Qui a peur de renforcer la loi 101 ? Cette question, malheureusement rhétorique, je la pose depuis longtemps. Malgré les reculs du français, la réponse est tristement simple : les gouvernements du Québec, tous partis confondus. Et le blocage continue.
Le 12 avril, l’Office québécois de la langue française (OQLF) publiait des études confirmant à nouveau le prix à payer pour ce refus d’agir. Dans les milieux de travail, l’usage exclusif du français n’est plus que de 56 %. Moins de 60 % des allophones optent pour un cégep francophone. Etc. Or, ces tendances ne sont pas nouvelles.
Les raisons sont multiples, mais les plus toxiques ont été celles-ci. 1) L’affaiblissement répété de la loi 101 par les tribunaux et, sauf exception, le refus des gouvernements de la renforcer. 2) La politisation de l’OQLF. Son patron ou sa patronne devant son emploi au bureau du premier ministre, l’OQLF n’est plus qu’une courroie de transmission des préférences du gouvernement du jour.
L’OQLF est devenu aussi inutile qu’une chaloupe pour traverser le Sahara. Elle temporise de manière chronique. Impossible de la voir monter au front face aux gouvernements alors qu’il faut pourtant solidifier la protection du français dans les grandes régions de Montréal et de l’Outaouais.
Loi trouée
C’est pourquoi, en tout respect pour la ministre responsable de la Langue française, son idée de mieux appliquer la loi 101 est un coup d’épée dans l’eau. Cette loi est déjà trouée comme un gruyère. Il faut plutôt lui redonner du tonus.
Quant à l’OQLF, si j’avais reçu 10 $ toutes les fois où j’ai proposé qu’on la dépolitise en soumettant le choix de son patron au vote de l’Assemblée nationale, je pourrais me payer une année à Paris. Voici d’ailleurs que cette semaine, les Partenaires pour un Québec français demandent la création d’un commissaire à la langue française, nommé par l’Assemblée nationale.
Leur but est le même : éviter « tout soupçon de partialité dans la mise en portrait de l’état du français au Québec ». Bingo. Ces Partenaires ne sont pas des hurluberlus. On y retrouve entre autres Sophie Prégent, présidente de l’Union des artistes, Jacques Létourneau, président de la CSN, Maxime Laporte, président de la SSJB et Sylvain Mallette, président de la Fédération autonome de l’enseignement.
Prendre acte
Il est tentant pour nos gouvernements de garder l’OQLF à leur main, mais c’est une grave erreur. Ce choix nourrit un laisser-faire désastreux. En 1996, je cosignais le premier bilan détaillé sur la situation du français depuis l’adoption de la loi 101 en 1977. Il avait été commandé par le premier ministre Jacques Parizeau, qui souhaitait obtenir l’heure juste et factuelle.
Tristement, notre conclusion n’a pas pris une ride : « Il n’y a pas de vie française en Amérique à moins de le vouloir, de le vouloir résolument et de façon continue, et de prendre les moyens qui s’imposent. Cette volonté doit être individuelle et collective. Elle doit être gouvernementale et constitutionnelle. »
Si le Québec doit demeurer une province, il est urgent d’en prendre acte.