Reconnaissance empoisonnée

La nation québécoise vue par les souverainistes québécois

Dans un texte publié récemment dans Le Devoir ([«Une sempiternelle erreur»->2522], 24 octobre 2006), Charles Blattberg rejette le concept de «nation québécoise», qui ne correspond selon lui à aucune réalité.
Il lui préfère celui de «nation franco-québécoise» et propose que le Canada reconnaisse officiellement celle-ci. La proposition est retorse et révélatrice d'un souverain mépris.
Sur le ton de la découverte, ce professeur de philosophie politique reconduit en réalité un truc archiconnu du nation building canadien: la division des Québécois selon des clivages ethniques et linguistiques (Francos, Anglos, Inuits, Innus, etc.) afin de court-circuiter le gouvernement du Québec comme pôle d'identification nationale et faire obstacle au projet souverainiste.
Il reconduit aussi la fiction du Canada «entité multinationale». Cette multinationalité est une vérité sociologique, peut-être, mais pas politique. La société canadienne est plurielle et se compose de multiples nationalités, ethnies ou minorités. Mais ce n'est pas le cas du régime canadien, dont aucune des institutions politiques centrales n'est de nature multinationale.
Provincialisation définitive
Blattberg dénie toute légitimité à l'aspiration souverainiste des Québécois en ayant l'air de plaider en faveur de leur cause nationale. Il demande en effet à Ottawa de reconnaître la «nation franco-québécoise dans la Constitution canadienne» mais après avoir réduit cette nation au statut de minorité linguistique (les Franco-Québécois), sans gouvernement propre ni territoire reconnu.
Constatant le «profond attachement qu'éprouvent les membres de cette nation envers leur État provincial», Blattberg n'y voit pas ce qui crève les yeux, la preuve que cette nation tend à la souveraineté étatique. Au contraire, il méprise cet attachement, et sa proposition de reconnaissance nationale est entièrement ordonnée à la dénationalisation du gouvernement québécois, à sa provincialisation définitive.
Il sera content quand les Québécois ne se laisseront plus «distraire par des considérations nationalistes» et cesseront «d'accorder leur préférence à l'État québécois».
Ce qui est en jeu ici est gravissime. Il s'agit de la capacité du Québec à intégrer politiquement ses «citoyens», de quelque origine qu'ils soient, et par conséquent sa capacité à peser sur son propre avenir comme nation.
La question décisive n'est pas de savoir qui est Québécois ou qu'est-ce qu'un Québécois: elle est de savoir qui intègre qui. Or la proposition empoisonnée de Blattberg vise l'intégration canadienne des «Franco-Québécois» mais au prix de leur incapacité, à eux, à intégrer qui que ce soit. Comme pôle d'intégration nationale, le Québec deviendrait insignifiant.
À l'intention sans doute de la future direction du Parti libéral du Canada en train de jongler avec pareille reconnaissance nationale pour le Québec, Blattberg montre l'intérêt de celle-ci comme moyen pour: 1- désolidariser les Québécois d'avec leur gouvernement national; 2- leur faire perdre toute légitimité intégratrice. C'est beau, la reconnaissance!
Richard Gervais et

Pierre de Bellefeuille

Claude G. Charron

Gérald Hudon

Claire Jacques

Denis Monière

María Teresa Pérez-Hudon

Jeannine Valois

Membres du Cercle Godin-Miron


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