Hier soir à l’émission « Y’a du monde à messe », Françoise David a exprimé le souhait que le mode de scrutin soit réformé afin que les politicien-ne-s apprennent à travailler ensemble.
Citant l’exemple de la dernière élection en Ontario, l’ex-porte-parole de Québec solidaire a rappelé que les Conservateurs de Doug Ford l’ont remporté récemment avec seulement 40% du vote.
Comme c’est le cas au Québec depuis des décennies, nos gouvernements sont élus avec une minorité des voix. À deux occasions même, en 1944 (UN) et 1998 (PQ), un parti a été porté au pouvoir avec moins de votes que le parti confiné 4 ans dans l’opposition.
Cette élection-ci doit être la dernière à se dérouler avec ce mode de scrutin dépassé, que René Lévesque a déjà qualifié de « démocratiquement infect ».
Refléter l’expression populaire
Avec un mode de scrutin mixte, qui permettrait d’élire 60% de député-e-s de circonscriptions (comme actuellement) et 40% de député-e-s régionaux (choisis sur des listes fournies par les partis), ça permettrait de composer une Assemblée nationale passablement différente. Mais qui correspondrait à l’expression du vote populaire, soit représentative de la diversité des opinions politiques des Québécois-e-s.
En d’autres mots, un mode de scrutin mixte compensatoire permettrait l’élection d’un nombre de député-e-s équivalent au pourcentage de votes obtenus par les différents partis politiques.
Des politiciens au service du peuple
Bien sûr que ça donnera plus souvent des gouvernements minoritaires. Et puis? Tant mieux, aurais-je envie de dire plutôt. C’est entre autres de cette façon que les partis politiques seront forcés de travailler ensemble.
Et ça se peut. C’est possible de changer la façon de faire de la politique. Françoise David rappelait hier à ce sujet le discours prononcé par les femmes députées de tous les partis, le 4 décembre 2014 à l’occasion du triste 25ième anniversaire de la tuerie de Polytechnique. Rarement a-t-on vu une telle solidarité à l’Assemblée nationale.
Pour une rare fois, les député-e-s et leurs partis ont mis de côté la partisannerie pour travailler au bénéfice du peuple. C’est ce que demande le peuple par ailleurs. La partisannerie est une des causes de son cynisme à l’égard de la politique aujourd'hui.
Et si l’avènement de gouvernements minoritaires forçait le travail en coalition, conduisait les député-e-s à faire des compromis plus souvent, voire même à mener les affaires de l’État comme ça été le cas avec la Loi sur les soins de fins de vie, quand tous les partis ont mis de côté leurs propres intérêts pour implanter un cadre légal qui répondait aux intérêts de toutes celles et tous ceux concernés cet enjeu.
L’élection de 2022, la bonne cette fois-ci?
Plus que jamais, nous serions près de voir une réforme du mode de scrutin. En théorie du moins, si on se fie à l'appui de QS, du PQ et de la CAQ qui sont d’accord pour entreprendre, rapidement après l’élection du 1er octobre, les travaux menant à une telle réforme. En 2022, l’élection se déroulerait avec un nouveau mode de scrutin.
Mais est-ce que le parti qui prendra le pouvoir le 1er octobre prochain osera le faire en pratique? En tout cas, si c’est QS je n’ai pas de doute. Manon Massé l’a dit haut et fort encore au débat de l’INM avec les jeunes.
Même si à cette occasion les chefs du PQ et de la CAQ se sont levés pour signifier leur appui à la co-porte-parole de QS, permettez-moi des doutes malheureusement.
Le PQ a eu cet engagement dans son programme pendant des années, sans le réaliser. Malgré des années de pouvoir. René Lévesque a même été empêché par son propre caucus de procéder.
Et que dire de la CAQ qui était sur les talons tout au long des travaux du Mouvement pour une démocratie nouvelle, à l’origine de l’accord des trois partis et travaux auxquels j’ai participé. J'aurais aimé sentir l'entousiasme de la CAQ, mais ce n'était pas le cas. Elle appuyait que du bout des lèvres le projet de réforme tel que discuté à ce moment.
François Legault va-t-il « choké », comme ses prédécesseurs, s’il est élu Premier ministre avec l’aide du mode de scrutin actuel?
De trois à cinq députés pour chaque citoyen
À chaque fois qu’un gouvernement a osé lancer le débat, le lobby municipal et régional a réussi à le convaincre de maintenir le statu quo, de peur de perdre son influence auprès des décideurs politiques. Comme si l’important était de préserver les « canaux de communication » déjà établis par les maires et préfets auprès des député-e-s avec le système actuel.
Au contraire, l’important c’est de s’assurer de la « représentation effective » de la population à l’Assemblée nationale. Cela veut dire simplement que la composition de l’Assemblée nationale doit refléter le vote populaire et que la population doit avoir accès à ses représentants.
Le peuple ne sera pas moins représenté à l’Assemblée nationale avec un mode de scrutin mixte compensatoire, commel'ont conclu dans une entente les trois partis représentés à l'Assemblée nationale et le Parti vert du Québec en mai dernier.
Avec de nouvelles régions électorales, redessinées sur une nouvelle carte électorale, chaque citoyen-ne aurait dorénavant accès à plus qu’un-e député-e. Avec un mode de scrutin mixte compensatoire, chaque citoye-ne aurait accès à un-e député-e de circonscription (local) et à entre 2 à 5 député-e-s de listes (régional), selon la région où elle ou il habite.
Faire de la politique autrement
Bien sûr que ça va changer la façon de faire de la politique. Ça va chambouler les bonnes vieilles habitudes issues du parlementarisme britannique, mais pour le mieux j’en suis convaincu. Ainsi, nous quitterons l’infime minorité de pays dans le monde qui maintient encore un mode de scrutin uninominal à un tour, vestige d'une ancienne époque.
Parce que faire de la politique autrement, ça commence par élire nos représentant-e-s différemment aussi.