On apprenait la semaine passée que le gouvernement a rencontré le Mouvement Démocratie Nouvelle (MDN) afin d’entamer le processus de réforme du mode de scrutin. Est-ce que cette fois-ci sera la bonne? Je l’espère et y croit plus que jamais, malgré mes doutes persistants, parce que pour une fois le gouvernement semble vouloir mettre à contribution la société civile.
En rencontrant le MDN, organisation non partisane qui rassemble depuis 1999 les forces vives de cette société civile, la ministre Responsable des Institutions démocratiques, Sonia Lebel, et son adjoint parlementaire, Benoit Charette, posent les premiers pas en ce sens : bravo !
Le MDN : un allié indispensable
Le Mouvement Démocratie Nouvelle (MDN) est un allié indispensable du gouvernement dans ce dossier. Depuis près de 20 ans, l’organisme indépendant documente, informe et sensibilise les Québécois-e-s à l’importance de réformer notre mode de scrutin.
Plus récemment, le MDN est à l’origine de l’entente que les chefs et porte-parole de la CAQ, du PQ, de Québec solidaire et du PVQ ont signé le 9 mai 2018 pour réformer le mode de scrutin.
Cette entente a été rendue possible à cause du travail incessant et de la crédibilité du MDN. Ce dernier a réussi le tour de force d’assoir ensemble au printemps 2016 et à l’automne 2017 des représentants des partis politiques pour trouver des solutions. Parallèlement, le MDN réunissaient aussi des acteurs de la société civile.
Comme si ce n’était pas assez, le MDN a organisé par la suite une tournée de forums citoyens dans six villes du Québec. Des représentants de chacun des quatre partis signataires ont accompagné les co-président-e-s de la tournée, M. Jean-Pierre Kingsley, ex-Directeur des élections au Canada (1990-2007), et Mireille Tremblay, présidente de l’Observatoire québécois sur la démocratie.
Elles et ils ont produit un rapport complet qui fait état du large consensusqui existe en faveur d’un « mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire avec compensation nationale et distribution régionale », suite aux consultations des citoyen-ne-s.
Au-delà de la partisanerie
Il est commun de dire que la réforme du mode de scrutin ne s’est jamais réalisée parce que chaque parti qui a accédé au gouvernement avec le système électoral actuel n’a pas intérêt à le changer une fois au pouvoir.
C’est vrai mais pas immuable.
La fin du bipartisme au Québec change la donne. Quatre principaux partis se divisent maintenant les sièges de député-e-s, au lieu de deux comme on avait toujours connu avant les années 1990.
Les chances que le gouvernement soit minoritaire augmentent ainsi. Ça force à changer les façons de faire de la politique.
Le cynisme de la population à l’égard de la politique justement, mais en même temps sa volonté de voir les partis collaborer pour le bien commun au lieu de se chamailler continuellement pour la clip du jour dans les médias, mettent également de la pression sur ces partis.
C’est de l’exercice même de la démocratie dont il est question ici. Du résultat bien concret que donne le geste qu’on pose à tous les quatre ans en allant voter.
On est donc en droit d’exiger des partis politiques qu’ils aillent au-delà de la partisanerie habituelle dans le dossier de la réforme du mode de scrutin.
Que cette fois-ci, au lieu de chercher les « bibittes » qui vont leur fournir une raison de se désister, ils travaillent à chercher ce qui est bon pour la démocratie, et non pour eux.
On ne peut plus accepter des partis politiques qu’ils se défilent en prétextant qu’il n’existe pas de consensus parmi eux. On s’en fout à la limite qu’il n’y ait pas de consensus parmi les partis : c’est même dans l’ordre des choses en fait.
Le consensus dont on a besoin existe déjà. Comme je l’écrivais lors de la dernière campagne électorale, « dès le début des années 2000, lors de la plus grande consultation jamais tenue sur le sujet, près de 90% des intervenants qui ont participé aux travaux des États généraux sur la réforme de nos institutions démocratiques étaient en faveur d’une telle réforme. »
Faire différemment
Cette fois-ci, l’idée d’une réforme du mode de scrutin bénéficie de l’appui de trois des quatre partis représentés à l’Assemblée nationale. Le parti au pouvoir s’est engagé à déposer un projet de loi en ce sens d’ici le 1er octobre 2019.
Mais pour éviter que la réforme soit encore un échec, le gouvernement doit faire différemment cette fois-ci.
Pourquoi ne pas poursuivre le travail de collaboration qui a mené à l’entente de mai 2018? Travailler différemment, en mettant à contribution la société civile certes, mais aussi les partis d’opposition qui le veulent bien.
Pourquoi ne pas confier le mandat au MDN de coordonner les travaux qui mèneront à ce fameux projet de loi, en y associant tout le monde intéressé, comme le MDN le fait si bien depuis presque 20 ans?
Pourquoi est-ce que le projet de loi instituant un nouveau mode de scrutin en 2022 ne serait-il pas l’aboutissement de ces travaux consensuels et rassembleurs, au lieu d’être le point de départ de chicanes partisanes et d’intérêts particuliers, comme on en a l’habitude avec le processus parlementaire traditionnel?
Si la nomination de Benoit Charette a été une première bonne nouvelle dans ce dossier, la décision de celui-ci de s’associer au MDN pour mener à terme son mandat serait assurément la cerise sur le sundae.
Imaginez quand on sera rendu à manger le sundae !