Une bien drôle d’idée circule dans certains cercles souverainistes en quête compréhensible d’un peu d’espoir. Face à l’intransigeance du Canada envers le Québec, François Legault serait celui qui, en réaction, finirait un jour par faire l’indépendance. Dit autrement, c’est ce qui s’appelle prendre ses rêves pour des réalités. Voyons pourquoi.
En 1990, les souverainistes étaient déjà nombreux à croire dur comme fer que le très libéral premier ministre Robert Bourassa, après l’humiliation de l’échec de l’accord du lac Meech, finirait par déclencher un référendum sur la souveraineté. L’appui au Oui dépassant les 60 %, la victoire, disaient-ils, serait facile.
Cette grande illusion était d’une force telle qu’un livre fut même publié sous un titre qui passerait aujourd’hui pour de la folie pure : L’accord : comment Robert Bourassa fera l’indépendance. Le scénario était certes joli. Le seul obstacle à ce fantasme était cette petite chose importune qu’on nomme la réalité.
Surréalistes
Chef du PLQ et premier ministre, Robert Bourassa avait choisi l’option fédéraliste tout en étant un nationaliste moderne. En 1990, il en était à son quatrième mandat à la tête d’un gouvernement libéral. De toute évidence, son choix était coulé dans le béton depuis longtemps.
Qu’à cela ne tienne, je n’oublierai jamais les conversations surréalistes que j’ai eues après l’échec de Meech avec des souverainistes notoires. Eux tentaient de me convaincre de l’inévitabilité de l’indépendance sous Robert Bourassa et moi, j’essayais en vain de les ramener sur terre.
Et François Legault ? Que fera celui qui, du temps où il était au Parti québécois, se disait tout de même un souverainiste « pressé » ? Considérant l’impossibilité d’appliquer des politiques autonomistes réelles dans un Canada fermé aux demandes du Québec, est-il possible qu’il retourne un jour à ses amourettes souverainistes ?
Personne n’a de boule de cristal. J’avancerai tout simplement ceci. La conversion de M. Legault au fédéralisme semble être réfléchie. On ne saute pas la clôture constitutionnelle sur un coup de tête. À l’instar du fédéralisme de feu Robert Bourassa, celui de François Legault n’a cependant rien de passionnel. On l’imagine mal ému aux larmes devant les Rocheuses ou en train de chanter l’Ô Canada dans sa douche.
Mariage d’intérêts
Le chef libéral intérimaire, Pierre Arcand, a beau tenter de lui soutirer une déclaration ultime de ferveur ardente envers le Canada, rien n’y fait. Contrairement à Philippe Couillard, mais tout comme feu Robert Bourassa, François Legault pratique un nationalisme autonomiste, mais enrobé dans un fédéralisme choisi par défaut.
À tort ou à raison, pour messieurs Bourassa et Legault, l’appartenance au Canada repose sur des motifs essentiellement économiques. Leur vision commune du couple Québec-Canada n’en est pas une d’amour, mais d’intérêts.
Résultat : même devant la fermeture hermétique du reste du pays, Robert Bourassa a refusé de claquer la porte. Il est fort probable que M. Legault en fasse de même. Après tout, en politique comme dans la vie, l’amour n’a souvent qu’un temps, mais les intérêts, eux, sont ce qu’ils sont.