La pauvreté a diminué au Québec, nous disent les statistiques, du moins jusqu'à ce que la récession frappe. Compte tenu de la conjoncture et des difficultés budgétaires des gouvernements, il faut rester vigilants pour éviter que l'écart entre les riches et les pauvres ne s'élargisse.
Une étude publiée cette semaine par l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS), qui se définit comme «indépendant et progressiste», nous apprend que les familles québécoises avec des enfants doivent travailler plus de semaines dans une année pour gagner des revenus équivalant à ceux de la génération qui les a précédées. L'observation vaut pour la majorité des familles, à l'exception notoire des 10 % mieux nanties qui ont pu réduire leur temps de travail tout en gagnant plus d'argent.
Puisque nous parlons ici de familles et non de particuliers, on ne peut pas en conclure que tous les individus travaillent davantage, mais on ne risque pas trop de se tromper en disant que, dans la plupart des couples d'aujourd'hui, les deux conjoints occupent un emploi, ce qui explique que les familles travaillent 14 semaines de plus par année en moyenne.
C'est dans la classe moyenne que le nombre de semaines travaillées a le plus augmenté, soit trois fois plus que dans les classes aisées. Cela leur a permis d'améliorer leurs revenus, certes, mais dans une proportion moindre que l'accroissement des heures travaillées. L'ancien premier ministre, Lucien Bouchard, doit s'en réjouir, mais il lui reste à convaincre ses amis des classes plus aisées d'en faire autant!
Les données analysées par l'IRIS nous apprennent aussi que de 1976 à 2006, la classe moyenne — qu'on peut définir arbitrairement en ciblant les 40 % de familles du milieu de l'échelle — a vu l'éventail de revenus des familles qui la composent s'étirer vers le haut et vers le bas. La bonne nouvelle, c'est que les revenus de la classe moyenne supérieure sont aujourd'hui plus élevés que ceux de la même catégorie il y a 30 ans; la moins bonne, c'est que ceux de la classe moyenne inférieure sont aujourd'hui plus bas qu'en 1976.
C'est dire que l'écart entre riches et pauvres s'est accentué. D'où le rôle fondamental que doivent jouer les politiques publiques pour réduire cet écart, que ce soit l'impôt ou les crédits à l'enfance. Alors que le marché a permis aux plus hauts revenus d'accaparer la plus grande partie des gains bruts de la croissance entre 1976 et 2006, l'ensemble des mesures fiscales a fait en sorte de maintenir un rapport à peu près constant entre les classes au Québec, contrairement au reste du pays.
Cette analyse de l'IRIS, qui mériterait d'être complétée par plusieurs autres études plus détaillées touchant le sort des personnes seules, par exemple, nous rappelle l'importance de maintenir un régime fiscal progressif pour contrebalancer un marché qui rapporte d'abord à ceux qui ont déjà les moyens de très bien vivre. C'est aussi pourquoi on peut déplorer une fois de plus les mesures du dernier budget Bachand, dont la contribution santé qui obligera chaque adulte qui gagne plus de 14 000 $ à verser 200 $ par année pour financer la santé. Compte tenu de l'évolution inégale des revenus du marché, Québec doit faire amende honorable et trouver ailleurs l'argent nécessaire.
***
j-rsansfacon@ledevoir.com
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé