trois quarts de l’augmentation du prix de l’action, s’explique par la dépréciation de dollar canadien. Cette dépréciation permettra aux fournisseurs québécois de conserver leurs ventes, jusqu’au moment où la crise du pétrole prendra fin et que le cycle des prix des matières premières remontera. Ainsi, Duchesne et fils, de Yamachiche, qui expliquait à la télévision qu’il voyait cela d’un très bon oeil, déchantera dans quatre ou cinq ans quand leurs prix et la proximité de magasins seront aux prises avec la distribution du bois d’oeuvre des grandes scieries de la Colombie-Britannique et, rapidement, des États-Unis, qui apporteront en même temps vis et clous avec marteaux et égoïnes chinoises ou indiennes. Puisque les grands acheteurs seront évidemment américains et qu’ils protégeront leurs contacts et leurs logiques d’achats.
En fait, toute cette façon de simplifier les problèmes du gouvernement Couillard relève de leur esprit de colonisé qui pense qu’être de plus en plus dépendant des Américains nous permettra d’atteindre leur niveau de productivité et leur niveau de vie ; la question du pouvoir et de contrôle n’ayant rien à faire en économie. À quand la prochaine vente, SNC-Lavalin toujours sous surveillance, Bombardier en difficulté et même Québecor s’il ne tient qu’à lui ? Ce qui explique son désir de compter continuellement sur les investissements étrangers pour stimuler notre économie et créer des emplois, comme le premier ministre l’a encore rappelé durant son dernier voyage à Davos.
> Lire la suite de l'article sur Le Devoir
IDÉES – RONA
Rester colonisé
On peut rester colonisé... ou devenir indépendant !
Pierre-André Julien9 articles
Professeur émérite, Institut de recherche sur les PME, Université du Québec à Trois-Rivières
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé