Quel «lapsus» ?!

Jean Charest prouve aux Québécois qu’il n’est pas avec eux et se rangera dans le camp canadien

Québec 2007 - Après un OUI - Charest et la partition

On savait que celui qui courtise présentement l’électorat pour obtenir un second mandat à la tête du Québec aurait préféré faire de la politique ailleurs. Le chef du Parti libéral a effectivement quitté la direction du Parti conservateur du Canada à regret, en 1998.
Sa dénonciation, à l’automne 1996, du projet de Jean Chrétien de questionner la Cour suprême au sujet du droit unilatéral du Québec de déclarer l’indépendance, l’a rendu suspect aux yeux du Canada anglais. Jean Charest a alors ruiné ses chances d’aspirer au poste de premier ministre du Canada, en tentant de récupérer politiquement le geste du chef du PLC. Ses rapports avec le ROC n’ont jamais plus été les mêmes par la suite. Face à cette dure réalité, Charest a finalement quitté Ottawa à reculons, au printemps 1998, pour remplacer Daniel Johnson aux commandes du Parti libéral du Québec.
La décision de Jean Charest d’abandonner l’arène fédérale ne fut pas facile. La politique québécoise lui était d’ailleurs peu familière à son arrivée au PLQ. Parachuté au Québec en pleine tourmente financière, alors que le gouvernement canadien tirait ses premières « salves fiscales », le leader libéral est passé bien près de déloger le Parti québécois de Lucien Bouchard. Impopulaire puisque obligé de gérer la décroissance occasionnée par les sauvages compressions d’Ottawa, le PQ a effectivement obtenu moins de voix que son nouvel adversaire au scrutin de 1998.
Jean Charest n’avait pas intérêt à rater sa seconde chance de devenir premier ministre du Québec en 2003. Ses années passées dans l’opposition officielle n’ont pas été de tout repos. Le mal-aimé des Québécois a même eu maille à partir avec des membres de son propre caucus. Son type de leadership a occasionné des querelles intestines qui lui ont presque fait perdre la direction de son parti. Ce ne fut guère mieux une fois au pouvoir : il a clairement été démontré plusieurs fois que les membres du cabinet libéral ont pris connaissance de décisions de leur chef par l’entremise des médias! Jean Charest a gouverné longtemps sans consulter ses ministres, ni écouter les députés de son caucus. À maintes reprises, il a soulevé l’ire de ses collègues. C’est un secret de polichinelle au Québec que le ministre de la Santé, Philippe Couillard, fut pressenti à un certain moment pour le remplacer.
Les choses se sont quelque peu améliorées pour Jean Charest durant la dernière année de son mandat. Ses rapports avec les Québécois furent moins tendus parce que ses bourdes furent moins nombreuses. Par contre, ses relations avec le gouvernement fédéral n’ont pas donné grands résultats. Le siège qu’il a obtenu à l’UNESCO ne confère pas au Québec une grande autonomie. La reconnaissance de la nation québécoise par l’État canadien a uniquement une portée symbolique. L’humiliation que le Québec a subie à Nairobi, lors de la conférence onusienne sur les changements climatiques, a confirmé durement que le Québec ne peut être autre chose qu’une province, dans le Canada. Jean Charest n’a pas fait grand cas de voir son ministre de l’Environnement se faire refuser là-bas un droit de parole de 45 secondes par Ottawa…
C’est que Jean Charest est profondément canadien. À défaut de pouvoir gouverner son pays, le chef libéral a décidé de tenter de diriger les provinces autrement en créant son « Conseil de la fédération. » Les débuts de cette nouvelle instance lui ont permis de « s’amuser » aux dépens du gouvernement fédéral. Sauf que la réalité l’a vite rattrapé : les véritables enjeux nécessitant l’accord unanime des provinces furent impossibles à obtenir, comme d’habitude. L’adoption d’une nouvelle formule de calcul de la péréquation ainsi que l’établissement d’une stratégie commune pour lutter contre le déséquilibre fiscal ont effectivement échoué.
Heureusement pour Jean Charest, l’arrivée aux Communes d’un gouvernement conservateur lui permettra probablement de présenter aux Québécois une « réalisation » substantielle. Le budget fédéral du 19 mars prochain devrait en effet comporter une enveloppe d’argent que le chef libéral aura tôt fait de qualifier d’avancée majeure dans l’histoire canadienne. On sait combien le dirigeant du PLQ aime prononcer le mot histoire à toutes les sauces… Ce sera l’occasion pour le député libéral de la circonscription de Sherbrooke d’exprimer une nouvelle fois son profond attachement au fédéralisme canadien.
Jean Charest croit au Canada. Il a toujours défendu le cadre fédéral canadien et le fait encore à titre de premier ministre du Québec. Grand bien lui fasse. Sauf qu’advenant la création de l’État du Québec, le chef libéral a affirmé qu’il ne pourra garantir l’intégrité territoriale du nouveau pays. C’est ce qu’il a révélé dans les Laurentides le 6 mars dernier. Voilà une déclaration indigne d’une personne qui aspire à devenir le premier ministre du Québec. Occuper la plus haute fonction d’un État exige une fidélité à toute épreuve envers celui-ci. Or, Jean Charest refuse de dire clairement qu’il prendra le camp du Québec après sa souveraineté. Le chef libéral s’adonnera-t-il, à côté de Stephen Harper, à de l’agitation raciste?
Le projet de pays des souverainistes québécois a des racines qui plongent profondément dans l’histoire. Le territoire québécois, tel qu’il est présentement, a été façonné par celle-ci. Modifier brutalement les frontières du Québec après son indépendance, l’amputer de portions de territoire ne pourra se faire qu’à partir de préceptes racistes exclusifs. La reconfiguration du territoire québécois sera basée sur l’intolérance, le refus de vivre avec le peuple québécois de langue française.
Quiconque encourage le morcellement du territoire québécois se livre à de la xénophobie qui peut entraîner de graves situations. En refusant de dénoncer énergiquement cet épouvantail d’Ottawa, Jean Charest prouve aux Québécois qu’il n’est pas avec eux et se rangera dans le camp canadien. De toute évidence, il ne peut être question d’élire à la tête du Québec quelqu’un qui le quittera promptement une fois sa liberté acquise, non sans avoir tenté au préalable de lui causer des torts considérables.
Patrice Boileau


Laissez un commentaire



3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    13 mars 2007

    Savez-vous que depuis que depuis 106 ans ( parution de la psychopathologie de la vie quotidienne de S. Freud), il est admis par tous les psy qu'un lapsus n'est pas qu'une simple erreur mais bel et bien un acte de parole qui ne manque pas son but non-avoué. Autrement dit qu'un désir caché se love dans la langue qui fourche ou la parole qui achoppe. J. Charest a bel et bien avoué son désir que quelque chose d'indivi soit divisible.
    Quel noir dessein animait alors l'âme (!) de notre Grand (dit-)Vizir?
    La nation?
    L'institution du mariage?
    L'unité du corps et de l'esprit?
    Il le sait lui-même en son fors intérieur et nous ne pouvons que le deviner.
    À moins d'un miracle : qu'il ne soit lui-même, à son insu, divisé sur la question nationale, pris entre deux langues?
    Indépendantiste malgré lui alors ! Vite un divan et qu'éclate la vérité.
    JP Gilson
    psychanalyste

  • Gaston Boivin Répondre

    7 mars 2007

    Cette déclaration sur la partition du Québec de monsieur Charest confirme ce que, depuis son élection, j'ai toujours soupconné: Le loup était désormais dans la bergerie! Charest, Chrétien, Dion, Harper, du pareil au même! Imaginez, ce qu'en cantimini, cet homme a pu faire de mal au Québec durant son mandat? Beau parleur qui sait manier le verbe, la détente, l'humour et les sourires pour camouffler un discours terne et vide, qui ne veut rien dire et qui ne mène nulle part, il a l'art d'attirer le troupeau dans l'enclos en le charmant et en usant de manigances. La belle et la bête quoi! Au petit matin, il le nourrit, et, le soir venu, il l'égorge! Sérieusement à qui viendrait-il l'idée de confier et la bergerie et le troupeau à cet homme!?

  • Archives de Vigile Répondre

    7 mars 2007

    "La reconfiguration du territoire québécois sera basée sur l’intolérance, le refus de vivre avec le peuple québécois de langue française." (Patrice Boileau)
    De grâce, n'adoptez pas la vision de Charest.
    Tous les citoyens du Québec ont droit de vote et il y a des indépendantistes chez tous les peuples qui composent la nation québécoise.
    Il faut démolir ce mensonge grossier qui veut faire croire que les indépendantistes du Québec n'appartiennent qu'au peuple dit "Québécois". Il y a des indépendantistes parmis les peuples amérindiens, parmis le peuple Métis, et même chez les membres du peuple Inuit au Québec.
    C'est la nation québécoise au complet qui vote sur le référendum, pas seulement un seul de ses peuples. Ce sont tous ses peuples sur tout son territoire.
    Donc, lorsque le P.M. Charest déclare: "Je réitère également qu'au lendemain d'une hypothétique séparation du Québec, notre peuple affronterait une période de turbulence." Il ne peut que parler au nom du peuple dont il est le plus proche historico-culturellement, c'est à dire le peuple Québécois et non la nation québécoise au complet. Il ommet ainsi les autres peuples de notre nation, qui ont autant le droit de vote et appartiennent à la nation.
    Le Québec est aussi indivisible que sa nation.
    Charest se montre tel qu'il est. Rien de moins qu'un traître à la nation.